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Davos, mais à quoi sert ce cirque où toutes les vanités du monde se donnent rendez vous ?
©Fabrice COFFRINI / AFP

Atlantico Business

Davos, cette semaine, attire une fois de plus tout le gotha mondial des affaires, mais pour y faire quoi ? Essayer, disent les optimistes, de comprendre le monde qu’ils façonnent et qui souvent leur échappe....

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Mais à quoi sert Davos ? C’est la question que se posent souvent ceux qui n’y vont pas ou qui n’y seront jamais invités. C’est aussi la question que se posent beaucoup de participants qui, sans avoir de réponses très précises, y retournent chaque année aux frais de leur entreprise ou de leur organisation. 

Alors à quoi sert Davos ?  On peut aisément reprendre tous les clichés qui nous décrivent chaque année, un forum pour les riches et les maitres du monde ; capitaines d’entreprise, banquiers, chefs de gouvernements ou ministres de quelque obédience politique qu’ils soient.

A quoi sert Davos, sinon être un bucher des vanités où la mondialisation vient brûler ses dernières cartouches. Du Nord ou du Sud, de l’Est comme de l’Ouest de la planète. Un immense cocktail mondain, une gigantesque foire aux egos, ou aux bonus et aux grandes fortunes mondiales. 

Tous ces clichés correspondent à la réalité. Davos est ce qui se fait aujourd’hui de plus chic et cher sur la planète. Mais si Davos se résumait à ces quelques images, Davos n’aurait pas tenu depuis 50 ans. 
« Pour avoir couvert le forum de Davos pendant plus de 25 ans, je pense que le secret de Davos est ailleurs ». 

Le secret de Davos est dans l’opportunité que les plus grands acteurs du monde économique ont de se rencontrer pour faire du business (certes), mais aussi pour se frotter aux responsables politiques et comprendre l’évolution de ce monde. Le monde du business a une logique très simple, très pragmatique. Cette logique, c’est de faire des affaires, et par conséquent de l’argent. Ce monde du business est habité par la conviction que le seul système capable de créer de la richesse est celui de l’économie de marché. Et que le fonctionnement de l’économie de marché est fondé sur la concurrence et le développement. Comme le disait Alfred Sauvy, la bicyclette ne tient en équilibre que si elle roule. 

Or dans cette logique là, les acteurs de l’économie de marché veillent à l’équilibre de toutes les composantes du marché, à commencer par les clients (sans lesquels rien n‘existe), les investisseurs et les salariés (sans lesquels rien n’est possible). 

Avec une telle équation, Davos a essuyé toutes les critiques, toutes  les attaques, parfois violentes, de tous les opposants au système capitaliste mondial, et aussi de tous les perdants ou les victimes de ce système. A la fin du siècle dernier, Davos a pressenti la montée en puissance des monarchies pétrolières. Davos s’est félicité de l'arrivée des émergents dans la sphère du capitalisme mondial avec l'adhésion de la Chine à l’OMC en 2001, mais préparée de longue date à Davos. Davos a aussi découvert et supporté Bill Gates, annonçant la révolution digitale, avec plus tard l’arrivée, dans son sillage mais comme dans un jeu de quilles, des fondateurs de Facebook, Google et Amazon. Bref, tout un éco système qui a transformé le monde en moins de 30 ans. 

Mais à chaque étape, Davos s’est emparé des disfonctionnements que ces ruptures technologiques ou géopolitiques provoquaient pour les amortir et s’y adapter. Avec, à chaque étape, l’effort d’inviter pour les consulter, les ONG, y compris les plus agressives, les think tanks, y compris les plus violents comme Attac. 

Aujourd’hui, Davos se retrouve face à une montée des populismes, du radicalisme religieux, face à une aggravation des inégalités de fortune et à une dérive de la financiarisation internationale. Toutes les études prouvent que ces disfonctionnements, s’ils ne sont pas corrigés, vont devenir insupportables et dangereux. 

Et, contrairement aux idées reçues, le monde du business qui se retrouve aujourd’hui à Davos n’a pas l’arrogance d’avoir les clefs pour éviter les crises. Le monde du business pense au contraire que jamais le monde n’aura eu autant besoin des organisations politiques et d’un travail avec les pouvoirs politiques, démocratiques ou pas. D’ailleurs, pourvu que les résultats débouchent sur plus de progrès pour le plus grand nombre

Davos a sans doute pour mission de sortir les patrons de leur bulle de certitudes et, en ne dissimulant pas les crises ou les risques de crise de les rendre intelligents.  Pas toujours ! Il est évident aujourd’hui que les patrons du monde entier ont compris que la mondialisation qu'ils ont façonnée a créé des fractures sociales gravissimes qu'il va falloir réduire. Mais ont-ils compris que la financiarisation de l’économie faisait le lit de la prochaine crise mondiale ? Pas sur ! 

Davos a été créé il y a 50 ans par Klaus Schwab, un professeur d’économie d’origine suisse, mais qui a longtemps enseigné à Harvard. Il a organisé le premier forum parce qu‘il ne supportait pas le retard de l’Europe toute entière dans le processus de développement mondial. Il a créé le forum pour expliquer que l’intérêt de l’entreprise capitaliste était de travailler dans l’intérêt de tous ses partenaires : ses clients, ses salariés et ses actionnaires, sans parler de son environnement politique. 

Klaus Schwab n’a pas changé de convictions. A l’époque, il s’est installé à Davos parce qu‘il y passait ses vacances quand il était enfant, que l’air y est pur et que le climat y est "magique", sans doute grâce à Thomas Mann. 
D‘année en année, il a convaincu beaucoup de ses collègues enseignants, dont en France, Raymond Barre qui fut le Premier ministre de Giscard D’Estaing après la crise pétrolière. Mais les Français ont mis du temps à fréquenter Davos, par peur de l’image très big business que Davos véhiculait. 

Cela étant, les réserves idéologiques de certains n’ont pas perturbé le succès de Davos, qui est devenu le point de rencontre de la plupart des grands patrons du monde entier. 

Ces grands patrons doivent payer une cotisation annuelle qui représente entre 50 000 et 600 000 euros, selon le nombre de participants qui les accompagnent, selon les services dont ils veulent bénéficier parce que beaucoup organisent en dehors du programme officiel des meeting pour leurs cadres dirigeants, leurs gros clients et gros investisseurs. 

En fait, et les participants ne le diront pas, mais ce qui se passe en coulisses dans les réceptions privées, les rendez-vous et les conférences est sans doute plus important que ce qui se dit en séances plénières. 

Dernier détail, les absents sont parfois plus présents que ceux qui ont fait le déplacement. Cette année, le nouveau président du Brésil fera évidemment sensation parce que personne ne le connaît mais dans les couloirs, les grands absents occupent l'essentiel des conversations et des réflexions. Donald Trump, que Davos apprécie guère, le président chinois, qui avait pourtant l'année dernière annoncé que son pays s’engageait à fond dans l'économie de marché et qui doit désormais freiner sa mutation, Theresa May, occupée pour cause de Brexit, et Emmanuel Macron, occupé lui par l'effet Gilets jaunes. 

A lire, l’article de Michel Ruimy et Mathieu Mucherie dans Atlantico  hier lundi ... Davos 2019 sans Trump ni Macron : début de reflux de la mondialisation ou... trompe l’oeil ?

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