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Gilets jaunes contre gouvernement : la double déception
©BERTRAND GUAY / AFP

Désillusions

A l’espoir des débuts du mouvement des gilets jaunes ont succédé des désillusions successives, jusqu’à rendre le contexte actuel totalement désespérant. De mauvais augure pour le grand débat national qui s’ouvre.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

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Au commencement était l’espoir.

L’espoir soulevé parle réveil citoyen de la France périphérique chère à Christophe Guilluy, lasse d’être écrasée fiscalement. Lasse d’être déconsidérée. Lasse d’être tenue à l’écart des décisions la concernant.

L’espoir fébrile d’un réveil de nos élites naissait également, après des années de surdité et de décisions dévastatrices.

Les gilets jaunes se levaient, et avec eux pointait un réel bon sens populaire. Sans forcément l’exprimer ainsi, ils sentaient bien que les services publics promis étaient bien pauvres au regard des prélèvements obligatoires subis, et des difficultés financières qui en découlaient pour eux. Ils rappelaient également à nos élites mondialisées que tous les territoires et tous les peuples ont une identité propre, et qu’ils n’entendaient pas abandonner la leur malgré les assauts répétés des progressistes.

Plus de pouvoir d’achat, et le respect de leur identité. Les gilets jaunes ne réclamaient rien de plus, et ce faisant, ils réclamaient énormément. Des décennies de décisions économiques et sociétales, de débats et de non-dits, devaient être interrogés pour apporter des réponses à ces doléances apparemment simples. Et l’idée de remettre toutes ces questions sur la table était enthousiasmante pour quiconque avait à cœur de redresser le pays.

Mais les « actes » se sont enchaînés, et comme dans une mauvaise pièce, espoir et enthousiasme ont peu à peu fait place au découragement et au dégoût.

Le gouvernement déçoit par son retard dans les décisions prises et par l’arrogance de certains ministres, dont les sorties ubuesques rappellent à quel point ils sont déconnectés du réel. Proposant plus de dépenses quand la pression fiscale est déjà écrasante, promettant plus de progressisme quand les inquiétudes des gilets jaunes sont clairement conservatrices, il donne jour après jour l’impression d’être dépassé.

Il n’a, par ailleurs, pas pris la mesure de la détestation que l‘aristocratie au pouvoir suscitait. Arrogante, progressiste, parisienne, multiculturaliste, et déconnectée, elle représente tout ce que les gilets jaunes exècrent. La première étape aurait dû être de congédier la cour d’Emmanuel Macron. Au lieu de quoi le ministère de l’intérieur a été confié à Christophe Castaner, le rôle de porte-parole a été laissé à Benjamin Griveaux, la présidence de l’Assemblée Nationale a été offerte à Richard Ferrand, et des privilèges exorbitants ont été accordés à Alexandre Benalla.

L’image donnée est celle d’une élite au-dessus des lois et de la morale. Par sa surdité et par la protection accordée à ses proches, Emmanuel Macron donne aux gilets jaunes l’impression que lui et son cercle ne pourront être délogés que par la force, ce qui alimente la spirale de violence actuelle.

Face à cette aristocratie, les gilets jaunes multiplient eux-aussi les fautes : manifestations non déclarées et non sécurisées, affrontements avec les forces de l’ordre, choix de représentants complotistes ou violents, propositions tous azimuts…

Pire encore, ce mouvement initialement apolitique et citoyen s’est laissé parasiter par les partis politiques et les syndicats, qui ont soufflé à des foules chauffées à blanc leurs slogans habituels. Intellectuellement, ce parasitage a fait retomber le pays dans ses vieux démons : sa haine des riches, ses raccourcis faciles, ses croyances non fondées…

La moralité du mouvement, enfin, est particulièrement entachée. La violence physique est placée sur le même plan qu’une prétendue violence symbolique exercée par les puissants, afin de légitimer les exactions commises contre les biens, les personnes et les forces de l’ordre lors des manifestations et des blocages. Des cagnottes sont même organisées pour Christophe Dettinger, porté en triomphe pour avoir agressé des gendarmes. D’un point de vue médiatique, les violents et les bruyants se sont emparés du mouvement, lui accolant une image déplorable.

Cet épisode est désespérant. Il donne une impression étouffante d’être coincé entre une aristocratie arrogante et hors sol, et des gilets jaunes intellectuellement manipulés, s’enlisant dans les mensonges, les slogans simplistes, la violence et les récupérations de tous bords.

Il rappelle par ailleurs la pauvreté de la campagne présidentielle 2017, qui aurait dû être le temps du grand débat national, et qui s’est tristement illustrée par ses bassesses et sa grande pauvreté intellectuelle, renvoyant à la rue une colère qui s’est exprimée par les urnes dans d’autres pays.

Il donne également l’impression que la France ne se débarrassera jamais vraiment de ses éternels démons, et que les espoirs suscités sont condamnés à être éternellement douchés.

Il renvoie enfin au silence assourdissant des banlieues, finalement peu concernées par le mouvement, comme si elles ne s’intéressaient déjà plus à cette Nation française à laquelle les gilets jaunes exigent de faire pleinement partie.

A l’heure où les camps qui s’opposent semblent incapables de trouver des solutions constructives et réduisent leurs échanges à mesure qu’ils multiplient leurs affrontements, les raisons de désespérer sont nombreuses.

Des solutions peuvent théoriquement émerger du grand débat national à venir, mais qui oserait encore se laisser aller à l’espoir aujourd’hui ?

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