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2019 est-elle bien partie pour être un nouveau 1929 ?
©UPI / AFP

L'histoire se répète toujours deux fois

Les tensions chinoises, italiennes, britanniques ou encore française pourraient menacer la hausse sans faille du marché américain depuis désormais 10 ans.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Alors que le marché boursier américain est orienté à la hausse depuis bientôt 10 ans, dans un contexte de tensions sur la situation chinoise, mais également concernant l'Italie, le Brexit, ou encore des problématiques de resserrement des politiques monétaires mondiales, quels sont les risque de voir l'année 2019 ressembler à celle de 1929 ? 

Jean-Paul Betbeze : Il est toujours bon de penser à 1929, comme à une épée de Damoclès qui pèse en permanence sur les marchés boursiers. C’est surtout bon quand on rêve que la croissance est là pour toujours, que les cycles ont disparu ou que les politiques de soutien à la croissance, fiscales, budgétaires, douanières vont en permanence soutenir l’activité.

Voilà effectivement dix ans que le Dow Jones monte, plus précisément qu’il connaît un passage assez régulier de 10 000 début 2010 à 24 700 maintenant. Mais voilà quand même des mois qu’il titube, depuis un plus haut de 26 000 en octobre. Les explications s’ajoutent pour rendre compte de ce changement : tensions des États-Unis avec la Chine, affaiblissement des effets de la politique fiscale américaine, craintes sur le libre-échange et la globalisation, montée des tensions régionales (mer de Chine, Iran, zone euro…) et mondiales (réchauffement climatique).

Dans ce contexte, les politiques monétaires qui ont partout fait baisser les taux longs et courts, soutenant l’activité et les bourses, sont en question. La réponse est que toutes vont jouer les prolongations de la souplesse. Le Japon est le grand gagnant, avec des taux courts à -0,1% et à 10 ans à 0,6% pour obtenir une croissance de -0,6% sur un an dernier trimestre ! Vient la zone euro qui ne changera rien, avec une croissance de 0,2% et des taux courts qui vont rester à 0% et des taux longs à 0,3% pour l’Allemagne (et une inflation à 2,3% !). Tout dépend donc, en termes de mouvement, des États-Unis en croissance à 3,5%, avec une inflation à 2,2% et des taux courts à 2,2% et longs à2,9%. Est-ce que la semaine prochaine, Jerome Powell, le Président de la Banque centrale américaine, va augmenter ses taux une quatrième fois cette année et annoncer pour 2019 trois hausses, comme il l’avait dit il y a quelques mois, ou deux, ou une, ou zéro ?

Une hausse des taux américains le 19 décembre et 3 ensuite : les marchés ne vont pas aimer du tout. Ils attendent bien moins : une hausse ou aucune et surtout des explications pour le guidage qui vient. Leur nervosité vient du ralentissement en cours, des effets imprévisibles des politiques de Donald Trump et des pressions qu’il exerce sur la Fed, lui demandant de freiner, sinon d’arrêter, ses hausses.
Les marchés font ainsi la liste des raisons pour un nouveau 29 : importance de la dette privée américaine, la dette des entreprises monte toujours (46% du PIB) et les profits ne suivent plus (2,9 fois l’EBITDA) plus celle des étudiants, plus Chine, Italie, Brexit, normalisations des politiques monétaires et tensions sur les entreprises et pays émergents endettés… en ajoutant la politisation des politiques monétaires : Chine bien sûr, Japon, Inde et aussi États-Unis. 

Tout le monde va chercher la normalisation lente, avec des taux courts américains qui monteraient peu et des taux longs en hausse légère, bref une courbe aussi plate que possible, et en zone euro une prolongation du statu quo, même après le départ de Mario Draghi. 

Mais cette apesanteur monétaire qui vient du jeu des forces adverses ne pourra durer : les États-Unis vont ralentir et la zone euro souffrir, même sans catastrophe. 

Quelles sont les zones économiques les plus vulnérables dans le contexte actuel ? 

Les pays émergents avec entreprises endettées en dollars (Argentine, Brésil, Turquie) seront regardés par les agences de rating. Si l’on s’intéresse aux pays très aidés (par l’Arabie saoudite), il faut regarder le Liban, en net ralentissement, surendetté, où les dépôts bancaires sont largement dollarisés, ce qui n’en exclut pas les tensions : le taux de rémunération des dépôts bancaires en monnaie locale est de 7,74% en octobre 2018 et de 4,63% pour les dépôts en dollars. Et l’Arabie a beau avoir du pétrole, et beaucoup, elle est en déficit budgétaire récurrent. Mentionnons la zone euro : il n’est pas sûr que les marchés restent patients avec l’Italie ou comprennent la stratégie d’Emmanuel Macron qui n’a pas fondamentalement remis en cause sa stratégie de l’offre (ordonnances et lois sur les entreprises, ISF et flat tax…). Le point problématique est la Chine, en ralentissement et aux banques opaques, mais on n’imagine pas une crise mondiale qui en viendrait. Regardons comme toujours les pays ou la dette est importante, les États-Unis, et fragiles (Turquie, Liban…). 

Quels sont les moyens dont nous disposons pour anticiper et se préparer à d'éventuels chocs de cette nature ? 

Se renforcer soi-même, plus avec ses amis et alliés. On ne parle pas en France de déficit extérieur, alors que c’est la preuve manifeste de notre faiblesse. Certes, la réduction de la dette publique vient de celle du déficit, en attendant l’excédent, qui ne pourra venir que de l’excédent commercial. Et comme il paraît irréaliste de l’évoquer, on soutient la demande interne en augmentant le Smic, grâce à plus de déficit et de dette publique ! Nous n’y sommes donc pas ! Tenir un discours de vérité est  impossible : il faut donc garder le cap sur la rentabilité des entreprises, pousser l’épargne vers leur financement, ne pas augmenter le Livret A et former, par l’apprentissage et l’alternance. Enfin, sauf si on désire que la zone euro explose, il faut bien se dire que le rendement moyen si faible des obligations allemandes (0,3%) explique la modestie du nôtre (0,7%) par rapport au 3% italien. Donc, continuer à renforcer notre compétitivité et notre productivité, il n’y a pas mieux, même si nous venons de prendre du retard sur le planning, faute d’explications et de proximité.

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