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Pouvoir d’achat : ces vérités têtues qui émergent quand on prend la peine de regarder le détail des chiffres
©LUCAS BARIOULET / AFP

Celui des riches, celui des autres

Le mouvement des gilets jaunes est l'occasion d'une bataille des chiffres concernant la hausse, ou la baisse, du pouvoir d'achat en France.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le Parisien révélait les bons scores des JT du soir de ce 18 novembre, notamment celui de TF1 avec ses 7 millions de téléspectateurs qui profitait de l'aspiration provoquée par le phénomène des Gilets jaunes. Or, au cours de ce JT, les Français ont pu découvrir que leur ressenti concernant la baisse du pouvoir d'achat n'était pas fondé. En effet, dans un document intitulé "Gilets jaunes ; les slogans disent-ils vrai ? " la rédaction de TF1 commente "Le pouvoir d'achat en baisse, c'est statistiquement faux. Selon l'INSEE, il était en hausse de 1.4% l'an dernier et devrait augmenter de 1.3% en 2018. Voilà pour les chiffres". Si l'information donnée est exacte, elle est malheureusement trop incomplète pour démontrer que la baisse du pouvoir d'achat est "statistiquement fausse".

Dans un premier temps, il suffit de prendre un peu de recul dans le temps, pour mesurer ce à quoi peut correspondre l'évolution du pouvoir d'achat en France au cours de ces dernières années. En prenant la crise de 2008 comme point de départ, on constate un peu mieux l'étendue du problème qui touche les Français.

Évolution du pouvoir d'achat par ménage en France. Données INSEE



On voit bien que le pouvoir d'achat des Français augmente à nouveau depuis 2013, mais on constate tout de même une baisse si l'on prend l'ensemble de la décennie en considération, ce qui pourrait avoir un effet anxiogène suffisamment robuste pour gommer l'idée d'une "France qui va mieux" depuis l'élection d'Emmanuel Macron. D'autant plus que la décennie précédente avait permis une hausse de ce même pouvoir d'achat des Français de plus de 14%, soit un différentiel total de 15% entre les deux décennies. 

Un résultat qui est confirmé par les évolutions de niveaux de vie également comptabilisées par l'INSEE, dont l'avantage certain est de proposer une analyse plus fine des données en fonction des déciles, c’est-à-dire qui permet de regarder les variations de niveau de vie en fonction des seuils de revenus. Le 1er décile étant représentatif des 10% les moins riches en France. 

Évolution des niveaux de vie en France sur deux périodes (2000-2008 et 2008-2016), par décile. Source INSEE



On peut une nouvelle fois constater le décalage entre les deux périodes, la dernière ayant été témoin d'une baisse générale du niveau de vie des Français, mais particulièrement forte pour les plus bas revenus. Elle est également vérifiée sur les plus hauts revenus, conséquence des décisions fiscales de cette période. Reste à faire un dernier constat concernant la période précédente, 2000-2008, qui avait déjà vu le niveau de vie des plus riches augmenter près de deux fois plus rapidement que celui des plus pauvres. 

Dans un second temps, il est utile de rentrer un plus dans le détail des chiffres du pouvoir d'achat concernant la France d'Emmanuel Macron, non encore comptabilisée par les chiffres relatifs aux niveaux de vie présentés ci-dessus, c’est-à-dire ceux qui sont repris par TF1 : "Selon l'INSEE, il était en hausse de 1.4% l'an dernier et devrait augmenter de 1.3% en 2018."  

Ici encore, la question de la ventilation des revenus se pose, puisque que comme l'indiquait l'INSEE dans son analyse du pouvoir d'achat du second trimestre de l'année 2018 : "Le revenu disponible brut (RDB) des ménages se redresse en euros courants au deuxième trimestre 2018 (+1,1 % après +0,1 %). Le léger ralentissement de la masse salariale brute (+0,7 % après +0,9 %) est largement compensé par la baisse des impôts sur le revenu et le patrimoine, principalement due au remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)". Ce qui suppose, une nouvelle fois, une hausse du revenu disponible brut particulièrement concentrée sur les plus hauts revenus. Pour ce qui concerne les déciles les plus modestes, l'Institut des politiques publiques a d'ores et déjà proposé une simulation parvenant au résultat d'une baisse de revenu disponible pour les 23% les plus pauvres en France, résultat des politiques mises en place en 2018 et 2019. 

Reste un dernier point, relatif à la baisse des cotisations sociales qui devrait permettre une amélioration sensible du pouvoir d'achat pour les Français en cette fin d'année 2018. On peut saluer cet effort, mais la contrepartie sera à surveiller lors de la négociation concernant l'assurance chômage, dans le courant de l'année 2019. Mais le principal défaut d'une telle approche est que la fiscalité est un outil permettant une forme de fléchage du pouvoir d'achat, mais elle ne permet pas de le générer. Parce que le moteur incontournable du pouvoir d'achat reste la croissance économique, et une situation de plein emploi qui seule peut produire une hausse durable et partagée des salaires. Ce qui suppose une autre politique économique européenne, pour le moment ignorée par Emmanuel Macron. 

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