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Si le populisme pose les bonnes questions, Emmanuel Macron a du mal à convaincre qu‘il peut y apporter les bonnes réponses
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Pour s’opposer au populisme, les « princes qui gouvernent » vont-ils être obligés d’ériger le mensonge en méthode de gouvernement pour sauver la démocratie ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Emmanuel Macron est entré en campagne cette semaine. Tête baissée, il a affronté la province qui gronde, et tête haute à Paris, il a peaufiné sa posture de chef d’Etat, acteur majeur du jeu international. Bien joué.

Mais dans les deux cas, un seul objectif : convaincre que la démocratie et la paix sont en risque de populisme. Convaincre qu’il existe des réponses aux questions que posent tous ceux qui s’attaquent au système de l’économie de marché mondialisé, tous ceux qui pourfendent l’Europe et l’euro, tous ceux qui considèrent que les rapports entre nations sont forcément conflictuels.

A priori, on avait rarement vu un tel constat politique en si peu de temps. Quelle douche froide pour le président : entre la France profonde et provinciale qui grogne et qui rogne, qu’il a voulu visiter, avec laquelle il a voulu discuter et ferrailler ; et les fastes de Paris quand il a du gérer « les égos » de tous ces princes qui règnent sur le monde et toutes les exigences des uns comme des autres.

Le malaise des ouvriers du Nord de France, la douleur d’Angela Merkel, les tweets assassins de Donald Trump ou les grimaces de Vladimir Poutine, toutes ces manifestations ont une même origine : le populisme.

Tous les pays développés, dont Emmanuel Macron recevaient certains des représentants ce dimanche, sont désormais touchés en profondeur par ce phénomène.

De l‘Italie à l‘Espagne, en passant par la Grèce, l’Autriche, la Hongrie, sans oublier l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis.

Les courants populistes se sont développés en dehors des partis politiques qui structuraient la démocratie représentative.

Ils continuent de se développer sur la base d’un questionnement qui correspond à la réalité d’une partie des opinions publiques. La modernité et l’évolution de la planète ont laissé sur le côté de la route des populations entières.

Les grandes évolutions, depuis 30 ans, ont apporté des facteurs de progrès incontestables, mais ont été vécues par beaucoup comme des facteurs anxiogènes.

La mondialisation des économies a entrainé beaucoup de délocalisations qui ont provoqué la destruction du tissu industriel dans les pays développés.

La généralisation par les accords multilatéraux de la concurrence de marché a mis en difficulté les populations qui n’avaient pas la force de l’assumer, alors qu‘elle a permis aux autres d’accumuler de la richesse, comme jamais dans l’histoire.

Enfin, la révolution digitale a crée des clivages douloureux entre ceux qui pouvaient y participer et profiter de cette formidable productivité induite et ceux qui en étaient exclus pour plein de raisons. Ajoutons à cela

l’effet des phénomènes migratoires, qui ont été trop mal vécu et mal accepté dans certaines régions ou certains secteurs.

Les leaders populistes ont eu le talent politique de dénoncer les dysfonctionnements et ils ont, de ce fait, été soutenus par les populations en difficulté. La crise de 2008/2009 a révélé ces disfonctionnements avec beaucoup de brutalité.

Mais au delà du diagnostic, tous les responsables populistes ont eu beaucoup de mal à proposer des réponses ou des alternatives aux politiques qu’ils dénonçaient.

La majorité des réponses populistes se sont fracassées contre le mur des réalités. Les exemples sont nombreux :

Comment mettre en place une politique protectionniste, comme le voudrait Donald Trump, alors que les chaines de production sont interconnectées et fragmentées ? On ne sait plus de quelle nationalité est le produit qu’on achète ou la fabrication de ses différents composants. La division internationale, en fonction des spécificités de chaque pays, a fait son œuvre au profit du consommateur bien souvent, en faisant baisser les prix, et des pays émergents, car on y trouve des coûts de main d’œuvre inférieurs.

Comment imaginer un Brexit sans toucher à la fonction de production et au mode de consommation ? Le consommateur britannique, y compris ceux qui ont voté pour le Brexit, vont réclamer des normes de qualité pour se protéger. Et quelles normes utiliser, sinon les normes européennes ? Comment imaginer le déménagement de cités financières vers d’autres cieux que ceux de Londres ?

Comment imaginer le retour d’une frontière ? Comment imaginer que nous accepteront deux jours d’attente à l’entrée de l’Eurotunnel ou à l’embarquement de Brittany Ferries pour remplir les formalités de contrôle douanier des personnes et des marchandises, alors que la liberté d’échange est inscrite dans les mœurs et les habitudes. Personne ne peut faire cet effort d’imagination, même ceux qui ont défendu le Brexit.

Comment imaginer appliquer une politique sociale plus généreuse, comment imaginer promettre des infrastructures nouvelles sans en avoir les moyens financiers ou budgétaires ?

Plus grave : comment imaginer qu’on puisse prendre des décisions nationales et en présenter la facture à ses différents partenaires européens ? C’est un peu ce que veut faire le nouveau gouvernement de Rome avec Bruxelles.

Le résultat de ces projets politiques est qu’ils n’aboutissent pas. L’environnement international, la pression des marchés ramène tout le monde à la réalité. Les dirigeants grecs ont changé de politique pour empêcher la faillite de ses banques et la fuite de ses habitants le plus riches. Il se passera la même chose en Italie.

En Grande Bretagne, il faudra bien admettre que le Brexit n’aura sans doute pas de contenu réel avant longtemps. Le Brexit se terminera par le remplacement de l’adhésion à l’Union européenne par une zone de libre échange qui reprendra les coutumes et les codes de l'Union européenne.

Le risque que les mouvements populistes font courir à leurs électeurs, c’est le risque de les décevoir, de les frustrer ou de finir par leur mentir. D’où le risque de colère et de désordre. D’où le risque de déséquilibrer les mécanismes de la démocratie.

Emmanuel Macron est parti pour une campagne longue d’explication en France et en Europe, afin de s’opposer aux tentations populistes. Le problème sera de proposer des réponses alternatives convaincantes et compatibles avec les contraintes économiques.

Comment réguler le commerce international sans freiner la production de richesse ? Sinon, qui paiera les ralentissements ? Les plus pauvres évidemment.

Comment réguler les phénomènes migratoires sans s’empêcher du devoir d’envoyer dans les pays de migrants des facteurs de subsistance et de développement ?

Comment conforter les processus de solidarité à l’intérieur de l’Europe, sans pour autant céder aux inégalités géographiques ? Bref, comment gouverner l’Europe pour qu’elle soit acceptable et incontournable ?

Le problème qui va se poser à Emmanuel Macron à partir de maintenant va être de mettre en place un corps de projets de réformes à l’intérieur de l’Europe. Or, pour se lancer dans un tel chantier, il faudrait des alliés. Pas sur qu’il ait réussi à s’en faire au terme de ce week-end. Pas sur qu’il ait réussi à convaincre les Français de sa trajectoire autre de cette semaine.

Actuellement, le président français conserve une excellente image à l’étranger. Mais disons qu’en France, ça ne ruisselle pas. Emmanuel Macron est totalement seul.

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