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Le Yémen s’achemine vers la pire famine connue dans le monde depuis 100 ans sans qu’aucune solution politique au conflit ne soit en vue
©Essa Ahmed / AFP

Crise humanitaire

Le Yémen connaît la pire famine mondiale depuis 100 ans. Face à cette crise, dans une guerre qui dure depuis 2015 et où l'Arabie saoudite et l'Iran se livrent bataille, le risque d'enlisement plane.

Franck Mermier

Franck Mermier

Franck Mermier est anthropologue, spécialiste des sociétés arabo-musulmanes.

Il est chercheur au CNRS et directeur scientifique à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO) à Beyrouth, depuis 2002.

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Atlantico : Voyez-vous une solution à la crise dans l'immédiat ? 

Franck Mermier : Je ne vois pas de solution à la crise dans l'immédiat. les pourparlers qui devaient se dérouler à Genève le 6 septembre 2018 n'ont pas eu lieu en raison du refus des Houthistes de s'y rendre sous prétexte, selon eux, que les garanties données par l'Arabie saoudite pour leur transport aérien de Sanaa (et leur retour) n'étaient pas suffisantes. La bataille de Hodeïda entre les Houthistes qui continuent de tenir la ville et les forces gouvernementales soutenues principalement par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis empêchent le ravitaillement de la partie du Yémen contrôlée par les Houthistes. C'est d'autant plus grave que le blocus aérien sur Sanaa perdure sous le prétexte que l'Iran pourrait approvisionner en armes leur allié houthiste. dans les régions du sud, censées être contrôlées par le président Hadi, la situation économique est elle aussi très détériorée en raison notamment de la chute du riyal yéménite, du paiement erratique des salaires des fonctionnaires (qui ne sont pas payés dans les zones contrôlées par les Houthistes). L'aide peut débarquer à Aden mais la ville même, censée être la capitale provisoire du gouvernement yéménite,  souffre de coupures d'eau et d'électricité comme Sanaa qui vient de connaître des manifestations contre la situation économique sévèrement réprimées. En outre, Aden connaît une forte instabilité politique en raison des obstacles mis par le Conseil de transition sudiste, appuyé par les Emirats, à l'exercice de l'autorité du gouvernement.

Au-delà du conflit, quels sont les intérêts régionaux qu'entretiennent l'Arabie saoudite et l'Iran au Yémen ?

Pour l'Arabie saoudite, le Yémen fait partie de son pré carré, de sa zone d'influence et l'installation d'un pouvoir proche de l'Iran à Sanaa, et surtout ayant l'ambition de contrôler tout le pays en 2015 était intolérable. cela s'inscrit aussi dans un conflit régional incluant la Syrie où la politique d'influence de l'AS a été battue en brèche par l'Iran. Pour l'Iran, la guerre du Yémen constitue simplement une opportunité peu coûteuse d'embourber l'AS sans envoyer de troupes, voire d'armements. Pour les Emirats, sa participation à la guerre lui a permis de se tailler une zone d'influence dans le pays et notamment au Sud en aidant les séparatistes sudistes et au Nord en tenant de contrer les Frères musulmans au profit de forces salafistes armées.

Pourquoi une telle crise humanitaire a-t-elle été possible ? 

La crise humanitaire est bien entendu due à la prolongation de la guerre qui se déploie sur différents fronts avec des épisodes de guerre urbaine particulièrement meurtrière à Taez et Aden qui se sont débarrassées des forces houthistes et en raison du blocus aérien et maritime exercé par l'AS et les Emirats. La fragmentation du pays due à la guerre et à l'émergence de différents pouvoirs rivaux ont aggravé l'isolement du pays. Avant la guerre, l'infrastructure routière et médicale était déjà défaillante et le Yémen connaissait un fort taux de pauvreté. Un autre facteur a aggravé la situation, il s'agit de la dépendance extrême du Yémen, pays pourtant majoritairement rural, envers les produits importés. La faiblesse du gouvernement de Hadi qui ne parvient pas à s'imposer et qui est dépendant de l'AS ajoute un autre élément déstabilisant à cette situation chaotique. Dans le sud, particulièrement à Aden et dans le Hadramaout, il faut aussi compter avec les menées d'Al-Qaida et de l'EI. L'AS et les Emirats ont les mains libres au Yémen et contrôlent l'accès à l'aide internationale dans les zones qu'elles contrôlent, la prise de Hodeïda pourrait accentuer le blocus de la partie du Yémen sous contrôle des Houthistes et donc aggraver le sort de la population qui subit des bombardements aériens. La crise humanitaire est aussi la conséquence du choix par les parties en conflit de l'option militaire, le conflit de légitimité entre le président Hadi et les Houthistes étant pour l'instant insoluble si les parrains régionaux n'imposent pas une redistribution des cartes en faisant sauter le verrou de cette question de légitimité puisque ces deux acteurs ont perdu leur prétention à la représenter seuls.

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