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Terrorisme : pourquoi il n’y a pas que les commanditaires du 13 novembre que la France a fait éliminer
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Traque

Mediapart a révélé l'information. Les sept principaux cadres de l'Etat Islamique responsables de l'attentat du 13 novembre à Paris ont été "traqués et tués, un par un, en Syrie". Une stratégie, officieuse, d'élimination qui pousse à s'interroger sur la politique de la France en la matière.

Eric Denécé

Eric Denécé

Eric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

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Atlantico : Peut-on parler de politique d'assassinat ciblé de la part de l'Etat français ? Quelle forme prend-elle ?

Eric Denécé : Non, une telle doctrine n’est pas en vigueur dans notre pays. Il n’y a a rien de systématique en la matière. De telles pratiques dépendent à la fois du contexte – situation de guerre ou non -, de la nature des événements et du président en fonction. Mais c’est toutefois l’une des raisons pour lesquelles la DGSE dispose d’un « service Action » (SA), qui est le « bras armé clandestin » de la République. Sa fonction est d’intervenir préemptivement contre certaines menaces avant qu’elles ne se développent et ne nous nuisent ; ou, comme dans le cas présent, de faire passer des messages sans ambiguïté à ceux qui s’en sont pris à notre pays ou envisageraient de le faire.

La France doit montrer à ceux qui l’attaquent qu’elle n’a pas la mémoire court et qu’elle a le bras long et. Il ne s’agit pas de vengeance, mais de réponse, voire de prévention… d’actes ultérieurs qu’il convient d’empêcher en faisant mesurer à leurs auteurs potentiels tous les risques qu’ils prennent.

Si elle était avérée, cette politique rappellerait celle pratiquée par les Israéliens ou les Américains. Est-ce une évolution de la part de la France ?

Cela s’en rapproche en effet, même si le recours à de telles pratiques n’est pas aussi institutionnalisé et systématique en France qu’en Israël ou aux Etats-Unis. Si l’élimination de ces sept djihadistes est confirmé, on ne peut bien sûr s’empêcher de faire un parallèle avec l’opération Colère de Dieu, l’élimination par le Mossad et les forces spéciales de Tsahal des terroristes palestiniens auteurs de l’assassinat des athlètes israéliens lors des jeux olympiques de Munich en 1972.
Pour mémoire, au cours de la guerre d’Algérie, la France, via le SA du SDECE à l’époque procéda à l’élimination physique de trafiquants d’armes qui ravitaillaient la rebellion algérienne. Au cours de la seule année 1960, Constantin Melnik a estimé à 135 le nombre d’individus envoyés ad patres lors d’opération « homo » du service Action. Ces actions violentes répondaient cependant à des règles spécifiques. Le général de Gaulle avait édicté trois condtiions en la matière : 
- ce type d'action ne pouvait être mené qu'en temps de guerre et en dehors du territoire français. 
- les« objectifs » ne pouvaient, en aucun cas, être des nationaux français - règle qui ne fut pas, malgré les glapissements des «gaullistes », transgressée à l'égard de l'OAS. 
- toute opération devait être soumise à l'approbation du chef de l'Etat et du Premier ministre, responsable à l'époque des services spéciaux. 
Rappelons également que la France a éliminé les auteurs de l’attaque aérienne du 6 novembre 2004 contre le camp de Bouaké (Côte d’ivoire) - faisant neuf morts et 37 blessés parmi les soldats français - par des mercenaires biélorusses et sur ordre d’autorités ivoiriennes. De même, les terroristes somaliens responsables de l’enlèvement et de l’assassinat (2013) du cadre de la DGSE, Denis Allex, ne sont plus de ce monde pour témoigner de leur forfait.
L’impunité n’existe pas – et ne doit pas exister – pour ceux qui s’en prennent à notre pays et à nos concitoyens. Il est important qu’ils le sachent et que ce message circule dans les milieux hostiles. Cela peut servir à calmer les ardeurs de certains et les conduire à réfléchir d’envisager des actions violentes contre nous.

Comment peut-on mesurer l'efficacité d'une telle doctrine ? Est-elle dissuasive ?

C’est la question essentielle et la raison pour laquelle une politique de rétorsion ne peut être appliquée sans discernement. A trop vouloir riposter, certains Etats ne sont parvenus qu’à accroitre le nombre d’attaques contre eux et la détermination de leurs adversaires de recourir à la violence aveugle. On est alors entré dans une spirale sans fin.
C’est bien pour cette raison que la France, sans s’interdire ce type d’action, ne se lance pas dans une logique de vendetta systématique qui pourrait s’avérer contre-productive.

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