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Pourquoi la volonté de Trump de taxer l'automobile allemande pourrait bien dégénérer en guerre commerciale
©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Deutsche Qualität

L'administration américaine pourrait décider, dans le courant du mois de janvier, de qualifier le secteur automobile européenne comme menace à la sécurité nationale, ce qui pourrait entraîner la mise en place de tarifs douaniers de l'ordre de 25%.

Michel Fouquin

Michel Fouquin

Michel Fouquin est conseiller au Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII) et professeur d'économie du développement à la faculté de sciences sociales et économiques (FASSE).

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Atlantico: Comment évaluer l'impact d'une telle décision pour l'Allemagne, et pour l'Europe plus largement ? 

Michel Fouquin : Depuis janvier 2017 le Président Trump menace régulièrement de taxer fortement les importations de véhicules allemands, initialement de monter les tarifs à 35 % puis plus récemment à 25%, au nom dit-il de la sécurité nationale, le même argument qui a servi à monter au  premier juin 2018 les droits sur les importations venues d’Europe  à 25% sur l’acier et  à 10% sur l’aluminium. Cette menace protectionniste porte en réalité sur l’ensemble des relations entre les États-Unis et l’Union Européenne et sur la volonté de réduire le déficit bilatéral entre ces deux zones. L’automobile allemande apparaît, avec un excédent de 24 milliards de dollars en 2016, comme la principale source de déséquilibre. Ce sont surtout les automobiles allemandes de haut de gamme qui sont en cause car elles représentent 90% de ce segment de marché aux États-Unis.

Fin 2018 les trois constructeurs allemands se sont rendus à Washington pour rencontrer les responsables de la politique commerciale américaine pour faire valoir leur cause. BMW et Daimler insistants notamment sur l’importance de leur production de véhicules SUV localisée aux États-Unis, plus de huit cent mille véhicules y sont produits dont plus de la moitié est exportée, et ils envisagent d’accroitre leurs capacités de production; VW, en retard dans ce domaine, en proposant pour sa part d’y développer la production de véhicules électriques. Par ailleurs BMW insiste sur l’importance de ces exportations vers la Chine à partir de sa production américaine (70%) soulignant les risques que lui font courir la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, remettant en question ces investissements.

Cette initiative n’est pas du gout de la Commission européen seule habilitée à négocier sur le commerce avec les États-Unis. Fin aout 2018 La commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a affirmé que l'UE était prête à inclure l'automobile dans un éventuel accord commercial avec les États-Unis, afin de mettre un terme au conflit en cours avec Washington. «Nous sommes prêts à réduire à zéro nos droits de douane même sur les automobiles…si les États-Unis font de même ». Pour rappel, l'Europe taxe actuellement les voitures américaines à hauteur de 10%. Les Américains, eux, taxent les voitures européennes à 2,5% (25% pour les camionnettes et pick-ups).

Ainsi pour l’instant on continue de négocier. Quelle est la probabilité d’aboutir à un accord, cela reste très incertain d’autant que les États-Unis veulent inclure l’agriculture dans les négociations ce que refuse à tout prix la Commission, à la demande de la France en particulier.

Alors que les exportations automobiles à destination de la Chine ont également connu une baisse lors du T3 2018, entraînant une baisse du PIB allemand lors de ce même trimestre, comment évaluer les perspectives plus générales des exportations automobiles allemandes ? 

Pour l’industrie allemande un tarif américain de 25% se traduirait par une perte de 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais, surtout, cette décision s’accompagnerait d’une guerre commerciale généralisée avec répliques de la part de l’Europe, amorçant une escalade tarifaire sans fin. Un tel scénario catastrophe pourrait déboucher sur des taux extraordinairement élevés de l’ordre de 60%. Ce n’est pas encore le scénario plus probable. Mais cette menace intervient à un moment où les perspectives s’assombrissent dans le monde entier : ralentissement de la croissance américaine, chinoise et allemande même après des années de vaches grasses. A ce cycle conjoncturel se combine une triple révolution de l’industrie.

Il s’agit d’une véritable révolution qui touche  l’industrie manufacturière dans son ensemble. L’industrie automobile et les services qui lui sont liés sont au cœur de cette révolution. Cette révolution remet en cause à la fois le processus de production avec l’émergence de l’industrie du futur, le produit avec la voiture électrique, la voiture autonome et connectée, et enfin l’usage du produit avec les nouvelles mobilités et le véhicule partagé que nous n’aborderons pas ici. L’urgence de cette mutation se fait de plus en plus sentir avec la multiplication des réglementations dans le monde entier visant à imposer dans des délais qui semblent très courts des voitures « propres ». Si l’Allemagne est en avance dans la robotique elle semble en retard sur la voiture électrique et autonome.

Qu'est ce que ce changement de contexte pour ce secteur devrait avoir comme effet sur la stratégie industrielle allemande ?

La voie japonaise est-elle jouable pour contrer cette menace ? 75% des voitures japonaises vendues aux États-Unis y sont fabriquées, c’est en large partie l’effet des mesures protectionnistes prises par l’administration américaine de Reagan au début des années quatre-vingts. Celle-ci imposât un sévère quota à l’importation de véhicules japonais, bien plus décisif que des droits de douane de 20%. Pour l’Allemagne cela signifierait fermer des usines installées au Mexique pour l’exportation vers les États-Unis et de les réinstaller au nord du Rio Grande. Le haut de gamme restant localisé en Allemagne, ce sont les véhicules plus ordinaires qui y seraient produits.

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