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(Mauvais) procès en catholicisme : mais qui se souvient encore de ce que les chrétiens ont apporté à la construction européenne ?
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Bellamy, cachez moi ce chrétien que je ne saurais voir

Les convictions de François-Xavier Bellamy sont contestées et c’est le jeu démocratique. Mais la levée de boucliers que suscite son investiture cache d’autres intentions, jusqu’à lui dénier la seule légitimité d’intervenir. Qu’on le soutienne ou qu’on ne le suive pas, cette nouvelle manifestation d’intolérance dans notre pays est inacceptable et délétère.

Erwan Le Morhedec

Erwan Le Morhedec

Avocat au Barreau de Paris depuis plus de dix ans.

Il tient par ailleurs le blog LM-a.

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Certes, le chrétien que je suis ne s’étonne pas que l’on soit allé chercher, pour le discréditer, des propos tenus il y a un an sur l’IVG. Si le précédent Fillon ne suffisait pas à nous en instruire, tout concourt à penser que l’IVG est le tabou ultime de notre société : voilà bien la seule pratique légale dont il serait interdit de seulement discuter les modalités d’application. Pourtant, en l’absence de toute intention de remettre en cause sa dépénalisation, il est inconcevable que l’on soit incapable de se mettre d’accord sur un objectif commun de réduction du nombre d’avortements, quand chacun s’accorde à dire qu’il s’agit d’un acte grave et d’une épreuve personnelle pour les femmes qui y ont recours. Barack Obama l’a fait pour les Etats-Unis, et François-Xavier Bellamy ne dit pas autre chose, même si leurs convictions intimes divergent. Brandir cet épouvantail relève d’une instrumentalisation tactique et indécente de la question de l’IVG, alors que personne ne peut sérieusement imaginer qu’il y ait le plus petit début de commencement d’une majorité pour une abrogation de la loi Veil, et que toutes les évolutions législatives françaises, spécialement ces dernières années, sont allées dans le sens de son élargissement. Convenons aussi qu’il ne s’agit pas d’un enjeu des élections européennes. Ceux qui déplorent que ce sujet entre dans le débat seraient bien inspirés de ne pas l’agiter eux-mêmes.

Mais l’annonce de son investiture s’est accompagnée d’un autre débat plus préoccupant encore : est-il encore possible en France, pour un chrétien assumant ses convictions, de s’engager en politique pour autant qu’il respecte la laïcité ?

Permettez que je précise : François-Xavier Bellamy est un ami avec lequel j’ai des convictions fondamentales en commun et des divergences non négligeables. Il a voté non au référendum de 2005 et j’ai voté oui ; nous avons eu des divergences sur le secours aux migrants ; nous n’entretenons pas les mêmes proximités politiques ; il serait un catholique souverainiste et je serais plutôt un démocrate-chrétien. Mais le débat s’est immédiatement focalisé sur ses simples convictions chrétiennes, et c’est dès lors tout chrétien dans la Cité qui se trouve visé par cette hostilité de principe. Parmi d’autres, un compte twitter militant très suivi et immédiatement relayé a jugé suffisamment discréditant de citer une phrase de sa part disant que le « christianisme dit la vérité », le présentant faussement comme un propos de campagne, ce qui a d’ailleurs suscité un fact-checking fort honnête de Libération venant le confirmer : François-Xavier Bellamy est un chrétien qui pense que le christianisme dit la vérité !

Puisque même un centriste, sur un autre compte, est venu lui faire ces reproches, puisque nous sommes précisément en campagne pour des élections européennes, faut-il encore rappeler à ceux-là que, sans chrétiens, il n’y aurait pas d’Europe ? Faut-il rappeler, à ceux qui brandissent les convictions chrétiennes de leurs opposants comme un facteur discriminant que, sans Konrad Adenauer, sans Jean Monnet, sans Robert Schumann, sans Alcide De Gasperi, tous démocrate-chrétiens, l’Union Européenne n’aurait jamais vu le jour ? Tous ont puisé la force de mener ce projet, pour le bien commun et la paix en Europe, au cœur le plus profond et le plus précieux de leurs consciences ! Si l’on quitte la seule construction européenne, oubliera-t-on les profondes convictions chrétiennes de De Gaulle ou la présence de l’abbé Pierre - en soutane - à l’Assemblée Nationale ? Et hors du champ strictement politique, peut-on ignorer encore l’ancien communiste et toujours catholique Xavier Emmanuelli, notamment fondateur du Samu social ? Combien de personnes illustres, pour combien de contributions salvatrices, ont agi pour le bien commun, celui de la France, profondément mus par leurs convictions chrétiennes ?

La foi n’est certes pas un étendard politique, et il ne saurait y avoir de confusion entre le politique et le spirituel. L’instrumentalisation politique de la foi me fait horreur ; je crois avoir suffisamment payé de l’avoir écrit (Identitaire, le mauvais génie du christianisme, éd. du Cerf, 2017) pour rappeler aujourd’hui qu’un catholique assumé ne saurait être pour autant un citoyen de seconde zone. Pour ce qui me concerne, j’ai intégré que mes convictions catholiques assumées me barreraient la route d’une carrière politique si d’aventure la tentation me prenait… et ce n’est pas normal. J’ai la faiblesse de penser, au regard des enjeux actuels, qu’un chrétien fait une piètre menace pour la démocratie et pour la République. Comment se fait-il alors que des citoyens français, parce qu’ils sont catholiques, puissent se sentir de facto illégitimes ? A cause de quel sectarisme ou de quelle laïcité pervertie ? Rien ne justifie d’écarter un candidat parce qu’il a, également, des convictions religieuses… et qu’il ne les cache pas. Rien ne justifie la prime à la dissimulation qu’engendrent ces procès récurrents. Permettez qu’on lui préfère la sincérité et la transparence, quand trop d’hommes et de femmes politiques agissent au nom d’intérêts non assumés, pour ne pas dire occultes. Inquiétez-vous plutôt du repli communautariste qu’une telle exclusion susciterait : qu’il se traduise par l’indifférence ou la radicalité, il serait nuisible à tous, aux catholiques certes, mais au corps social tout entier.

Et de vous à moi, s’il vous faut absolument une béquille tactique pour soutenir votre lucidité défaillante, vous qui vous opposez à ce candidat pour ses convictions chrétiennes, dites-vous bien que vous offrez à la stratégie de Laurent Wauquiez la plus belle des entrées en campagne. Félicitations.

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