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L'Inde a-t-elle trouvé en l'utérus le nouvel eldorado du capitalisme ?
©Sajjad HUSSAIN / AFP

Bonnes feuilles

Lydia Guirous vient de publier "Libérons-nous du féminisme" aux éditions de l'Observatoire. A ses yeux, le néo-féminisme occidental est devenu une lamentable et hypocrite police de la pensée. Pour Lydia Guirous, l’égalité homme-femme ne s’ajuste pas en fonction de la confession, des origines ou du "territoire". Extrait 1/2.

Lydia Guirous

Lydia Guirous

Lydia Guirous est essayite, auteure de « Assimilation en finir avec ce tabou français » aux éditions de l’Observatoire et de « Ca n’a rien à voir avec l’Islam ? Face à l’islamisme réveillons-nous » aux éditions Plon, réédition en version augmentée et inédite.

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Je pourrais vous parler de tellement d’autres pays où les femmes n’ont pas de droits, ou si peu, où leur vie ne vaut pas celle d’un homme, où, encore aujourd’hui, elles sont considérées comme des choses, des moyens de produire de la force de travail, et condamnées à la servitude. Leurs bras et leur utérus deviennent des objets à mettre sous contrôle et domination masculine.

Hier, pour ne pas déshonorer leur famille, il fallait surveiller l’entrejambe des femmes : pas de rapport sexuel avant le mariage, pas d’enfantement hors mariage, rien ne devait échapper au contrôle familial et social dans les sociétés religieuses et patriarcales. La conséquence en était le mariage précoce de jeunes filles, parfois même pas encore pubères.

L’émancipation et la réappropriation du corps des femmes dans les pays encore régis aujourd’hui par les dogmes religieux sont l’enjeu des années à venir. Face à cela, une forme de capitalisme sans valeurs et sans limites contribue à faire du corps des femmes un objet de convoitise financière. Les plus vulnérables, dans les pays où leurs droits sont limités, seront utilisées par leur famille comme une main-d’œuvre dédiée à l’enfantement. En Inde, en plus de louer leurs bras, ces femmes seront amenées par l’inexorable loi de la nécessité et de la course à l’argent pour nourrir leur famille, à enfanter pour d’autres. On ne peut pas le leur reprocher. Victimes de la misère, elles sont dans la survie ; elles n’ont pas les moyens de s’opposer, pas les moyens de choisir.

Les désirs d’enfant par gestation pour autrui (GPA) émanent essentiellement des pays riches, telle une commande ouvrant la voie à une nouvelle exploitation des femmes du Sud. Pratiquant des prix très bas, l’Inde est rapidement devenue un « eldorado » pour les personnes en quête de mères porteuses. Dès 2002, la légalisation de la GPA commerciale a permis à des milliers de couples, hétérosexuels ou homosexuels, d’y avoir des enfants. Parmi eux, la moitié venait des États-Unis, d’Angleterre, d’Australie ou d’Israël. Une grossesse est généralement rémunérée entre 5 000 et 7 000 euros : l’équivalent de dix ans de travail pour ces femmes venues des milieux les plus modestes. En parallèle, la clinique pratiquant l’insémination facture les couples demandeurs entre 20 000 et 30 000 euros. Ce secteur d’activité générerait l’équivalent de 2  milliards d’euros, selon la chambre de commerce indienne. Avec des tarifs aussi bas (à titre de comparaison, une GPA pratiquée aux États-Unis coûte près de 200 000  euros), c’est là une forme de « démocratisation » qui peut ouvrir sur une demande massive et donc une exploitation sans retenue du corps des femmes indiennes les plus vulnérables.

En 2016, le gouvernement nationaliste hindou et conservateur, arrivé au pouvoir en 2014, a porté le projet « Surrogacy Bill 2016 », qui visait à limiter la GPA à des fins commerciales. Selon ce projet, cette pratique serait interdite aux étrangers, aux célibataires, aux couples non mariés et aux homosexuels ; elle serait donc réservée aux couples indiens mariés, et la mère porteuse devrait être un membre ou un proche de la famille… Ce qui, là aussi, ouvrirait la voie à de nouvelles formes d’exploitation, notamment du personnel de maison. L’opposition et une partie de l’opinion publique ont décrié ce projet de loi qui fut considéré, de manière étonnante, comme une « régression ». En première ligne, les propriétaires de cliniques spécialisées dans le domaine, arguant du risque de voir se développer un marché noir dans un pays où la police a déjà démantelé de nombreuses « cliniques » clandestines –  lesquelles relèvent davantage de l’usine sordide à bébés. Les mères porteuses ont également manifesté contre ce projet d’interdiction, car il leur retire un moyen d’améliorer leurs conditions de vie. 

Pinki Virani, écrivaine indienne engagée sur la question, a élevé la voix pour dénoncer l’hypocrisie sociale autour de la GPA  : « Les partis politiques indiens doivent comprendre que mettre des parties du corps de la femme sur le marché, en contrepartie d’un revenu, tout en prétendant défendre le choix de la femme, est la pire forme de patriarcat. »

Extrait de l'ouvrage de Lydia Guirous, Le Suicide féministe, publié aux éditions de l'Observatoire. 

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