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Pourquoi Emmanuel Macron pourrait utilement appeler les Français à se jeter sur les soldes
©BENOIT TESSIER / POOL / AFP

Relance de l'économie

« Le moral est dans les chaussettes », mais « les bas de laine » sont pleins ! Les ménages sont sur-liquides, comme disent les économistes, mais cette liquidité paraît aujourd’hui bien gelée.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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C’est le problème, et c’est la solution : déclencher la dépense, donc trouver le « déclencheur » (politique) qui donnera confiance. Ce ne peut être qu’Emmanuel Macron, s’il veut continuer ses réformes et donner suite à son mandat. Cette crise politique et sociale vient en effet, en large part, de l’organisation même de ses réformes : fin de l’ISF sur les actifs financiers, lois et ordonnances sur l’assouplissement du travail, prélèvement fiscal sur les retraites jugées élevées, limitation des vitesses et hausse du diesel. On pourra les trouver mal expliquées et calibrées, portant trop sur les plus fragiles et les plus isolés, ce qui est vrai. Elles ont été aussi mal positionnées dans le temps (ratant la reprise de fin 2017) et prenant plus de temps que prévu pour faire sentir leurs effets. Les euros prélevés sont toujours plus négatifs sur le moral et la demande que les euros accordés. Les premiers sont un vol, les seconds une tardive réparation : prélever sur les retraites ne compense pas le transfert sur les bas salaires. Et plus on bouge d’euros, dans un sens ou dans un autre, avec les seuils d’impôts plus le prélèvement à la source, plus les gens sont perplexes et inquiets (au mieux).

Maintenant, et pour le bien de tous, il faut sauver 2019. L’enquête Markit publiée le 2 janvier n’est pas gaie. « La conjoncture s’est détériorée pour la première fois depuis septembre 2016 dans le secteur manufacturier français, les données de l’enquête mettant en évidence un nouveau repli de la production après la brève stabilisation enregistrée le mois dernier ainsi qu’une accélération de la baisse des nouvelles commandes en décembre. L’emploi et les nouvelles commandes à l’export ont également continué de reculer à la fin du quatrième trimestre 2018, les exportations enregistrant par ailleurs leur plus fort taux de contraction depuis avril 2016. »

Bien sûr, broyer du noir n’est pas une spécificité française. La zone euro connaît aussi un « nouveau ralentissement », avec l’Allemagne. La Chine signale une « légère détérioration » de son activité, la première depuis 18 mois. L’activité américaine « faiblit un peu ». L’économie mondiale ralentit et se demande comment gérer ce processus, ayant profité de la baisse des taux pour (beaucoup) s’endetter, notamment en dollar. La question est donc, comme toujours, de savoir si le système bancaire et financier sera assez résistant pour amortir le choc, autrement dit pour ne surtout pas l’amplifier, comme en 2008.

Une bonne nouvelle d’abord : empêcher la crise financière globale en zone euro est à portée. Les banques sont plus solides qu’il y a dix ans. En France, renverser la vapeur est tout à fait possible, mais les jours qui viennent seront décisifs, si l’on veut soulager les inquiétudes. Les gilets jaunes ont pesé sur le commerce, plus encore sur le moral. Les entrepreneurs se demandent si les réformes vont ralentir, s’arrêter, ou pire rebrousser chemin. Au-delà des hausses de salaires ou du Référendum d’Initiative Populaire, ils s’inquiètent d’un retour de l’ISF, et surtout d’une annulation des ordonnances et des lois visant à assouplir l’emploi. De leur côté, les gilets jaunes parlent de ce qu’ils vivent, peu d’écologie et d’équilibre des retraites, peu du chômage (notamment de longue durée), pas de Chine. Ils s’intéressent à leur situation, ce qui est normal, mais sans trop la relier à celles des autres, ailleurs et demain. C’est un problème, mais pour la suite. 

Un excès à réduire ensuite : continuer à analyser les sources du mouvement gilets jaunes (en passant de l’histoire à la psychanalyse), répéter que c’est la faute au pouvoir ou à des groupes violents, organisés et manipulés, et ainsi de suite. Exercice vain : celui qui est responsable, c’est celui qui exerce les responsabilités. A lui de corriger, s’il veut (le) rester. Donc il s’agit de nous guider, pas de parler du contexte mondial et du futur. La croissance et l’emploi en 2019 se joueront au premier trimestre. Tout se passera dans les têtes, des consommateurs, des décideurs et des patrons, donc des décideurs politiques – Emmanuel Macron en… tête. 

L’amélioration (ne parlons pas de guérison) va commencer avec les soldes. On verra comment les ménages profitent des baisses de prix qu’on annonce, en utilisant les hausses de salaires pour les salariés payés au SMIC et aux environs et plus encore en puisant dans leurs dépôts bancaires, qui n’ont jamais été aussi importants : 450 milliards d’euros. Pour commencer à réussir 2019, il faut dégeler les comportements et pousser à consommer : moins de « moral dans les chaussettes » avec moins de « bas de laine » ! 

Voilà donc ce que devrait dire Macron : « Par conséquent, ô ménagères patriotiques, sortez dès demain matin dans les rues, et dirigez-vous vers ces ventes réclames miraculeuses qui se trouvent annoncées à tous les coins. Vous vous ferez du bien à vous-mêmes car jamais les choses ne furent aussi bon marché, meilleur marché qu'en rêve. Faites provision de linge, de blanc, de draps et de couvertures pour satisfaire tous vos besoins. Et réjouissez-vous par surcroît à la pensée que vous favorisez la main-d'œuvre, que vous enrichissez le pays, car vous redonnez de la vie à de grands centres, d'activités et l'espoir… » Où donc ? 

Dans le Nord, dans les banlieues, dans les petites villes et PME ? Oui aujourd’hui, mais plutôt : « au Lancashire, au Yorkshire et à Belfast » à l’époque, car c’est Keynes qui parlait à la radio en 1931. Macron doit s’en inspirer ! Faire des affaires et sauver des emplois « en même temps » : c’est le moment d’être keynésien - si l’on veut, ou d’éviter le pire - si l’on préfère.

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