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Report de la loi bioéthique : le début de reculades, la fin du quinquennat utile ?
©Sebastien Bozon / POOL / AFP

Gilets jaunes + Manif pour tous = Trop plein

Le gouvernement vient d'annoncer un recul du projet de loi bioéthique. La réforme constitutionnelle avait elle aussi été repoussée, tout comme celle du compte personnel de formation. Le réformisme d'Emmanuel Macron semble avoir du plomb dans l'aile...

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico : Le gouvernement vient d'annoncer un recul du projet de loi bioéthique (qui porte notamment sur le sujet épineux de la PMA). La réforme constitutionnelle avait elle aussi été repoussée, tout comme celle du compte personnel de formation. Ce vendredi, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites annonce vouloir prendre son temps. Ces reports successifs de réformes ont-ils un lien avec la colère sociale de ces derniers mois ? Est-ce à dire que la frénésie réformatrice promise par Emmanuel Macron a du plomb dans l'aile ?

Maxime Tandonnet : Le sujet dépasse me semble-t-il la seule colère sociale. Il y a un climat général en France, surtout depuis cet été, qui ne se prête pas à la réforme. L'effondrement de la cote présidentielle et de celle du gouvernement en est le symptôme le plus évident. Le pouvoir politique est aujourd'hui confronté à une grave crise de confiance. Tous les fondements idéologiques du macronisme sont en berne: "le nouveau monde" plus personne ou presque n'y croit depuis une succession de polémiques et de scandales, en particulier l'affaire Benalla. "La transformation de la France?" En un an et demi, les problèmes sont toujours là: augmentation des dépenses publiques et des impôts, hausse de la dette publique, chômage de masse, pauvreté. Pour réussir une réforme difficile, une dynamique de confiance est indispensable. Les autorités de l'Etat doivent pouvoir s'appuyer au moins sur une frange de l'opinion. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le risque de réaction violente du corps social et de blocage du pays est considérable face à des réformes qui touchent à la vie quotidienne d'une partie des Français. L'ampleur prise par le mouvement des gilets jaunes, avec 282 000 manifestants dans toute la France ce 17 novembre se présente comme un avertissement solennel... Quand le pouvoir politique se sent soutenu par l'opinion publique, il peut se permettre d'affronter la rue. Mais quand il se sent isolé et coupé de la nation, privé de soutien et d'appuis dans la société civile, il se garde de prendre le risque de provoquer une colère pouvant lui être fatale. Oui, la frénésie de réformes a du plomb dans l'aile... 

Cela donne-t-il corps à l'idée qu'il faut mener les réformes les plus essentielles dans les 100 premiers jours d'un mandat présidentiel ? S'agit-il seulement d'une question de légitimité qui s'étiolerait à mesure que l'on s'éloigne de l'élection du nouveau chef d'État ?

Non, je ne crois pas du tout au mythe des "100 premiers jours". La réforme est un processus de longue haleine qui prend du temps et se réalise progressivement. Gouverner un pays comme la France, accompagner ou favoriser son adaptation au monde contemporain, ne peut pas s'effectuer en trois mois. Il faut des années pour accomplir une tâche titanesque. La question du calendrier n'est pas la plus essentielle. Le fond du problème est celui de la crise du régime politique à laquelle nous sommes confrontés. C'est tout un mode de conception du pouvoir qui, de mon point de vue, est en cause, au-delà même de la question des institutions. Nous avons des dirigeants politiques qui ont perdu le sens de l'intérêt général. Ils conçoivent leur accession au plus haut niveau de l'Etat essentiellement comme l'accomplissement d'un destin personnel. Nous sommes en plein dans la logique de l'ère du vide, dénoncée par Gilles Lipovetsky. Le narcissisme comme valeur dominante en politique se traduit par une extrême personnalisation du pouvoir. Mais il suscite une violente réaction de rejet de la population qui a le sentiment que les dirigeants du pays sont motivés par leur intérêt personnel, matériel ou de vanité, au détriment du bien commun. Ce phénomène est à l'origine d'une profonde fracture démocratique et de la perte de légitimité des gouvernants qui paralyse la réforme du pays.  

Quelles autres réformes importantes doit encore mener l'exécutif ? Lesquelles sont susceptibles d'être reportées, voire annulées ?

Il faut bien constater qu'il n'y a pas eu de transformation de la France. Les réformes de la première année du quinquennat, sur le droit social ou statut des cheminots étaient emblématiques mais nul n'a la moindre idée de leur utilité profonde par rapport aux grands enjeux du pays. Elles n'ont rien changé aux problèmes de la SNCF et ses déficits, n'ont pas transformé l'environnement des entreprises, n'ont eu aucune conséquences sur le niveau de la dette publique, des prélèvements obligatoires, du chômage massif qui se maintient alors qu'il diminue fortement en Allemagne... Le projet de réforme constitutionnelle, tel qu'il est prévu, n'a aucun intérêt sur l'équilibre des institutions, sinon d'humilier un peu plus le Parlement. Celui de service national universel ressemble à une usine à gaz extrêmement coûteuse, et une contrainte sans le moindre intérêt pour les jeunes. Travailler dans l'intérêt du pays doit consister, non pas en des réformes plus ou moins démagogiques destinées à donner l'illusion du changement, mais à agir clairement dans le seul bien public: baisse massive des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, réduction massive des impôts et des charges sociales qui empêchent les entreprises de recruter, restauration de l'autorité de l'Etat sur tout le territoire national pour assurer la sécurité des biens et des personnes, politique d'égalité des chances entre tous les établissements scolaires, entre les universités et les "grandes écoles". Réformer efficacement le pays, c'est agir en profondeur sur la réalité plutôt que de proclamer des transformations spectaculaires qui ne se font pas. 

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