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Pourquoi Didier Guillaume prendrait une décision anti-démocratique en confirmant l’interdiction des lobbies au ministère de l’agriculture
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Démagogie

Le ministre de l'agriculture a tenu une position ferme contre les lobbies ce mardi sur les ondes de RMC. Ces paroles seront-elles suivies d'actes concrets ou ne s'agit-il que d'une déclaration politique ?

Marjolaine Koch

Marjolaine Koch

Marjolaine Koch est journaliste indépendante. Elle collabore fréquemment avec Radio France.

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Atlantico : Le ministre de l'agriculture, Didier Guillaume a déclaré, sur RMC ce mardi 23 octobre, que tant qu'il sera ministre "aucun lobby n'aura accès au ministère de l'agriculture". Comment interpréter cette déclaration?

Marjolaine Koch : Il y a un vrai côté populiste à cette déclaration. Cette déclaration s'inscrit dans le sillage de l'affaire du glyphosate et de l'UIPP. Comme Travert a été visé sur ces questions il veut couper court à toute accusation pour éviter qu'elles lui collent à la peau comme à son prédécesseur.
On a beau dire que les lobbies peuvent déraper et s'immiscer dans des projets de lois, ils sont quand même utiles. La preuve en est qu'il y a des parlementaires qui sont contre les lobbies mais les reçoivent quand même en faisant des agendas ouverts comme Matthieu Orphelin car ils savent qu'ils ne peuvent pas tout connaître et qu'il faut savoir entendre l'avis des différentes parties.
Après il s'agit de savoir identifier les intérêts derrière chacun mais les bannir n'a aucun sens, cela semble même impossible à réaliser.
Et de toute façon, les lobbyistes ne vont pas voir le ministre directement. Ils ont plutôt tendance à aller taper à la porte des parlementaires, comme l'UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes) le fait. Ces derniers ont un vrai vivier de parlementaires qui sont ciblés, favorables à la cause et qui sont prêts à écouter les lobbyistes. Cette déclaration est un vœux pieux qui est évidemment intenable dans les faits.  S'il se coupe des lobbyistes il se coupe d'une source d'information. Il vaut mieux faire de la pédagogie que se braquer sur une position populiste.
 Le ministère de l'agriculture est un des rare ministère où, au niveau du cabinet, il n'y a aucun ancien lobbyiste. Son prédécesseur, Stéphane Travert était également l'un des plus propre sur cette question.

D'autant plus que les acteurs du lobbying sont multiples ?

Il y a évidemment plusieurs catégories de lobbyistes. Le bon lobbyiste est celui qui travaille ses dossiers sur le fond. Il va, pour appuyer ses arguments, chercher des rapports, montrer des études et démontrer à quel point une décision peut être néfaste et sur quel plan.
Il est vrai aussi qu'il y a des lobbyistes qui entretiennent des relations malsaines avec des parlementaires et qui vont attendre des "retours sur investissements". Ils vont offrir des petits cadeaux, inviter les parlementaires à des soirées de prestige, payer des restaurants… Et là on ne discute plus sur le fond et soulève d'autres questions.
Au-delà de ces derniers, il y a un vrai intérêt pour les parlementaires et les ministres à être en contact avec des lobbyistes. Il en va de connaître au mieux les arguments de chacun pour soupeser une décision avant de la prendre. Évidemment cela doit se faire en sachant qui est l'interlocuteur et au nom de quel intérêt il s'exprime.
Un exemple. Il y avait un projet de loi qui prévoyait d'obliger les pêcheurs à garder sur leurs bateaux les rejets pour pouvoir montrer que leurs filets avaient la bonne taille. Les pêcheurs sont allés voir APCO pour les défendre et prouver aux parlementaires que ce projet n'était pas faisable et mettait les professionnels en danger.
Ils ont fait monter les parlementaires, la plupart écologistes, sur un bateau de pêche pour une sortie durant laquelle ils allaient garder les déchets sur le pont. Le bateau s'est évidemment retrouvé déséquilibré et il y avait un risque réel de chavirage. Les parlementaires sont ressortis (blêmes) et ont compris que la loi n'est pas bonne et qu'il fallait retoucher ce projet de loi. C'est un exemple simple qui permet de montrer que le lobbying peut être utile.

Au final la déclaration de Guillaume n'est-elle pas juste une déclaration politique qui est antidémocratique d'une certaine manière.

Il y a ce côté antidémocratique car on ne va pas entendre tous les partis en présence. Ou alors cela veut dire qu'il va les choisir lui-même. A partir de là, cela soulève plusieurs questions. Comment va-t-il faire ? Va-t-il s'interdire de voir quelqu'un sous prétexte qu'il a une étiquette de lobbyiste même si cette personne aurait des choses à apporter ? Va-t-il considérer les ONG comme tel ou vont-elles avoir une voix plus importante ?
Au final on voit bien qu'il est très compliqué de s'affranchir des lobbyistes. Il vaut mieux afficher un agenda transparent et dire qui on rencontre et pourquoi afin que tout le monde derrière puisse se défendre à la même hauteur.

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