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Nouveau pacte social, cette grande concertation dont Emmanuel Macron ne mesure pas à quel point elle risque de lui échapper
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

Spectre des états généraux

Emmanuel Macron qui dit avoir entendu les colères, veut "transformer les colères en solutions"; comme il ne détient pas la recette pour accomplir cette transformation, il veut lancer une "grande concertation de terrain sur la transition écologique et sociale".

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Cette concertation qui réunirait  des représentants d'associations, les élus nationaux et locaux, et les corps intermédiaires (représentants socio-professionnels) dont on redécouvre l'utilité, durerait trois mois. Les comités seront chargés "d'établir des diagnostics locaux et de faire des propositions" pratiques pour faciliter la transition écologique. En lançant cette  initiative pour sortir de la crise des Gilets Jaunes, le Président de la République prend le risque d'enclencher une machine infernale, car dans le contexte actuel ces futurs comités  devraient surtout formuler des revendications salariales et fiscales.

Si dans un premier temps, le Chef de l'Etat a assoupli sa position sur les taxes sur le carburant pour tenter de calmer la colère des automobilistes solidaires du mouvement des Gilets Jaunes, il sait bien que cette concession n'est pas de nature à mettre un terme du jour au lendemain au mouvement. Les Gilets Jaunes  appellent à une nouvelle manifestation à Paris samedi et à poursuivre les blocages. Et ce ne sont pas les deux heures de discussion de deux de leurs représentants avec François de Rugy hier soir, qui auront permis de faire  évoluer la situation. A l'issue de la rencontre, ils ont  d'ailleurs appelé à poursuivre le mouvement tandis que, ponctuellement, d'autres appellent carrément à le durcir. (1) "Les Français n'attendent qu'une réponse, c'est  qu'au 1er janvier, les taxes sur les carburants n'augmentent pas", a déclaré le président du groupe LR à l'Assemblée Nationale après le discours du Chef de l'Etat. Et d'après un sondage Opinionway pour RTL-LCI-Le Figaro, trois Français sur quatre jugent la réponse d'Emmanuel Macron "insuffisante". C'est peut-être également  l'avis du grand " macronien" qu'est Richard Ferrand, le président de l'Assemblée Nationale. Ce dernier a, comme  la plupart des responsables parlementaires, boudé la cérémonie d'installation du Haut Conseil pour le Climat à l'Elysée. Il n'était pas question pour eux de se soustraire  à l'immuable rite de la Conférence des Présidents qui se tient tous les mardis matin à la Présidence de l'Assemblée afin de fixer l'ordre du jour des travaux. Les "représentants du peuple" ont vu (-une nouvelle fois) dans le choix de l'horaire, une manifestation du "mépris du Président de la République pour le Parlement". Les dirigeants du groupe majoritaire, eux, pas voulu s'attarder sur ce raté; les députés La REM  viennent en renfort du Chef de l'Etat:  ils "veulent accompagner cette "grande concertation" sur le terrain, et entendent "jouer un rôle crucial" dans cet exercice de démocratie participative. Pour mieux  le contenir et  l'encadrer ? C'est vraisemblable, car la conclusion de ces Etats-généraux Canada Dry est loin d'être écrite et la séquence est risquée  pour l'exécutif. 

Tout en voulant circonscrire  sa réponse à la crise à la transition écologique, Emmanuel Macron a bien intégré que la fronde des Gilets Jaunes ne se limite pas à la seule contestation de la hausse des prix du carburants et du fuel. Afin de faire passer la pilule de la transition écologique, il tente de l'adoucir avec un "accompagnement  social". Ce projet soulage les Marcheurs ,qui réclament des gestes en faveur des plus modestes, et  complait aux écologistes qui préconisent  un changement radical de notre mode de vie et de la société en général, dans le but d'atténuer les conséquences des effets de serre et  afin de "sauver la planète". Cette "transition sociale" qui irait de pair avec la transition énergétique, et qui serait acceptable pour le plus grand nombre, reste à inventer. Dans l'idéal d'Emmanuel Macron, ce sont ces "brain storming" à l'échelon décentralisé qui devraient aboutir à l'élaboration des propositions , livrées clefs en mains, pour un "nouveau contrat social". En fait de propositions ce sont avant tout des revendications multiples qui vont fuser et se multiplier dans les futures assemblées. En lançant cette concertation aujourd'hui l'exécutif  prend le risque d'être débordé par l'imagination foisonnante des différentes parties prenantes. Dans un climat social tendu, la surenchère est inévitable, l'emballement possible.  Face aux représentants des Gilets Jaunes qu'il faudra désigner, les syndicalistes ne voudront pas être en reste et inversement. ..Et les politiques ne seront pas les derniers à en rajouter. Car ce mouvement suscite des prises de conscience sociales inattendues, à l'instar  de celle du député La Rem du Rhône Bruno Bonnell : l'ancien entrepreneur lyonnais  veut "savoir ce que les plus riches ont fait de leur argent", c'est-à-dire  de celui qu'ils ont gagné grâce à la suppression de l'ISF par Emmanuel Macron. Pendant la campagne électorale de 2017, le futur président espérait que les riches, reconnaissants, réinvestiraient cette manne dans l'économie nationale. C'était la fameuse théorie du "ruissellement". Il espérait aussi que les exilés fiscaux en Belgique, Grande-Bretagne et Suisse, reviendraient rapidement  se réinstaller en France. Il n'en a rien été. Faux calcul. Mais véritables dégâts politiques. La pression politique et la crise économique avaient contraint Nicolas Sarkozy à revenir sur le bouclier fiscal inventé en 2007pour diminuer la pression fiscale sur les gros contribuables . Cette mesure lui avait collé aux baskets pendant tout le quinquennat avec, déjà, l'image de "président des riches". Les mêmes causes produisent les mêmes effets. En attendant le mouvement des Gilets Jaunes continue.

(1) Et ce matin le président de la région PACA a réitéré l'appel lancé par douze présidents de région, à instaurer un moratoire sur l'augmentation des carburants.

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