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Emmanuel Macron est apparu flou à des « Gilets jaunes » dont les revendications restent confuses et contradictoires
©LUCAS BARIOULET / AFP

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Les Gilets jaunes sont déçus... Emmanuel Macron les a entendus, mais il ne pouvait pas leur donner raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les Gilets jaunes sont déçus, mais il faut dire que les revendications que ce mouvement porte auraient obligé Emmanuel Macron à se renier et à abandonner le cap qu’il s’est fixé et sur lequel il a été élu Président de la République.

Comment ne pas être flou face à un mouvement non organisé, sans structure ni représentant légitime et dont les demandes sont souvent très contradictoires ?
Alors, les analystes politiques peuvent toujours nous expliquer que les Gilets jaunes ont la sympathie des Français, et que les revendications exprimées ne sont pas forcément celles qui reflètent les vrais problèmes des populations. Sans doute. Mais la gouvernance implique une cohérence dans l’action et des arbitrages entre le court et le long terme. 
Comment baisser les impôts et en même temps, augmenter les dépenses publiques et sociales ? Comment défendre aux uns de circuler au diesel et exiger des autres de lutter contre la pollution de l’air ? 
Les Gilets jaunes demandaient la suppression de la taxe carbone sur les carburants, ainsi qu’un accompagnement social immédiat pour compenser les efforts qu’implique la transition écologique. 
En fait et sans les caricaturer, les demandes des Gilets jaunes ne pouvaient pas être satisfaites immédiatement sans revenir et s’asseoir sur les orientations de toute la politique économique. 
Emmanuel Macron peut avoir entendu la douleur populaire mais pouvait-il y répondre et calmer le jeu en abandonnant des responsabilités plus globales ? Il ne le pouvait pas pour trois raisons.

1er point, il ne pouvait pas suspendre ou même oublier le projet de taxe Carbone applicable en janvier, sauf à ouvrir la porte à une quantité de demandes corporatistes. Il pouvait à la rigueur proposer quelques mesures pour amortir le choc, ce qu’il a fait.

2e point, Emmanuel Macron a beaucoup de défauts, dont celui de multiplier les postures et maladresses politiques, mais il a le souci de la cohérence dans l’action publique. 
Emmanuel Macron a été élu sur un diagnostic très simple mais partagé par tous les acteurs du secteur. La France manque de compétitivité, les entreprises françaises ne sont plus dans la compétition internationale. D’où la faible croissance, d’où le chômage, d’où les déficits qui débordent de partout. Avec ce diagnostic, il a donc déroulé une politique économique, sociale et fiscale, qui doit créer un écosystème favorable au business d’entreprise : plus de flexibilité sur le travail, moins de fiscalité sur le travail et sur l’investissement, le tout orienté dans l'axe de lutte contre le réchauffement climatique, contre la pollution et une vie quotidienne plus confortable et plus saine. 
A priori, Emmanuel Macron n’a jamais promis à qui que ce soit de raser gratis, il tente même de restaurer l’équilibre budgétaire, seule condition pour restaurer et protéger la souveraineté politique, et de retrouver de l’influence  dans l’Union Européenne. 
Le président français ne peut donc pas accepter qu’on baisse la fiscalité sur les carburants et en même temps, qu’on augmente la dépense publique de fonctionnement. Ça serait irresponsable et incohérent. Donc on oublie ... et pour oublier, le président rappelle –un peu longuement- quelle est sa trajectoire : créer les conditions du retour de la croissance (par le dynamisme des entreprises) mais une croissance compatible avec les objectifs de l’écologie. Le discours est facile à faire, l’application est beaucoup plus compliquée puisqu’on se heurte à des intérêts de court terme. Le mouvement des Gilets jaunes est évidemment le reflet de cette contradiction entre la nécessité du court terme et l’ambition de long terme. 

3e point : Emmanuel Macron ne peut pas céder pour des raisons politiques, parce qu’il y a une partie de la France qui partage ce projet de retrouver de la croissance mais aussi de protéger l’environnement. Tous les Français sont un peu écolos. Cette partie de la France où on retrouve des électeurs de droite comme de gauche, des habitants de grandes villes mais aussi beaucoup de provinciaux (qui sont très heureux de vivre en province) et qui ne se croient pas déclassés pour autant. 
En revanche, il existe, c’est vrai, une France des territoires qui vit très difficilement (comme dans les banlieues où il existe des populations en grande difficulté) mais cette France-là ne souffre pas à cause des taxes sur le diesel, elle souffre parce qu‘elle est scotchée dans des régions où il n’y a pas de travail. 
Emmanuel Macron ne peut pas (pour des raisons politiques et culturelles) céder à la démagogie de promettre des baisses d’impôts sans organiser une baisse des dépenses publiques. 
Sa grande erreur au départ aura été de ne pas baisser les dépenses publiques ou de réduire le périmètre de l’Etat. Des impôts moins lourds mais surtout plus efficaces en terme de service public. 
Sa grande faiblesse, aujourd‘hui, aura été de ne pas attaquer la fonction publique dans ses effectifs et surtout dans ses méthodes de travail et d’organisation. Peut-il encore le faire ? Compliqué. 
Mais ce qui est certain, c’est qu’Emmanuel Macron ne peut pas imaginer se retrouver dans la situation de Theresa May, affaiblie pour avoir porté un projet de Brexit qui se révèle inapplicable ou d’un Matteo Salvini qui, en Italie, s’est fait retoquer son budget par Bruxelles et se retrouve aujourd’hui obligé de faire machine arrière parce que les Italiens eux-mêmes refusent de payer les mesures sociales qui lui ont permis d’accéder au pouvoir. 

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