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Pourquoi le bénévolat est une vraie proposition à l'insertion professionnelle
©BERTRAND GUAY / AFP

Tremplin

Diversement commentée cet été, la décision du Conseil d’Etat du 15 juin 2018 concernant le RSA (9,73 milliards € en 2015 à la charge des départements), donne au bénévolat une dimension très novatrice, "d’engagement réciproque", tout en témoignant d’une évolution des états d’esprit des juges de la plus haute Cour administrative.

Aude de Chavagnac

Aude de Chavagnac

Aude de Chavagnac est administrateur de Communication Publique, association qui regroupe les responsables de communication des institutions publiques : ministères, administrations, collectivités territoriales, établissements publics et entreprises ayant une mission de service public, organismes sociaux et d'intérêt général. Fondatrice et présidente d’honneur de l’ARPP (Association professionnelle des responsables des Relations avec les Pouvoirs Publics), elle a exercé des fonctions dans 6 cabinets ministériels, et a été chargée des relations Institutionnelles d’une grande organisation professionnelle.

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Patrick Bertrand

Patrick Bertrand

Patrick Bertrand est président de Passerelles et Compétences. Il est l'initiateur du groupe 5.0 qui rassemble les principales associations qui s'intéressent au bénévolat.Créée en 2002, Passerelles & Compétences (www.passerellesetcompetences.org)  association d'intérêt général  à but non lucratif qui a pour objectif de mettre le bénévolat et la solidarité au cœur de la société, et donner à chacun la possibilité de mobiliser et valoriser ses talents et ses compétences. Pionnière dans le développement du Bénévolat de Compétences en France, elle regroupe aujourd'hui, plus de 6500 bénévoles qui s’engagent auprès de 2200 associations humanitaires et solidaires dans des missions ponctuelles, compatibles avec une activité professionnelle à temps plein. 

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En février 2016, Eric Straumann, Président du Conseil départemental du Haut-Rhin fait voter une délibération,-polémique, portant sur « sept heures hebdomadaires de bénévolat obligatoire en contrepartie du RSA » tout en se justifiant « c’est un oxymore mais on n’a pas trouvé d’autre cadre juridique».

Le 5 octobre 2016  le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par le Préfet du Haut Rhin, sur instance du Ministre de la Santé se prononce : "imposer des heures de bénévolat constitue un détournement du droit du travail"…Même avis de la cour administrative d’appel de Nancy en avril 2017. Nous sommes dans la légalité formelle…cependant la CAA de Nancy est appelée à se prononcer prochainement à nouveau …

Le bénévolat : libre et gracieux,  mais aussi un contrat…moral  

Quoique le parlement ait conclu, - cf la Loi Egalité et citoyenneté  du 22/12/2016, qu’il n’était pas souhaitable d’enfermer le bénévolat dans une définition juridique, sa caractérisation est communément admise. Les réponses ministérielles concordent : «  Le bénévolat constitue un engagement libre et sans contrepartie de quelque nature que ce soit, dans le cadre d’un contrat moral. Le bénévole participe à l’animation et au fonctionnement d’un organisme d’intérêt général, en dehors de tout lien de subordination». * Rép. min. no 116903: JOAN Q, 28 févr. 2012, * Rép. min. no 121411: JOAN Q 24 avr. 2012. 
Rien de surprenant à ce que le monde associatif composé majoritairement de bénévoles réagisse. Cependant force est de constater que de plus en plus, en tout cas dans toute association qui se veut pérenne, les conditions de l’engagement, des compétences, font l’objet  de vigilances. Les 10000 à 14000 morts annuels dus au chômage, (cf Solidarités nouvelles face au chômage, septembre 2018), non plus 
Si à la différence d’un travail salarié, l’absence de tout lien de subordination juridique et de toute rémunération des bénévoles sous quelque forme que ce soit, souligné en droit (Rép.min. 85688JOAN  020511), en fait une activité  spécifique, le bénévolat est la plupart du temps  une activité tout à fait réelle, cf le domaine social en particulier.  Il s’apparente ainsi à  la famille de ces biens immatériels que Bercy a du mal à valoriser… 
Les jugements de Strasbourg et Nancy ne mettront pas fin en tout état de cause aux débats: ils auront le mérite de susciter réactions et actions : exemple le Conseil départemental de l’Isère « Loin d’une vision coercitive, la réciprocité iséroise est différente et se veut consentie en utilisant de nouvelles méthodes ». La Drôme n’est pas en reste, qui lance des projets associatifs en liaison avec la FNAR et d’autres… 

Bénévolat /Volontariat : gare aux confusions 

Pour la majorité des associations  l’engagement des bénévoles demeure la base des ressources humaines, mais pour certaines les frontières entre bénévolat et salariat sont floues. Sans définition légale du bénévolat, les bénévoles sont tous volontaires ; les volontaires eux ne sont pas tous bénévoles. L’absence de cadre juridique pour le bénévolat peut générer pour les associations un risque de requalification de la relation en contrat de travail, dont les conséquences peuvent être lourdes : L’application du droit du travail à cette relation peut en effet se traduire par des rappels de salaires, de congés et aussi des risques de poursuites pénales pour travail dissimulé. 
L’existence d’un contrat de travail ne dépend cependant ni de la volonté des parties, ni de la dénomination donnée à leur convention mais des conditions de fait, telles qu’elles vont être appréciées par le juge. La Cour de Cassation a ainsi par exemple requalifié en contrat de travail un « contrat de bénévolat » conclu entre la Croix-Rouge Française et des personnes effectuant une mission d’accompagnement de personnes isolées dans leurs voyages. Ayant constaté que les intéressés accomplissaient leurs missions sous les ordres et directives de l’association -donc avec un lien de subordination- et percevaient une somme forfaitaire dépassant le montant des frais réellement exposés, la Cour a estimé que le « contrat de bénévolat » masquait un véritable contrat de travail (Cass. Soc. Croix-Rouge Française 29 janvier 2002).
Le Haut Rhin en décidant sans condition de  faire dépendre l’attribution du RSA des 7 heures hebdomadaires de « bénévolat », « proposées/imposées», se situait plutôt donc dans un volontariat forcé que dans ce qu’il qualifiait indûment de bénévolat, Eric Straumann portait ainsi non seulement atteinte au principe de choix libre et gratuit, il accentuait aussi les risques potentiels de requalification, et aussi de contestations. 
Succédant en septembre 2017 à la tête du département du Haut Rhin à Eric Straumann, qui optait pour la députation, Brigitte Klinkert  quoique qualifiée « d’élue de l’ombre », semble plus encline à trouver pragmatiquement les réponses opportunes, dans la poursuite de la mise en œuvre d’une action dont elle met en avant les bénéfices pour tous.  
« Les dispositions de l'article L. 262-35 ne font pas obstacle à ce que, dans certains cas, le contrat,  -d’engagement réciproque-, élaboré de façon personnalisée, prévoie légalement des actions de bénévolat, à la condition qu'elles puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatibles avec la recherche d'un emploi, ainsi que le prévoit l'article L. 5425-8 du code du travail. », nous dit le Conseil d’Etat. Précisant que l’intéressé peut se voir privé de son RSA s’il « sans motif légitime (...) fait obstacle à l’établissement ou au renouvellement de ce contrat par son refus de s’engager à entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ».  Le Haut Rhin a exprimé « toute sa satisfaction ».
L’examen des arrêts des juridictions et du Conseil d’Etat, en particulier ces 10 dernières années témoigne de l’évolution des mentalités.
Tandis que la presse lapidaires, titre «  un bénéficiaire du RSA peut se voir demander du travail bénévole ! », le Mouvement Associatif  interroge « peut-on vraiment parler d’une autorisation de la pratique : bénévolat contre RSA » ? 
Certaines associations  tout en appelant à la vigilance se projettent sans tarder dans le futur : Le Compte Engagement Citoyenneté issu de  la loi Travail et la loi Egalité & Citoyenneté de décembre 2016 donne en effet la possibilité à toute personne de recenser ses activités bénévoles ou de volontariat pour acquérir des heures de formation sur son compte personnel d’activité.  L’UNCCAS  faisant le choix de la pédagogie «  ni automatique ni systématique, s’appuyant sur un contrat librement débattu, énumérant des engagements réciproques » insiste sur la notion de« contrat d’engagements réciproques »… 
En conclusion, la cour d’appel de Nancy, appelée à se prononcer à nouveau prochainement, pourra t-elle rester sur ses premières positions formelles?  
Enfin pour paraphraser Albert Camus : « Bien nommer les choses, ne serait-t-il pas un des moyens de contribuer au bonheur du monde »… ?

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