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"La Révolte" de Clara Dupont-Monod : quelle "Bonne Femme"!
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A lire le remarquable roman de Clara Dupont-Monod, on comprend mieux qu'à travers n'importe quel essai, pourquoi, depuis le 12° siècle, Aliénor d'Aquitaine n'a cessé d'exercer un tel pouvoir de fascination. Difficile de ne pas être impressionné.

Michel Kerjean

Michel Kerjean

Michel Kerjean est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).


 

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LIVRE
La Révolte
De Clara Dupont-Monod
Ed. Stock
243 pages.
RECOMMANDATION
           EXCELLENT
THEME   
L’histoire se passe au 12ème siècle. Le fils d’Aliénor d’Aquitaine, Richard Cœur de Lion, raconte comment elle veut se venger des affronts infligés par son second mari, Henri II Plantagenet, roi d’Angleterre. Il la brime au quotidien, lui impose la présence de sa maîtresse Rosemonde et surtout lui dispute son autorité sur ses importantes possessions françaises, apportées en dot. Il s’ensuit un conflit armé dans lequel elle entraîne ses fils, en particulier Richard,  et son  premier mari, Louis VII, roi de France .Aliénor est vaincue et le paie cher : 15 ans de captivité ou de résidence surveillée dans les prisons et les châteaux anglais. Elle en ressort plus rayonnante et énergique que jamais .Elle assure la régence lors des absences de Richard, devenu roi d’Angleterre à la mort de son père et qui participe à la troisième croisade. L’évocation historique se termine par la mort de Richard, atteint d’une flèche, au cours d’un affrontement, en France, avec les troupes de Philippe Auguste, nouveau roi.
Sur cette toile de fond de vérité historique sont exposés de façon romanesque et imaginaire les états d’âme des principaux protagonistes : Aliénor, le Plantagenet et Richard,  le troisième de leurs fils et sans doute le préféré de sa mère.  C’est lui qui décrit le psycho-drame familial, avec ses frustrations personnelles, les rancœurs de la mère,  la cruauté du père, Il applaudit au retour d’Aliénor après sa captivité .Il admire son intelligence, sa beauté, sa culture, sa séduction et son habileté politique...S’il perçoit le Plantagenêt comme une brute colérique et sanguinaire, il idéalise Aliénor pourtant assez manipulatrice quand elle demande  à Richard  de tuer «  le père » et non pas «  son mari » ! Mais c’est la sublime beauté, calme, rayonnante, épicurienne, organisée et énergique de cette femme inaltérable, réalisant son destin au milieu d’une cour brillante et riche d’artistes, qui prévaut dans l’esprit du fils…. et dans la mémoire collective, qui en fera une héroïne et la « grand-mère de toutes les cours  d’Europe »
POINTS FORTS
-Le rythme de l’écriture qui ménage un certain suspense et prends par moment une allure de thriller
-Le positionnement exact des évocations historiques, ni complexes ni lassantes.
-Le style un peu moyenâgeux qui sied bien à ce genre d’ouvrage
-La précision des descriptions
-L’imaginaire  « complainte du père attaqué »
- la «  Note de L’auteur », louable souci de précision à la dernière page d’un ouvrage qui reste  cependant une œuvre romanesque.
Sans oublier la magnifique couverture de Lucille Clerc
POINTS FAIBLES
Je n'en vois pas, mais on peut s’interroger sur quelques points :
- La longueur de certaines envolées littéraires régulièrement  émaillées de phrases obscures pour les non-initiés.
- l’architecture du livre, parfois complexe.
EN DEUX MOTS
Ce livre est un roman consacré à des séquences d’un « voyage d’un héros » comme dirait Joseph Campbell. Il est le résultat d’une parfaite démarche  imaginaire. Ce n’est pas un roman historique. Il n’y aucune référence bibliographique. Et pourtant il répond à la nouvelle conception de ce type d’ouvrage qui fait découvrir l’histoire, sans trop de distorsion, et plus agréablement qu’un traité universitaire. L’ambiance est aussi celle d’un opéra. On la retrouve dans le « Rosamonde »  de John Barnett en 1837.
UN EXTRAIT
C’est Richard qui parle :
"Inutile d’attendre des mots d’amour. Ma mère n’en a jamais prononcé. Cela ne m’attriste pas. Mon époque ménage les mots. Elle les respecte trop pour abreuver les foules, les utiliser à tort et à travers. Viendra bien un jour où l’on parlera tellement qu’on ne dira plus rien .Mais ici, c’est encore un geste d’engagement. Le verbe est si précieux qu’il décide de la vie ou  de la mort. Le chevalier respecte la promesse faite à la dame, dût-il y laisser ses jours ; le seigneur obéit au serment ; la paix et la guerre se décident d’une phrase ; La parole est tenue. Voilà pourquoi Aliénor ne nous a jamais dit de mots tendres."
L’AUTEUR
Clara Dupont-Monod, née le 7 octobre 1973 à Paris, est une femme de lettres et une journaliste. Elle a travaillé à Cosmopolitan et Marianne et intervient  régulièrement à la radio dans des émissions politiques ou littéraires, en particulier sur France Inter. Elle reçoit en 2014 le prix du magazine Point de Vue pour son livre sur Aliénor D’Aquitaine,  «  Le roi disait que j'étais diable ». "La Révolte" fait partie des romans sélectionnés pour le prix Goncourt 2018 et le prix Fémina.

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