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Au nom de quoi LREM met-il "une dernière fois" en garde sa député osant évoquer un lobby LGBT ?
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Intimidation (im)morale

La République en marche a mis en garde jeudi la députée Agnès Thill "contre les excès" de ses "prises de position publiques", après qu'elle a évoqué "un puissant lobby LGBT à l'Assemblée nationale".

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : La République en marche a mis en garde jeudi la députée Agnès Thill "contre les excès" de ses "prises de position publiques", après qu'elle a évoqué "un puissant lobby LGBT à l'Assemblée nationale". Or, est-il délirant de constater le poids d'un groupe de pression, à la fois politique et médiatique (comme a pu le montrer la campagne de communication de Fogiel sur la GPA) ?

Bertrand Vergely. Un groupe de pression est traité de groupe de pression. Quand cela se produit, il y a deux réactions possibles. La première, courante, consiste pour le groupe de pression à être furieux, la seconde, à se frotter les mains.

S’agissant de la première réaction, à savoir la colère, si  les groupes de pression aiment pouvoir faire pression et ainsi avoir du pouvoir, ils détestent que cela se sache. Et, notamment, ils détestent être reconnus en tant que groupes de pression et désignés comme tels. Quand cela se sait, furieux, ils se ruent pour clamer haut et fort qu’ils ne sont nullement un groupe de pression en traitant d’affabulateurs et de complotistes ceux qui ne font que dire la vérité. Réaction qui se comprend.

Quand quelqu’un nous aborde, si nous sommes prévenus qu’il appartient à un lobby, nous allons nous méfier. Nous allons avoir peur d’être manipulés par lui. Et, tout au long de l’entretien que nous allons avoir, nous allons guetter les moments où nous allons avoir l’impression qu’il se sert de nous, nous instrumentalise, nous dérobe quelque chose à notre insu, nous amène là où il a l’intention de nous mener afin d’obtenir de nous ce qu’il veut. C’est la raison pour laquelle un groupe de pression n’aime pas la lumière mais l’ombre. En pleine lumière, il est inefficace. Son pouvoir vole en miettes. Dans l’ombre, il peut agir. Baudelaire l’a parfaitement compris dans un petit poème en prose intitulé Un joueur généreux : l’arme favorite du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. Les escrocs sont toujours charmeurs et charmants. On leur donnerait le bon Dieu sans confession

Agnès Thill, députée de la LREM, a récemment dénoncé l’existence d’un lobby LGBT parmi les députés à l’Assemblée Nationale. Le fait qu’elle ait été accusée de délirer  est parfaitement normal. Ne soyons pas naïfs. Agnès Thill n’est pas folle. Si elle a éprouvé le besoin de twitter comme elle l’a fait sur le groupe de pression pro-LGBT à l’Assemblée Nationale, c’est qu’elle a certainement de bonnes raisons de le faire. Quand un groupe de pression existe, il se défend toujours en expliquant qu’il n’existe pas et qu’il est victime d’une diffamation. On imagine mal qu’il dise : « Oui. C’est vrai. Nous sommes un groupe de pression et nous avons l’intention de le rester et même d’accroître nos activités de lobbying ».

Deuxième réaction : celle qui consiste à se frotter les mains. Quand on est un groupe de pression, il peut être fructueux de se faire traiter de groupe de pression. Au lieu d’être en colère, on peut se déclarer victime d’un complot de la part d’un groupe de pression adverse. Ce qui est finement joué. Accusant ceux qui l’accusent d’être un groupe de pression, ce groupe de pression fait oublier qu’il est un groupe de pression. Menant alors une croisade contre les groupes de pression, il peut en toute quiétude se développer comme groupe de pression. Il peut surtout, en apparaissant comme victime, exiger des réparations et parvenir à les obtenir. Actuellement, c’est manifestement ce qui est passé. Le groupe de pression à l’Assemblée Nationale pointé par Agnès Thill a très habilement non seulement manifesté sa colère mais retourne l’accusation dont il faisait l’objet en expliquant qu’il était victime d’un complot d’extrême droite l’accusant d’être un groupe de pression. Exigeant des réparations, il les a obtenues, Agnès Thill étant obligée de s’excuser publiquement. 

Depuis quelques années déjà, chez des minorités de tout bord, c’est un phénomène que l’on peut constater. De nombreuses minorités font du lobbying en tissant des réseaux dans l’ombre. Quand elles sont dévoilées et traitées de lobbies, elles se mettent à hurler au complot. Que disent-elles alors ? « Le lobby c’est vous, ce n’est pas nous. Vous mentez. Vous délirez.  Vous êtes des nazis ». Tout en criant au complot, ces minorités font du lobbying et complotent. Ceux qui complotent se présentent toujours comme victimes d’un complot. Aussi se frottent-ils les mains quand ils sont accusés d’être un lobby et de faire du lobbying.

En quoi est-il homophobe de dire qu'il existe un lobby LGBT ? Les partisans de la PMA se privent-ils de condamner comme réactionnaire toute position autre que la leur ou de parler de lobby de LMPT ?

Le mouvement LGBT est apparu dans les années 60 avant de commencer à prendre de l’essor dans les années 80 à la suite de la « révolution sexuelle » pour devenir aujourd’hui un lobby mondial. Particulièrement puissant aux Etats-Unis, il est  organisé en grande communauté internationale appelée La Communauté il a un drapeau, le drapeau arc-en-ciel. À Paris, la Communauté a investi un quartier, le Marais, où les passages piétons sont décorés aux couleurs arc-en-ciel. Dans les grandes entreprises comme dans les universités, on trouve des antennes LGBT. Chaque année des journées mondiales contre l’homophobie et la transphobie sont organisées. Si cela ne s’appelle pas être un lobby, qu’est-ce ? « Des gens qui aiment bien discuter », comme l’a dit une responsable politique à propos du groupe de pression à l’Assemblée Nationale  pointé du doigt par la députée LREM Agnès Thill ?

Aujourd’hui, c’est vrai, lorsque ceux qui commencent à s’inquiéter du poids pris par la LGBT dans la société et dans le monde, parlent de celle-ci, ils utilisent les expressions « lobby gay » ou bien encore « lobby LGBT » afin de rappeler que l’on n’a pas affaire là à une simple association culturelle mais à un groupe de pression qui a des vues politiques très précises. Est-ce de l’homophobie ? C’est ce que dit la LGBT. Ce qui, de sa part,  est normal. Dans un rapport de forces on utilise toujours tous les arguments possibles et notamment celui consistant à dire : « Si vous êtes contre nous c’est que vous nous haïssez. Vous êtes racistes et homophobes. Vous êtes d’extrême droite et nazis ».

Quand on dénonce un groupe de pression, alors que l’on est un citoyen responsable soucieux du bien commun mis à mal par ce groupe de pression qui n’en a cure,   on est toujours traité de malade haineux par ce groupe. Il faut beaucoup de courage pour le faire. Plus ce groupe de pression prend de l’essor, moins il supporte la critique, plus il se comporte comme un dictateur. Plus un puisant a de la puissance, moins il supporte qu’on lui résiste. Pour cela les mots et les appellations sont essentiels, le puissant mesurant sa puissance à la façon dont on parle de lui, aux mots que l’on emprunte pour le qualifier. Dans cette course au langage pur, l’interdit suprême est de dire la vérité en appelant les choses par leur nom.

Alors que la LGBT ne supporte pas qu’on l’appelle « lobby », celle-ci traite ses adversaires de réactionnaire homophobe. Il y a une dissymétrie dans cette confrontation langagière. Lobby, c’est précis, c’est politique. Réactionnaire, homophobe, c’est moral, c’est intimidant. Le but est d’intimider, d’empêcher de dire et de penser. Y aura-t-il un jour des poursuites pénales quand on appellera la LGBT du nom de lobby ? Sera-ce un délit ? Telles que les choses sont engagées, on est bien parti pour.

De quoi ce type de pression est-elle le symptôme en matière d'étouffement du débat démocratique ? 

Nous assistons aujourd’hui au deuxième temps de la démocratie. Premier temps : naissance de la démocratie, découverte de la liberté d’expression ainsi que des droits individuels. Moment d’ivresse. Étonné d’être libre, on s’écoute être libre. On se regarde être libre. On met en scène sa propre liberté. Deuxième temps de la démocratie : passage à un imprévu : la dérive victimaire. On parle toujours de minorité opprimée, jamais de majorité opprimée. Quand on est une minorité, faisons en sorte d’apparaître comme une minorité opprimée. On se met à jouir soudain d’un pouvoir énorme. La démocratie ayant comme sens le respect de la liberté d’expression et des droits individuels,  disons à la démocratie que l’on est une minorité dont la liberté d’expression et les droits ne sont pas respectés, que se passe-t-il ? Gênée, culpabilisée, elle met  immédiatement tout en œuvre pour venir au secours de la minorité opprimée afin que celle-ci puise avoir liberté, droits et pouvoir. Résultat : la minorité  prend le contrôle de la démocratie. Un enfant pour avoir ce qu’il veut fait une crise. Il se roule par terre. Pour le faire taire, ses parents cèdent.  On est dans ce cas.  De quoi nous parlent les medias tous les jours ? De minorités ethniques,  religieuses et culturelles qui clament à l’injustice et qui parviennent peu à peu à prendre le contrôle de la société.

La démocratie est victime de ce qui fait sa substance à savoir le triomphe de l’individu doté de droits formels.   Hegel disait à propos de la culture moderne qu’il voyait s’esquisser devant lui : attention à l’universel abstrait. Attention à la liberté formelle. La démocratie appelle homme l’individu, c’est-à-dire l’individu  abstrait et démocratie la démocratie abstraite c’est-à-dire  le fait de reconnaître des droits à cet individu, L’individu et la démocratie  n’ayant aucun contenu, que se passe-t-il ? L’individu n’a pas de mal à faire passer n’importe quel contenu au nom de la démocratie. Il peut notamment se servir de la démocratie contre la démocratie. Aujourd’hui, des minorités ethniques, religieuses et culturelles l’ont parfaitement compris. En se présentant comme victimes, au nom de l’individu, du droit et de la démocratie, elles parviennent à prendre aisément le pouvoir idéologique sur la société.

Il y a un remède à cela : la vérité, le travail de la vérité, le combat pour la vérité, le courage de dire la vérité en appelant  les choses par leur nom. À l’heure des « fake news », de la disparition du réel, de la fiction généralisée, de la confusion organisée, jamais il n’a été aussi important, vital et vivant de dire et de penser. Afin d’aller dans la « vraie vie », un combat idéologique fondamental a commencé et n’est pas prêt de se terminer.

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