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 Cette pratique des institutions par laquelle Emmanuel Macron renvoie les Français aux origines de la Révolution
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Les gilets jaunes sont au fond une émanation sociale du macronisme politique. En supprimant les rouages institutionnels du pouvoir républicain, Emmanuel Macron renvoie les Français aux origines de la Révolution.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Début d’insurrection populaire ou forte manifestation sporadique d’un ras le bol chez les plus pauvres des classes moyennes ? Le mouvement des gilets jaunes interroge beaucoup et trouve peu de réponse.

Une analyse de la journée d’hier, qui de manifestation s’est muée en insurrection, offre une piste intéressante. 

L’origine politique de notre République, née du conflit révolutionnaire entre la citoyenneté et ses institutions représentatives, éclaire le retour d’un mouvement social inédit sous la Vème République.

Après une semaine de manifestations et de blocages épars dans presque toute la France, plus de 100 mille gilets jaunes ont encore manifesté hier sur 1600 lieux en France, selon les seuls chiffres du ministère de l’intérieur. Le mouvement  s’installe dans un paysage politique dévasté par des fractures sociales profondes.

On est passé d’une contestation populaire contre les taxes écologiques à un rejet populiste du pouvoir politique et de ses institutions. Le Président Macron se retrouve face à la rue. Une situation redoutée par tous ses prédécesseurs, depuis 1968. Sept Français sur dix ne lui font plus confiance. Selon les derniers sondages, les gilets jaunes sont soutenus par près de 80% de la population.

Hier à Paris, aux alentours de 9h du matin, des gilets jaunes, dont beaucoup viennent de province, envahissent les Champs Elysée en direction du Palais présidentiel. Ils avancent au chant de la Marseillaise, aux cris de : « Aux armes citoyens, formez vos bataillons, marchons, marchons … », et progressent par groupes compacts en direction du siège du pouvoir exécutif : l’Elysée.

Tout ceci n’est pas sans rappeler les heures glorieuses d’une histoire révolutionnaire qui d’une Monarchie Constitutionnelle fît de la France une République.

En direct et en continu les chaines d’info diffusent la transformation de la colère citoyenne en violence insurrectionnelle. Les images démentent certains commentateurs qui voudraient y voir un détournement des gilets jaunes par des casseurs.

A 12H30 Christophe Castaner improvise une conférence de presse et dénonce « les séditieux (qui) ont répondu à l’appel de Marine Le Pen et (…) veulent s’en prendre à celles et ceux qui représentent la République ». Il appelle les « gilets jaunes » à s’en désolidariser. Contre toute logique, le gouvernement voudrait politiser la situation à son avantage, il cherche un argumentaire, un échappatoire à la crise qu’il refuse d’assumer. 

Les politistes peinent aussi à analyser cette colère comme Bruno Sananès supputant que les gilets jaunes de province regrettent et se désolidarisent des violences parisiennes. Mais aujourd’hui les manifestants se mêlent à des casseurs autant que l’inverse. En se rendant sur les Champs Elysées, interdits à la manifestation et en refusant le Champ de Mars imposé par le pouvoir, les manifestants savaient qu’ils se heurteraient aux forces de l’ordre. 

Furieux qu’on leur interdise l’accès à l’Elysée, les manifestants décèlent les pavés. Ils montent des barricades. Il n’est pas encore midi et les CRS tentent de faire reculer la foule en colère, à coups de bombes lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de canons à eau. A 17H30 une guérilla urbaine s’est installée sur les Champs Elysées.

Surprise et mécompréhension dominent dans les médias. Comment en est-on arrivé là? 

Macron paye aujourd’hui les propositions et les discours qui ont permis sa victoire. Son appel au peuple, contre les partis traditionnels et les élites anciennes, revient sur lui comme un boomerang dévastateur. Il s’est voulu et présenté comme l’homme providentiel, un Jupiter descendu de l’Olympe pour rétablir la justice et l’autorité. Seul face au peuple. Le jeune nouveau président, sans expérience ni du politique, ni de la politique est désormais pris à son propre piège.

Comme le rappelle si justement Marcel Gauchet dans Robespierre. L’homme qui nous divise le plus, son dernier livre paru chez Gallimard, la France est une nation où s’opposent sans cesse en leurs principes, la Déclaration des Droits de l’Homme et la Constitution. Dans « cette opposition » se dessine « le plus profond dilemme » entre l’idéal théorique des droits et les devoirs de la réalité politique. De ce conflit inaugural indépassable, le spectre de la Révolution menace encore et toujours de surgir.

C’est au terme de longues périodes de troubles que les institutions démocratiques et républicaines ont permis à la France d’acquérir une stabilité gouvernementale. Aujourd’hui, le divorce politique, entre d’un côté le gouvernement Macron et de l’autre la société, trouve un nouveau souffle dans la défiance envers les corps intermédiaires. Le populisme exprimé par Macron durant la campagne présidentielle n’est pas innocent dans l’effondrement d’une institution majeure qui structurait la vie politique française depuis 1789 : les partis politiques. De sorte qu’au mouvement En Marche qui prétendait les remplacer répond désormais de concert un autre mouvement : les Gilets Jaunes.

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