Brexit : le rejet de l‘accord plonge la Grande Bretagne dans le vide politique, le blocage diplomatique et le risque de chaos économique... <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Brexit : le rejet de l‘accord plonge la Grande Bretagne dans le vide politique, le blocage diplomatique et le risque de chaos économique...
©Ben STANSALL / AFP

Atlantico Business

Les élus de Westminster ont donc refusé de ratifier l’accord qui avait été négocié par Theresa May pour sortir de l’Union européenne. Le grand inconnu d’ici le 29 mars.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

En refusant de ratifier l'accord de sortie qui avait été négocié par Theresa May avec les partenaires de l'Union européenne, les élus du Parlement britannique vont plonger dans la plus grande des incertitudes politique, diplomatique et économique. 

Le deal qui leur était soumis après vingt mois de négociation acharnée avec l'Union européenne permettait au Royaume-Uni d’organiser un divorce sans s’imposer une séparation de corps. En bref, la Grande Bretagne quittait les instances dirigeantes de l'Union européenne mais conservait les avantages du grand marché, à condition d’en respecter les règles bien sûr.  Pour beaucoup en Grande Bretagne, ça permettait de protéger le business, en acceptant la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes. Donc ça ne bouleversait pas trop l’économie de la Grande Bretagne.

Mais une majorité de députés a refusé ce deal. A noter que tous les opposants au deal de Theresa May ne se manifestent pas tous pour les mêmes raisons. Il y a certes, logiquement, tous ceux qui ont plaidé pour un Brexit pur et dur, mais il y aussi tous les autres, ceux qui refusaient le Brexit, et ceux qui considèrent que cet accord est le plus mauvais et il y a aussi ceux qui n‘aiment pas Theresa May et qui voudraient lui succéder comme Boris Johnson, le fer de lance des Brexiters et des populistes anglais qui sont sous sa bannière.

Par conséquent, une majorité par défaut s‘est prononcée contre le deal, mais comme cette majorité n’est pas homogène, il n’y a pas de solutions alternatives. 

Le risque de voir le Royaume-Uni quitter l'Union européenne, le 29 mars, n'a donc jamais été aussi probant. 

Dans ce cas-là, toutes les dispositions prévues par Bruxelles et Londres dans le deal et qui auraient permis au Royaume Uni de quitter l'Union européenne dans le calme et de façon ordonnée vont tomber à l’eau. 

Du coup, les droits des Européens vivant à Londres, et ceux des Britanniques qui habitent le continent ne sont plus préservés. La période de transition qui devait courir jusqu'à la fin 2020 pour redéfinir un contrat de confiance et permettre à tous les acteurs clefs de revoir les accords de coopération, cette période de transition va être annulée. 

Parallèlement, on va donc, dès le 29 mars, date officielle du divorce sans deal, réinstaller des frontières, des douanes et recommencer à fixer (ou pas)  des droits de douane. L’Irlande devrait réinstaller une frontière qui va la couper en deux avec, certains y songent déjà, la construction d’un mur pour séparer les deux communautés. De la pure folie ! 

Il est évident qu’au lendemain de ce vote, cette situation provoque la grosse inquiétude dans beaucoup de compagnies de transports, dans beaucoup de banques et de sociétés d’assurance, dans beaucoup d’industries où les chaines de valeur sont très éclatées, dans l’automobile ou la pharmacie qui doit importer la totalité de certains médicaments (l’insuline par exemple), dans la distribution des produits agro-alimentaires, 80% des fruits et légumes sont importés. Inquiétude pour ne pas parler de panique, dans les bureaux de la Brittany Ferries, aux deux bouts de l‘Eurotunnel, dans les aéroports où les compagnies aériennes comme British Airways ou les low-cost vont se retrouver avec un ciel interdit de liberté de vol puisque la réglementation aérienne est commune à l'Union européenne. La Grande Bretagne va se trouver contrainte de quitter ces instances et de négocier avec chacun des pays destinataires des licences de navigation et des droits. Pour British Airways, c’est l’asphyxie annoncée. Easyjet a choisi une autre solution en déménageant son siège à Vienne, le champion du low cost a changé de nationalité. Easyjet va conserver ses droits de trafic en Europe mais qu’en sera- t-il d’Iberia, la compagnie espagnole qui est en partie la propriété des Anglais ? Là encore un imbroglio juridique. 

Juridiquement, Theresa May a désormais 3 jours pour tenter de proposer un plan B. Trois jours, c’est-à-dire jusqu'à lundi de la semaine prochaine. 

Sauf miracle, personne ne croit qu’il sera possible de renégocier un plan de sortie avec Bruxelles dans un délai aussi court. Quant aux députés, ils peuvent de leur côté proposer un plan alternatif, mais comme ils ne s’entendent pas, et ne sont pas capables de former une majorité et opter pour un nouveau scénario, c’est le vide politique total. 

Les solutions politiques existent certes, mais elles sont compliquées à assumer. 

1ère solution, Theresa May humiliée pourrait démissionner, mais ça n’est pas dans sa nature. Les Hard Brexiter du Parlement ne peuvent pas l’obliger à partir. Logiquement, elle est intouchable pendant encore un an. Ceci dit, elle est incapable de gouverner.

2e solution, l’opposition travailliste peut lancer une motion de défiance. Jeremy Corbyn, leader travailliste en rêve, sauf qu’il n'a aucune certitude de faire passer sa motion. Les députés conservateurs ont coagulé autour d’eux beaucoup d’opposants à Theresa May. Pour conserver le pouvoir.

3e solution, qui pourrait venir de Bruxelles. Les Européens appréhendent, eux aussi, le chaos d’un Brexit sans accord. Les équipes de Michel Barnier, avec l’accord des membres de l'Union européenne, seraient prêtes à proposer aux Britanniques de repousser la date butoir du Brexit d’un ou deux ans. Il s’agirait de prolonger l’article 50 afin de trouver une solution. Pour actionner l’article 50, il faut que Londres et le gouvernement fassent officiellement la demande écrite et motivée à Bruxelles. 

Bruxelles peut accepter, à condition qu’il y ait derrière un processus de sortie politique cohérente et solide : deux solutions acceptables, des élections générales qui permettraient de dégager une majorité porteuse d’un vrai projet. Ou alors un nouveau referendum, projet de plus en plus agité et proposé par le parti travailliste.

En attendant, tout le monde scrute le ciel de l’économie qui se dégrade. Comment faire des affaires, des projets, des investissments dans un tel climat ? Comment gérer la situation d’attente d’une Grande Bretagne qui préparerait à nouveau sa sortie mais qui serait encore dans l’Union européenne en pleine élection pour un Parlement dont on ne sait même pas si les Anglais pourront y participer ou pas puisqu’étant sur le départ, l’article 50 prolongé protège leurs droits. 

Quel désordre, quelles incertitudes, quel gâchis !  Et dire que dans toutes les grandes écoles du monde, on enseigne que le système politique anglais est sans doute le plus efficace. Que la démocratie exercée par les Anglais est sans doute la meilleure, la plus équitable pour stabiliser l’équilibre entre les générations, les classes sociales et faciliter les arbitrages entre entre le court et le long terme.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !