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Mais d'où vient la forte chute du taux de suicide au niveau mondial ?
©JEAN-LOUP GAUTREAU / AFP

Bonne nouvelle

L'hebdomadaire britannique "The Economist" a choisi de consacrer sa couverture à la baisse mondiale du taux de suicide. Elle s'est opérée principalement dans des pays comme la Chine, l'Inde ou, dans une moindre mesure, la Russie.

Michel Debout

Michel Debout

Michel Debout est professeur émérite de Médecine légale et de droit de la santé, et psychiatre, au CHU de Saint Étienne. 

Il est membre associé du CESE et membre de l'Observatoire national du suicide, spécialiste de la prévention du suicide et des eisques psycho-sociaux au travail. Il est auteur de nombreux ouvrages dont "Le traumatisme du chômage"  (editions de l'Atelier, 2015) et "Le Renouveau démocratique : placer la santé au cœur du projet politique" (éditions de l'Atelier, août 2018).

 

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Atlantico : L'hebdomadaire britannique "The Economist" a choisi de consacrer sa couverture à la baisse mondiale du taux de suicide. Alors que certains pays connaissent une hausse, et d'autres une baisse substantielle, comment analyser les facteurs de cette baisse au niveau mondial ?

Michel Debout : Il faut déjà souligner le fait que cela est une bonne nouvelle parce que le suicide est la première cause de mort violente dans le monde, plus que l'ensemble des guerres. Et cela est une notion que l'on n'a pas toujours présente à l'esprit parce que les ravages des multiples guerres qui ont lieu à travers le monde effacent la réalité de cet autre chiffre. Il s'agit donc bien d'un fléau mondial, et il est bien qu'un journal économique s'intéresse à ce phénomène, et notamment à ses éléments de compréhension, et donc aux politiques nécessaires pour améliorer sa prévention.

Cette baisse s'est opérée principalement dans des pays comme la Chine, l'Inde ou, dans une moindre mesure, la Russie. On comprend bien la baisse du taux de suicide en Chine ou en Inde, étant donné le poids démographique de ces pays dans la population mondiale, a un effet sur le taux mondial. Cela est lié notamment à la baisse du suicide féminin alors que la Chine est le seul pays au monde ou la mort par suicide chez les femmes est plus importante que chez les hommes. Cette baisse indique une nouvelle place de la femme chinoise dans la société, alors que cette position était très dévalorisée et dévalorisante (il faut rappeler les cas d'infanticide des filles). On peut donc y voir une prise de conscience qui peut aussi être la conséquence du déséquilibre hommes-femmes qui peut exister dans le pays, et du célibat de nombreux hommes. On voit bien au travers de cet exemple que le suicide dépend beaucoup des réalités sociales et sociétales, ce que l'on savait déjà depuis les travaux Émile Durkheim qui montraient que le lien social, c’est-à-dire une société qui est unie et dont les membres ne se sentent pas rejetés, permet la baisse du taux de suicide. Cette évolution de la place de la femme en Chine permet ainsi de constater ce recul. Il faut également souligner le facteur lié à l'expansion économique du pays, et notamment l'urbanisation de la société chinoise, qui est le reflet d'un changement que l'on pourrait presque qualifier de culturel. Le passage d'une société rurale à cette phase d'urbanisation a permis aux femmes de conquérir plus de libertés.

A l'inverse, les Etats-Unis affichent une hausse du taux de suicide ces dernières années, et qui frappe essentiellement les hommes blancs d'âge moyen touchés par la crise économique et le chômage. C'est d'ailleurs cette population qui a constitué l'électorat de Donald Trump. Cette marque de la crise a donc non seulement été politique et économique mais elle également été humaine, sociale et sanitaire. L'autre facteur pour les Etats-Unis est l'usage des armes à feu, avec une corrélation tout à fait claire entre les ventes d'armes et le taux de suicide.

Comment se place la France dans ce schéma, alors que le pays est "réputé" pour avoir un niveau de suicide élevé par rapport à ses pairs européens ?

Au cours de ces dernières années, la France a connu une baisse significative du nombre de morts, mais cela est moins le cas concernant le nombre de tentatives. Le suicide a notamment baissé chez les jeunes, les adolescents.  Alors que nous avions environ 1000 morts par an il y a un peu plus de 10 ans, nous sommes passés sous la barre des 500. C'est aussi le cas pour les personnes âgées, mais dans une proportion moindre, avec une baisse de 15 à 20%. Par contre, la tranche d'âge ou cette baisse est la moins significative concerne les personnes en âge de travailler et c'est cela qui doit continuer à nous préoccuper au niveau des politiques de prévention qu'il nous faut poursuivre.

Au regard des causes principales du suicide, quelles sont encore les actions à entreprendre pour permettre une poursuite de cette tendance baissière ?

Comme le fait justement l'article de the Economist, il existe un lien au niveau mondial entre le chômage, la précarité, et le risque suicidaire. J'avais eu l'occasion de traiter ce sujet au cours de mon livre sur le traumatisme du chômage. Je crois qu'il devrait y avoir une priorité de santé publique concernant la santé des chômeurs, soit 5 millions de personnes dont on sait qu'ils sont plus à risque de mourir de suicide que le reste de la population.

L'autre réflexion concerne le risque suicidaire dans un certain nombre de professions qui sont plus en risque de burn-out, c’est-à-dire les soignants, les policiers, les enseignants. Ce sont des professions qui sont difficiles sur le plan de la relation humaine, ou les émotions sont très mobilisées, et qui souffrent d'une surcharge de travail et d'un manque d'accompagnement dans des situations difficiles. De plus, ces professions sont moins valorisées qu'elles ne l'étaient, elles sont mêmes parfois dévalorisées. On peut également constater que l'usage des pesticides au niveau mondial a également un effet sur le mal-être psychique comme facteur du risque suicidaire.

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