Brexit : à quoi ressemblerait un bon accord pour tout le monde si l’Europe comme le Royaume-Uni laissaient de côté mauvais sentiments et arrières pensées<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Brexit : à quoi ressemblerait un bon accord pour tout le monde si l’Europe comme le Royaume-Uni laissaient de côté mauvais sentiments et arrières pensées
©REUTERS/Toby Melville

Good Deal

Alors que l'accord conclu entre Theresa May et l'Union européenne a été rejeté par les parlementaires britanniques (432 votes contre et 202 votes pour), la perspective d'un Brexit sans accord se rapproche.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

Voir la bio »

Atlantico: Comment pourrait-on imaginer un accord favorable aux deux parties, si ces dernières mettaient de côté leurs arrières pensées ?

Rémi Bourgeot: Le niveau extrême de politisation de ces négociations a rendu quasiment inatteignable la conclusion d’un accord de sortie, avec l’inclusion notamment du « backstop » irlandais, qui prévoit la possibilité d’un statut spécial pour l’Irlande du Nord en fonction de l’évolution des négociations sur la relation commerciale future entre le Royaume-Uni et l’UE. Cet aspect doit éviter le rétablissement d’une frontière physique inter-irlandaise, suivant une vision qui se veut en quelque sorte mathématique des différents types d’accord commerciaux. La réalité des accords commerciaux négociés dans le monde et notamment par l’UE avec des pays tiers est néanmoins bien plus complexe et variée, qu’il s’agisse du Canada, de la Norvège, de l’Ukraine ou de la Turquie.

Derrière les grands accords reliés à de grands principes d’union commerciale et d’abaissement des barrières, on voit aussi et surtout une myriade d’accords particuliers sur divers marchés dans un cadre qui se veut certes général. Le terme d’accord est presque devenu tabou entre le Royaume-Uni et l’UE, tant il implique des concessions considérées comme inenvisageables par les deux bords. Si ce n’est le manque de temps dans le contexte actuel, qui peut être résolu par un délai qui permettrait les préparations nécessaires, l’absence d’accord général n’interdit pas de gérer l’ensemble des dossiers pour éviter une rupture grave de part et d’autre.  

Quels sont, objectivement parlant, les intérêts des parties à trouver un accord, et quels sont les écueils politiques qui peuvent représenter un frein à une discussion sur une base saine ? 

Tout le monde ou presque souhaite une continuation des relations commerciales, sans changement substantiel par rapport à la situation actuelle de participation au marché unique, en tout cas sur le plan industriel et des produits de consommation. Le fond de panique qui se manifeste à Londres comme dans les centres européens depuis le vote de mardi indique une nouvelle fois que l’idée d’une rupture économique est évidemment considérée comme inacceptable. Une sortie sans accord signifie une sortie sans accord général. Autant cet accord général semble inatteignable, autant il est évident que l’on ne souhaite pas clouer au sol les avions de British Airways au petit matin du dernier samedi de mars ni empêcher l’acheminement des composants automobiles indispensables aux chaînes de production largement pan-européennes.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on tourne en rond depuis deux ans pour des raisons fondamentalement politiques, alors que l’essentiel des dossiers particuliers et des principes d’ensemble ne fait pas réellement débat. L’idée de mettre dans la balance l’idée, même vague et évanescente, d’une remise en question de l’intégrité du territoire britannique sur le plan commercial en échange d’un accord de sortie a conduit à ce blocage spectaculaire à Westminster.

Le Labour ne dispose pas véritablement de plan alternatif, si ce n’est l’évocation par Jeremy Corbin à la fois d’une participation à l’union douanière, qui interdirait donc la conclusion par Londres d’accords commerciaux avec des pays tiers, et d’une possible annulation du Brexit au moyen d’un nouveau référendum. L’idée d’une annulation du Brexit, bien que désirée par beaucoup, est jugée comme dommageable sur le plan démocratique jusque dans de larges milieux pro-européens à travers le pays. Le leader travailliste souhaiterait une nouvelle élection générale qui pourrait consacrer sa carrière. Mais derrière son emportement marqué lors des séances aux Commons ces dernières semaines et son apparente perte de moyen face à des critiques routinières, on ne voit guère d’approche qui permettrait un véritable accord de fond avec l’UE.

Côté européen, on évoque souvent l’idée d’un front indivisible face à Londres, mais la réalité est plus complexe. Depuis le début des négociations on constate un malaise important en Allemagne plus qu’en France en ce qui concerne l’évocation même théorique d’une rupture commerciale. Le Royaume-Uni serait certes plus affecté que l’UE dans son ensemble, mais les conséquences pour l’industrie allemande sont jugées comme inacceptable par les responsables industriels outre-Rhin, suivant une lecture des évènements qui restent de nature économique. En cas de Brexit chaotique et de crise économique et financière, on risquerait d’assister, malgré l’évocation d’un front uni, à une dégradation marquée des relations entre les pays demeurant dans l'UE, en particulier entre la France et l'Allemagne.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !