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Ukraine - Russie : Incident naval, une manœuvre politique interne du président Porenchenko ?
©GENYA SAVILOV / AFP

Elections en vue

Une élection présidentielle en 2019 donne à cet incident diplomatique entre la Russie et l'Ukraine une toute autre dimension...

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Le président ukrainien Petro Porenchenko a signé ce 26 novembre un décret instaurant la loi martiale en Ukraine dans certaines régions frontalières suite à la saisie de trois navires ukrainiens (les vedettes de type Gurza-M "Berdyansk" P 175 et "Nikopol" P 176 ainsi que le remorqueur "Yana Kapu") au niveau du détroit de Kertch qui donne accès à la mer d’Azov depuis la mer Noire. Ce décret qui propose d'instaurer l’état d’exception pour un mois a été approuvé par le Parlement par 276 voix (il en fallait 226).

La veille, les trois navires ukrainiens avaient tenté de pénétrer en mer d’Azov mais ils avaient été interceptés par des gardes-côtes russes au prétexte qu’ils étaient entrés dans les eaux territoriales russes.

Kiev a dénoncé un "acte d'agression" mais Moscou a affirmé qu’il s’agissait d'une "provocation" volontairement orchestrée par Kiev. Moscou a aussi affirmé avoir "agi en stricte conformité avec la législation, à la fois portant sur le droit international et le droit intérieur" pour contrer une "intrusion de navires de guerre étrangers dans les eaux territoriales de la Fédération de Russie". Le problème réside dans le fait que Moscou considère que cette partie de la mer Noire constitue ses "eaux territoriales" depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014. Or cette situation n’est pas reconnue par la communauté internationale. En clair, par cette action la Russie s’est placée en infraction avec la législation internationale actuellement en vigueur.

Par contre, il est très vraisemblable que l’Ukraine, à l’initiative du président Porenchenko qui brigue un nouveau mandat en 2019 (l'élection a été fixée hier au 31 mars) malgré une impopularité grandissante, s’est effectivement livré à une "provocation" en faisant rejoindre la mer d’Azov par trois navires de guerre. En effet, s’il s’agissait uniquement de convoyer des vedettes de type Gurza-M vers le port de Marioupol, cela pouvait être effectué par transport routier comme cela a été le cas au début septembre pour deux unités du même type : la "Kremenchuk" P 177 et la "Lubny" P 178. Accentuer la crise entre l’Ukraine - soutenue en sous-main par l’OTAN - et la Russie peut être une manœuvre politique à destination interne.

Bien évidement saisi par Kiev, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a convoqué une "réunion extraordinaire" au niveau des ambassadeurs avec l'Ukraine le 26 novembre dans l'après-midi à Bruxelles. Malgré les cris d’indignation qui proviennent de Washington, du Canada et de l’Europe, il semble que les dirigeants politiques ne sont pas dupes de la manœuvre. D’ailleurs, il est intéressant de noter que les deux vedettes ukrainiennes pourtant bien armées pour leur taille de 23 mètres (deux canons de 30 mm couplés avec quatre missiles mer-mer Baryer) n’ont pas ouvert le feu pour se défendre.

Par contre, il est vrai qu’il conviendrait de définir dans l’avenir un accord international permettant un accès normal aux ports ukrainiens de la mer d’Azov sans être soumis à des contrôles intempestifs des autorités russes. Théoriquement, les mouvements navals dans la région sont régis par l’accord de 2003 qui n’est plus respecté depuis 2014.

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