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Chine / Etats-Unis : les nouveaux maîtres du monde décident d’une trêve de 3 mois dans leur guerre commerciale (et plus si affinités)
©FRED DUFOUR / AFP

Atlantico Business

Les spécialistes de la géopolitique doivent y perdre leur latin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après nous avoir expliqué que la Chine et les USA étaient sur le point de se faire la guerre, voilà que les deux dirigeants, qui pensent pouvoir se partager le monde, multiplient les signes de trêve et d’apaisement au point d’annuler ou de décaler une grande partie des décisions guerrières qu’ils avaient échangées.

Cet état d’esprit s’était, semble-t-il, installé à l’issue d’un diner entre Donald Trump et le président Chinois XI Jinping en marge du G20 de Buenos-Aires, il y a deux semaines (c’était le 1er décembre), mais à dire vrai, personne n’y croyait.

Les antagonismes paraissaient trop puissants. On voyait mal le président américain revenir sur la promesse qu'il avait faite à ses électeurs de restaurer l’industrie américaine en freinant le commerce avec le reste du monde et principalement la Chine. On n’imaginait pas le président chinois revenir sur ses ambitions hégémoniques et la réaffirmation des valeurs traditionnelles de la Chine communiste. Bref, ça n’était pas un remake de la guerre froide version sino-américaine, mais ça y ressemblait.

Les observateurs de la géopolitique se sont trompés. Depuis ce week end, les signes d’apaisement et de trêve se sont multipliés de part et d’autre. Les dirigeants chinois et américains n‘en sont pas encore à s’embrasser sur la bouche, mais ils n‘en sont pas loin.

Coté américain, Washington a renoncé à porter, comme c’était prévu, de 10 à 25% les droits de douane sur plus de 200 milliards de dollars d’importations chinoises (c’est à dire sur la moitié du total des échanges) à partir du 1er janvier et cela pour une période de 90 jours. Le président américain espère, qu’en 3 mois, les deux administrations réussiront à appliquer des changements structurels dans leurs relations commerciales, notamment dans les transferts de technologie.

Coté chinois, Pékin suspend pour 90 jours les surtaxes douanières imposées aux voitures et aux pièces automobiles importées des Etats-Unis. Pékin avait porté les droits de douane de 10% à 35% en représailles des menaces américaines.

Mais parallèlement, Washington vient d’indiquer que Pékin s’était engagé à acheter « une quantité très substantielle » de produits américains pour réduire le déficit commercial américain, promesse de Donald Trump. Sachant qu'il va s’agir principalement de produits agro-alimentaires US.

Last but not least, XI Jinping a promis de durcir la répression contre le trafic de Fentanyl vers les Etats-Unis. Cette drogue chimique, un opiacé synthétique, fabriqué en Chine et qui s’avère beaucoup plus puissant encore que l’héroïne et la morphine, tuerait près de 30 000 Américains par an.

Autre signe d’assouplissement des relations, le président chinois devrait autoriser la fusion géante dans le domaine des semi-conducteurs entre le néerlandais XP et l'américain Qualcomm. Ce projet, qui pèse plus de 40 milliards de dollars, avait été bloqué les autorités chinoises, ce qui revenait à menacer l'entrée sur le marché chinois sous le prétexte officiel que la concurrence n’était plus garantie mais il s’agissait surtout de répondre aux menaces américaines.

Ajoutons, dans ce climat assez positif, une information qui a été étouffée en France très occupée à compter les Gilets jaunes. La Chine a mis en service le premier réacteur nucléaire du monde de type EPR, à Taishan, pour une exploitation commerciale. La Chine a fait savoir à tous qu’elle s’engageait dans la lutte contre le réchauffement climatique en investissant dans le nucléaire. Encore plus intéressant quand on sait que cet EPR chinois est le produit de la technologie française exportée par EDF qui a été associée au projet depuis le début. Ce premier réacteur sera complété par un deuxième EPR en 2019. Jean Bernard Levy, le président d’EDF, a d’ailleurs précisé à cette occasion, que l’EDF était présente en Chine depuis 35 ans. L'électricien français s’était fait accompagner par une kyrielle de fournisseurs et sous traitants. Pour Taishan, plus de 30 entreprises françaises ont travaillé.

L'information est d’autant plus importante que Flamanville, dont la construction a démarré bien avant, ne sera pas prêt avant 2020, soit 10 ans de retard et un cout global supérieur à 11 milliards d’euros, trois fois ce qui était prévu au départ.

La guéguerre par tweets interposés à laquelle se sont livrées les chancelleries paraissent bien dérisoires ou distancées si ce que nous apprenons de la réalité des affaires est vraie.

Maintenant, la question intéressante serait de savoir pourquoi il y a un tel décalage entre la façon assez violente dont la relation sino-occidentale est relatée et cette réalité des affaires. A moins que cette trêve cache autre chose qu‘un simple réchauffement diplomatique.

En fait, ça cache des contingences dont on ne peut guère s’affranchir et qui mesure le décalage entre les intérêts politiques et les relations économiques.

1er point : les chefs d’Etat font de la politique. C’est leur métier. Ils doivent s’assurer que leurs électeurs les suivent. Trump parle en permanence à ses électeurs. Le président chinois aussi. Les membres du parti dont il tire son pouvoir et la foule des chinois qui peuvent peser sur leurs délégués. L'un comme l'autre sont obligés de dire tout haut ce que leurs militants attendent qu‘ils disent

2e point. Il existe une réalité du commerce international à laquelle on ne peut pas échapper. Les chaines de valeur sont très complexes et composées de produits de différentes origines. Le protectionnisme est donc très limité. Et un retour en arrière est quasiment impossible à gérer, sauf à fracturer ces chaines de valeur, à s’interdire de consommer une partie de produits ou alors à laisser monter les prix, ce qui revient à asphyxier leur marché.

Donald Trump parle sans cesse à ses électeurs. Il leur a promis de restaurer la puissance américaine. Il le rappelle à chaque instant, mais sa réalité quotidienne est différente dans la mesure où ses électeurs consomment chinois et sont condamnés à consommer chinois parce que l’industrie n’existe plus et que leur pouvoir d’achat dépend plus de ce qu’ils achètent –pas cher – que de ce qu’ils reçoivent comme salaire.

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