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Langues régionales : 
"Il faut mettre fin à l’exception 
culturelle de l’identité unique"
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Kenavo !

Alors que la campagne présidentielle a ravivé la discussion sur l'identité française, les langues régionales semblent être volontairement mises de côtés.

Yann Syz

Yann Syz

Yann Syz  est adjoint au maire de Lorient depuis 2004, en charge de la santé et de la restauration. Il est depuis 2010 membre de la direction de l’Union Démocratique Bretonne, parti politique associé à d’autres mouvements autonomistes dans le cadre de la fédération Région et Peuples Soildaires.

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«Nous vivons dans l’illusion que l’identité est une et indivisible […] Nous sommes tous des êtres poly-identitaires dans le sens nous unissons en nous une identité familiale, une identité locale, une identité régionale, une identité nationale, transnationale (slave, germanique, latine) et éventuellement une identité confessionnelle ou doctrinale ».

Edgar Morin, Penser l’Europe – 1987 Gallimard

De fait, il n’y a a plus de conflit aujourd’hui entre les identités nationales et l’identité européenne. Là où une opposition se fait jour contre l’Europe, ce n’est pas un rejet d’appartenance, mais une opposition à des projets politiques.

Il n’y a pas non plus d’opposition entre identité régionale et européenne, l’union européenne ayant retenu depuis longtemps l’échelle régionale comme l’un des piliers de son action.

Mais la France est un cas à part d’un pays qui a construit un conflit entre identité nationale et identité régionale avec des conséquences psycho-sociales négatives parfois majeures.

En effet, la France a construit sa mythologie politique autour d’une identité unique fantasmagorique, mythologie dans laquelle les manuels scolaires, jusqu’à une période récente, inventaient un récit national où l’histoire devenait une destinée fictionnelle et où laquelle identité régionale constituait un ennemi de l’intérieur comme un démon à combattre.

Le résultat est une quasi-mise à mort institutionnalisée des langues régionales et une folklorisation sympathique des marqueurs d’identités locales, avec pour corollaire des indicateurs de pertes de confiance en soi dans certaines régions (taux de suicide ou d’alcoolisation régulière par exemple en régions bretonnantes ou flamandes).

Certes, ici ou là l’Etat a remis depuis peu en place un semblant de volontarisme sur la question de l’identité régionale. Mais chaque fois en s’abritant derrière une justification visant à démontrer une exception (la Corse est une île, l’Alsace a une histoire particulière, le Pays Basque est transfrontalier, etc). En évitant ainsi d’évoluer sur les principes même de l’identité unique, l’Etat a laissé perdurer une situation d’un autre âge, notamment en Bretagne, en Flandre, en Savoie et dans diverses régions des langues d’Oc.

Pourtant, les identités multiples se complètent et se respectent plus qu’elle ne s’opposent. L’école est un lieu d’apprentissage essentiel de cette multiplicité culturelle, où la confrontation précoce avec ces enjeux linguistiques est un facteur de facilitation pour l’ouverture au monde de notre jeunesse.

La quasi-totalité de Bretons, des Flamands ou des Occitans vivent, et comme Européens, et comme Français. Ils ne demandent qu’à être reconnu aussi dans leurs identités régionales en plus, ce dont ils sont amputés contre leur gré, comme le sont les Catalans en Espagne, les Ecossais au Royaume Uni, les Bavarois en Allemagne, etc. Pour faire face à ce défi de la modernité, l’Etat dispose de peu de marges de manœuvre du fait de pesanteurs plus mentales que financières. Pour entrer dans le siècle des identités plurielles le prochain gouvernement devra laisser aux conseils régionaux, souvent volontaires, les capacités financières, politiques et réglementaires d’agir dans le domaine de la promotion des langues régionales et en particulier pour leur transmission et leur enseignement à l’école.

Ne pas le faire serait, soit se résigner à l’inaction, soit s’inscrire dans une posture nationaliste en décalage avec les aspirations de ceux qui par le biais local veulent entrer dans la complexité du monde. Les sociétés du XXIème siècle seront les sociétés du multiple et non plus de l’identité unique. Le temps n’est plus aux identités binaires (nous et les autres) mais aux identités complexes. Inscrivons les langues régionales de France dans la modernité européenne, avec un statut légal et des moyens de transmissions.

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