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Dette : surprise, surprise, les taux français à 10 ans ont été divisé par deux depuis un an
©CHRIS J RATCLIFFE / AFP

Taux bas

Dans un contexte de tensions économiques mondiale et de ralentissement de la croissance, les taux de la dette française à 10 ans viennent d’atteindre 0,54%

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Dans un contexte de tensions économiques mondiale et de ralentissement de la croissance, les taux de la dette française à 10 ans viennent d’atteindre 0,54%, un plus bas de près de 3 ans, et une baisse de près de 50% depuis son plus haut de l’année passée à 1,04%. Comment expliquer cette situation ? La baisse de la croissance est-elle un facteur ?

Michel Ruimy : Comme pour tous les actifs financiers, plus le risque est grand, plus le rendement doit être élevé. Si vous prêtez de l’argent à l’Etat pour 10 ans, vous avez davantage de risques que si vous lui prêtez pour seulement une année. Vous allez donc demander des intérêts annuels plus élevés car il y a, en général, plus d’incertitudes à long terme.

Quels sont ces risques ? Il y a, bien sûr, le risque de non remboursement, qui augmente avec la maturité c’est à dire le temps qui passe, mais aussi le fait de ne pas pouvoir anticiper l’inflation à long terme. Car l’objectif premier de tout investisseur est de retrouver, en premier lieu, son capital en termes de pouvoir d’achat et non en termes nominaux. Tout investisseur devra donc arbitrer entre son aversion au risque et sa préférence pour la liquidité.

Par ailleurs, il faut savoir qu’il y a une relation inverse entre le prix d’une obligation et son rendement. Ce qui signifie que si son prix s’élève, le taux d’intérêt baisse alors. Ce sont donc l’offre et la demande qui font varier les taux.

La situation de la France nous interpelle aujourd’hui : au regard de ses indicateurs économiques (croissance, chômage, solde commercial…) et malgré une notation dégradée (perte de son triple A), ses obligations souveraines restent un actif très prisé !En effet, comme les taux montent aux Etats-Unis, plus personne ne veut d’obligations qui ne rapportent pas « grand-chose ». Du coup,les investisseurs vendent leurs titres et achètent des obligations européennes, zone dans laquelle les taux ne montent pas. Le prix des obligations reste donc stable. Or, excepté l’Allemagne, la France est le seul pays qui, par rapport à des nations comparables comme l’Italie ou l’Espagne, présente des perspectives rassurantes. Ceci ne signifie pas, pour autant, que la situation économique est bonne. Elle est simplement moins mauvaise que celle d’autres pays.

Comment anticiper l’évolution à court moyen terme des taux d’intérêt français alors que la situation du déficit et de la dette sont pourtant pointées du doigt ?

En s’appuyant sur la différence entre les taux longs et les taux courts, certains intervenants de marché considèrent, pour des motifs opérationnels, la courbe des taux comme un indicateur avancé, prédictif de l’activité car elle intègre les anticipations des investisseurs quant à l’évolution des taux d’intérêt et de l’inflation sur la période future.

De même, les banques centrales tendent à se doter de cet outil à des fins d’analyse économique, à la fois, pour rechercher des indicateurs d’inflation future et pour apprécier, au vu de l’évolution future des taux d’intérêt, la réaction des agents économiques à la politique monétaire menée et donc le degré de crédibilité de celle-ci.

Ainsi, par exemple, quand elle s’inverse, c’est-à-dire quand il coûte moins cher d’emprunter sur dix ans que sur deux ans par exemple, une récession devrait intervenir dans les deux ans. Mais rien n’est moins sûr car, aujourd’hui, en raison des politiques monétaires ultra-accommodantes de la Federal Reserve et le la Banque centrale européenne, la courbe des taux a été déformée.

Toutefois, l’idée d’une récession pointe malgré tout le bout de son nez chez les plus pessimistes. Dans un univers de liquidité moindre, toutes les stratégies gagnantes sur les dix dernières années vont être soumises à une remise en question avec le dégonflement de l’inflation des actifs et une prise de conscience par les gouvernements de l’échec de la transmission de cette inflation des actifs à celle du pouvoir d’achat du plus grand nombre.

Ainsi, en 2019, l’économie mondiale est confrontée à une combinaison croissance / inflation moins favorable. Un resserrement de la politique monétaire et un ralentissement du rythme de la croissance n’impliquent pas qu’une récession menace. En fait, il convient d’être plus préoccupé par une croissance positive mais décevante que par une récession, qui n’est pas d’actualité au regard des fondamentaux de la croissance mondiale actuelle. Il conviendrait d’être particulièrement attentif aux développements des prochaines négociations politiques en cours (tensions sino-américaines, Brexit…).

Pour l’instant, alors que l’endettement public de la France devrait atteindre 100% du produit intérieur brut cette année, les incertitudes géopolitiques et économiques ainsi que la décrépitude de certaines économies nous font profiter d’un bas niveau de taux d’intérêt, qui serait judicieux d’utiliser pour engager des réformes structurelles.

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