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Gilets jaunes : comment Bruno Le Maire oublie un peu vite les autres raisons de la baisse de la croissance française
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bouc émissaire

Bruno Le Maire s'inquiète des sévères conséquences des Gilets jaunes sur l'économie française, mais oublie un peu vite que les révisions à la baisse des anticipations de croissance pour 2018 avaient déjà eu lieu avant la naissance du mouvement.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Suite au mouvement des Gilets jaunes, Bruno Le Maire estime que les perspectives de croissance s'amoindrissent pour la France, avec une baisse de 0.1 point pour le dernier trimestre en comparaison des prévisions antérieures. Comment analyser ce chiffrage ?

Nicolas Goetzmann : Lors du PLF 2018, les anticipations de croissance pour la France étaient de 1.7%, mais le gouvernement, jusqu'à la fin du mois de juin, envisageait la possibilité que celle-ci atteigne le chiffre de 2%. Puis, cet optimisme s'est estompé au fil des mois. A la sortie de l'été, Gerald Darmanin indiquait alors que la croissance annuelle serait révisée à la baisse mais ne serait pas inférieure à 1.8%. Pourtant, quelques semaines après, le gouvernement révisait ses estimations pour en revenir au chiffre initial de 1.7% du PLF.

Malheureusement, ce chiffre n'était déjà plus réaliste au lendemain de la publication de la croissance du 3e trimestre par l'INSEE (0.4%). Après 0.2% au 1er trimestre, 0.2% au 2e, et 0.4% au 3e, l'économie française aurait dû fortement accélérer pour atteindre un rythme de 0.8% au 4e trimestre pour voir le chiffre prévu par le gouvernement, 1.7%, se réaliser. C'est que ce l'on appeler un excès d'optimisme alors même que le contexte européen marquait un ralentissement en cours. La Banque de France sifflait la fin des fantaisies en prévoyant une croissance de 0.4% pour le T4, soit une croissance de 1.6% pour l'année 2018, inférieure aux prévisions du gouvernement, et largement inférieure à ses anticipations du mois de juin.

Maintenant, la nouveauté est que la Banque de France vient de publier une révision de son chiffre du T4, passant d'une prévision de 0.4% à 0.2%, ce qui aura pour effet de voir la croissance de l'année tomber au chiffre de 1.55%. Bruno Le Maire aura donc tout le loisir de dire que les Gilets jaunes ont tué la croissance du pays, mais la réalité montre autre chose. Entre le moment d'optimisme du gouvernement et sa croissance à 2% et le chiffre de 1.55% qui nous attend, les Gilets jaunes sont responsables de 0.05 point (soit 11%), tandis que les autres causes sont responsables d'une baisse de 0.40 point (soit 89%). Les Gilets jaunes jouent donc le rôle du coupable idéal.

Quelles sont ces autres causes du ralentissement de la croissance ?

La croissance ralentit dans l'ensemble de la zone euro, principalement en raison de l'annonce par la BCE de la fin du programme d'assouplissement quantitatif. Il s'agit de la cause principale qui s'accompagne également du frein au commerce mondial consécutif aux frictions sino-américaines. Les exportations allemandes à destination de la Chine sont en baisse par exemple. Si Bruno Le Maire a eu le loisir de pointer les difficultés rencontrées par l'économie française en raison de la guerre commerciale, rien n'a été dit concernant la cause principale, qu'est l'orientation macroéconomique de la BCE. Sans doute est-il plus aisé de taper les Gilets jaunes.

L'ironie pour le gouvernement est d'avoir vendu un agenda politique pro-croissance aux Français et de constater que le résultat est que nous sommes passés d'une croissance de 2.3% en 2017 à un chiffre probable de 1.55% pour 2018, soit une baisse de 30% pour la première année pleine du quinquennat. On peut entendre le gouvernement lorsqu'il annonce que "cela prendra du temps" mais cela n'explique pas la baisse constatée d'une année sur l'autre. L'explication est que c'est la macroéconomie européenne qui gouverne la croissance en premier lieu, et que celle-ci n'a jamais été questionnée par le gouvernement. Du moins, le fait majeur du changement d'orientation de la BCE, qui a été décisif pour les chiffres de 2018, n'a même jamais été commenté. Nous restons dans l'accessoire et dans l'aveuglement face au principal. 

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