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"La guerre des pauvres" : ah, si Eric Vuillard pouvait se libérer de l'idéologie !
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Atlanti-Culture

Dommage que le regard politique qu'Eric Vuillard pose sur les choses vienne brider sa créativité d'écrivain. Ses romans pourraient prendre une autre dimension. Patience, peut-être...

Marie-Christine Lebrun

Marie-Christine Lebrun

Marie-Christine Lebrun est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

LA GUERRE DES PAUVRES

D' ERIC VUILLARD

Ed.  ACTES SUD

80 p

8,50€

RECOMMANDATION 

           BON

THEME 

Vers 1500, dans le Saint Empire Germanique, Thomas Müntzer a onze ans quand il assiste à la pendaison de son père. Il devient un jeune prédicateur mystique dans une région et à une époque où la Réforme suscite beaucoup d’effervescence. On veut plus de pureté, l’accès aux textes saints par les langues vernaculaires et aussi, pour Thomas Müntzer, un partage des richesses. C’est un combat sans relâche qu’il mène alors, fondant ses idées révolutionnaires sur l’Evangile, et poussant à la rébellion des milliers de paysans. 

Eric Vuillard nous entraîne sur ses pas, mais nous fait faire aussi un détour par l’Angleterre de la fin du quatorzième siècle, puis par la Bohème du début du quinzième siècle. Il établit des analogies entre son personnage et John Ball, Wat Tyler, John Cade ou Jan Hus, tous révoltés contre un système qu’ils jugent inique, tous exécutés au cours d’une répression sanglante. A chaque fois tout va vite, très vite, avec le même engrenage : l’injustice est insoutenable, on s’insurge, on se révolte, on subit l’assaut d’un pouvoir autoritaire et armé, et « ça recommence ». 

En fait il ne s’agit pas de relater une mais plusieurs guerres des pauvres.

POINTS FORTS 

- Un style percutant et efficace, avec l’usage quasi systématique du présent pour donner à voir les nombreuses actions relatées comme si elles se déroulaient sous nos yeux.

- De belles images, comme cette métaphore filée pour raconter la naissance de l’imprimerie.

- Le sens de la formule et des chutes en fin de chapitre.

POINTS FAIBLES

- Un « récit » entre roman et Histoire, où les faits historiques sont systématiquement mis au service d’une démonstration. Ce caractère didactique, voire militant, devient pesant.

- Par l’utilisation répétée du « nous » et du « on », qui s’ajoute à celle du présent précédemment évoquée, le lecteur se trouve embarqué au côté des « gentils pauvres » contre les « méchants riches ».  Cette vision manichéenne du monde peut agacer aussi.

EN DEUX MOTS 

Dans Quatorze juillet Eric Vuillard écrit « c’est depuis la foule sans nom qu’il faut envisager les choses ». Ici aussi on est du côté des anonymes, des invisibles. Et toutes les informations données sur des rébellions antérieures en divers pays ont un but : nous éclairer implicitement sur ce qu’est aujourd’hui le combat des gilets jaunes. (La publication de ce récit a d’ailleurs été avancée de quelques mois pour qu’il entre en résonance avec l’actualité !). Systématiquement, pour que le lecteur comprenne bien l’analogie, chaque épisode relaté est suivi d’une maxime à portée universelle qui montre le déséquilibre entre les profiteurs de tout poil et les opprimés 

Eric Vuillard souligne des paradoxes, assène des vérités pour faire un ouvrage idéologique qui parle de lutte des classes. Il établit une continuité entre toutes ces révoltes, d’où le titre à valeur générale. 

Mais le combat des gilets jaunes est-il une guerre des pauvres ? Le parti pris est discutable…

UN EXTRAIT

 « Il cite l’Evangile et met un point d’exclamation derrière. Et on l’écoute. Et les passions remuent, car ils sentent bien, les tisserands, que si on tire le fil toute la tapisserie va venir, et ils sentent bien, les mineurs, que si on creuse assez loin toute la galerie s’effondre. Alors ils commencent à se dire qu’on leur a menti. Depuis longtemps on éprouvait une impression troublante, pénible, il y avait tout un tas de choses qu’on ne comprenait pas. On avait du mal à comprendre pourquoi Dieu, le dieu des mendiants, crucifié entre deux voleurs, avait besoin de tant d’éclat. » P.13

L’AUTEUR

Né en mai 1968 (et oui...), Eric Vuillard est scénariste et réalisateur, mais écrit aussi des romans et surtout des « récits » qui font la part belle à des faits historiques. Lauréat de plusieurs prix littéraires, il a reçu notamment le Goncourt en 2017 pour L’Ordre du Jour.

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