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Pourquoi est-ce que la nomination d'Andrea Enria à la tête de l'autorité bancaire européenne risque de ne rien changer
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Europe

Un Italien : mercredi 7 octobre, la Banque centrale européenne a élu l’Italien Andrea Enria pour prendre la suite, en janvier 2019, de Danièle Nouy pour diriger le système de surveillance des banques européennes.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Andrea Enria, qui dirige l’Autorité bancaire européenne, organisme qui établit les règles bancaires et qui vient d’ailleurs de soumettre les banques à des stress tests, passerait ainsi « à l’étage au-dessus ». C’est celui du contrôle du suivi des règles, de la solidité des établissements, avec pouvoir d’intervention et de sanction. 

Agé de 57 ans, Andrea Enria sera « invité » à une audition publique par la Commission économique du Parlement européen. Puis sa candidature devra être approuvée par les députés avant que le Conseil de l’Union Européenne ne l’accepte en décembre, à la majorité qualifiée. Il faisait partie de la short list, contre Sharon Donnery, gouverneure adjointe de la banque centrale d’Irlande et Robert Ophèle, Français, président de l’Autorité des marchés financiers. Donc ce sera Andrea Enria, début 2019, qui étudiera les mesures à prendre, suite à l’étude qu’il a menée et publiée sur la solidité des banques ! Il ne découvrira rien.

Un Italien, pas une Irlandaise, alors que l’idée était de rééquilibrer les responsabilités pour donner plus de places aux femmes ? Et oui, l’Italien était bien connu (de Mario Draghi bien sûr), la France ne votait pas (rotation des votes) et l’Allemagne semble ne pas avoir apprécié le choix. Parce qu’Andrea est un homme ? Un Italien ? Ou parce qu’il ne sera pas facile d’empêcher Philip Lane, gouverneur de la Banque centrale d’Irlande et jugé « colombe », de prendre la suite de Peter Praet, le Chef économiste de la Banque centrale et « colombe », quand il partira en mars ? Pas possible de disposer de deux postes éminents pour un seul pays, « petit » au demeurant, même s’il devient stratégique avec le Brexit. Le Mercato européen politique n’a rien à envier à celui du football !

Moins de banques en zone euro ? Oui, en Italie bien sûr, compte tenu de la faiblesse de certaines, en France on en parle (avec la Société Générale jugée trop petite dans le pays) et surtout en Allemagne, avec les deux grandes banques commerciales qui souffrent : Deutsche Bank et Commerzbank. Elles font face à des centaines de banques coopératives, petites et qui se font entre elles une concurrence destructrice ! Il faudra en plus une concentration et une restructuration partout, face aux banques directes, sans agences et low cost. Elles écrèment la clientèle, celle des jeunes en particulier. Bref, un énorme chantier économique, social, politique et symbolique s’annonce.

Recapitaliser les banques, sous la houlette de l’Italien Andrea Enria désormais, l’ancien patron de l’ABE ? Oui, même si rien ne presse. L’ABE, l’Autorité Bancaire Européenne, vient de passer 48 banques de l’union européenne à l’essoreuse de ses stress tests (dont 30 dans la zone euro). Ce ne sont plus 130 banques comme en 2016 qui subissent les électrochocs. Elles sont plus grosses (plus de 30 milliards d’euros), face à des chocs plus sévères : une baisse du PIB européen de 1,2% en 2018, puis de 2,2% en 2019, puis une modeste remontée de 0,7% en 2020. Avec ces secousses, 358 milliards d’euros de crédit seraient perdus, plus 90 milliards sur les marchés et 80 autres en risques opérationnels. Au total, 240 milliards d’euros de fonds propres pondérés se seraient évaporés sur 1 220 en 2017, soit un passage de la part des fonds propres pondérés dans le bilan de 14,5 à 10,3% entre 2017 et 2020, une perte moyenne de 4,1%. Par rapport aux tests précédents, c’est mieux.

Donc des banques plus fortes en moyenne ? Oui : les efforts de réduction des coûts bancaires, les réorganisations et concentrations, plus l’aide de la BCE avec ses crédits à taux bas aux banques, ont payé. « Le résultat des tests de résistance montre que les efforts des banques pour solidifier leur base capitalistique ces dernières années ont renforcé leur capacité à résister à des chocs importants », a note ainsi Mario Quagliariello, le directeur des analyses et statistiques économiques de l'ABE. 

Donc toutes les banques sont sorties d’affaire et de restructurations ? Non : certaines banques sont en queue de peloton, d’autres au-dessous de la moyenne, une moyenne dopée par les banques scandinaves. Pour la BCE, un ratio de capital de 11% est jugé bon : les marchés financiers vont faire pression pour l’atteindre. 15% des actifs bancaires, avec 9 banques, sont donc sûrs selon Luis de Guindos, numéro deux de la BCE, dans un discours le 5 novembre. Entre 11 et 9% de ratio de fonds propres, pour 12 banques qui pèsent 45% des actifs, c’est « raisonnable », mais à renforcer. Enfin, pour les 12 autres qui restent, au-dessous de 9%, c’est « plus faible quoique satisfaisant ». Ces 12 banques représentent, quand même, 40% des actifs bancaires, à surveiller et à renforcer.

On l’a compris : les restructurations bancaires ne sont pas finies, pas plus que les recapitalisations « douces ». Parmi les banques qui auront plus d’efforts à faire, celles qui finissent avec moins 9% de fonds propres, on trouve Barclays (6,37%), Lloyds (6,8%), BPM (Italie avec 6,67%), Norddeutsche Landesbank (7,07%), Société Générale (7,61%), BNP Paribas (8,64%) et La Banque Postale (8,22%). Entre 9 et 11%, revoilà le Royaume-Uni, avec HSBC, la plus grande banque européenne par les actifs (9,18%), Royal Bank of Scotland (9,92%), puis l’Allemagne avec Deutsche Bank (8,14%), Commerzbank (9,93%) et l’Italie avec Intesa (10,40%) et UniCredit (9,34%). En France, Crédit Agricole a un ratio de 10,21%, BPCE (Banques Populaires Caisses d'Épargne) de 10,68%, Crédit Mutuel de 13,18%.

Bref, il y aura du travail partout, plus en Angleterre et en Allemagne. L’Italie n’est pas trop mentionnée, puisque les petites banques régionales sont traitées au niveau national, plus européen ! Subtil ! Tout n’est donc pas dit. Pour la France, les résultats sont satisfaisants : aucune fragilité n’est à signaler. Mais on comprend quand même que la BCE doit continuer sa politique de soutien aux banques par un refinancement à 0%, pour alimenter la reprise. Mais on comprend aussi qu’il faut être attentif aux risques. En juin 2018 en effet, la dette cumulée des ménages et des entreprises égale en France 1,31 fois le PIB, en Allemagne 0,91 le PIB et 1,07 fois le PIB italien. Il y a donc, en France, du crédit sain, mais beaucoup : souhaitons donc que la croissance résiste. Autrement, l’Italien Andrea Enria ne suffira ni à empêcher, ni à réparer !

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