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Création d’emplois : ces erreurs politiques reprises par le nouveau monde qui font de la France la (quasi) lanterne rouge européenne
©ERIC PIERMONT / AFP

Mauvais classement

L'INSEE publiait les derniers chiffres des créations d'emplois pour le second trimestre 2018 en France en indiquant : "les créations nettes d'emploi salarié atteignent +12 000 après + 47 500 au trimestre précédent".

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Quelle est la réalité du tassement de la création en France au cours de ces derniers mois ?

Nicolas Goetzmann :Avec 12 5000 emplois créés lors de ce 2e trimestre 2018, l'économie française présente son plus mauvais résultat depuis le 3e trimestre 2015, c’est-à-dire depuis 3 ans. Au-delà du chiffre lui-même, c'est la rapidité de la chute qui est la plus marquante, parce que le dernier trimestre 2017 avait permis la création de 104 300 emplois, ce qui signifie que la dernière livrée signale effondrement de l'ordre de 88% en 6 mois, soit 91 800 emplois créés de moins.

Eurostat a pu confirmer ce chiffre avec sa publication de ce 11 septembre : la France  a eu un rythme annuel de création d'emplois de l'ordre de 0.8% entre le T2 2017 et le T2 2018, ce qui fait de la France le plus mauvais élève de la zone euro juste devant la Lituanie. La Grèce (1.5%), l'Espagne (2.2%), l'Allemagne (1.4%) et même le Royaume Uni du Brexit (1%) et l'Italie (0.9%) font mieux que la France d'Emmanuel Macron, alors qu'il s'agit de la première année complète à pouvoir être présentée par le nouveau président français.
Emmanuel Macron, après avoir été force de proposition de la ligne économique de François Hollande - on peut penser au CICE- se trouve dans une position qui rappelle celle de son prédecesseur. Celle de la certitude d'avoir entrepris les bonnes réformes, sans que les résultats n'apparaissent. Mais il ne faut pas oublier que c'est bien la poursuite de la même pensée économique qui est à l'oeuvre, seul le curseur change. C'est une forme de constance tragique qui consiste à mettre en place un ensemble de mesures ayant pour objectif de contenir l'évolution des salaires. Dans l'espoir que cette logique permette au pays d'être plus "compétitif" et de donner de meilleures marges aux entreprises pour que celles-ci investissent. Pendant que cette logique brille par son absence de résultats, et que les nouveautés budgétaires de 2017 empiettent sur le niveau de consommation, l'économie française continue d'évoluer selon le rythme de la politique macroéconomique européenne, principalement de la BCE. Sans que cela ne vienne perturber le réformisme velleitaire du gouvernement. 

Alors qu'Emmanuel Macron a été élu sur une promesse de rupture et de transformation en profondeur du pays, sur la base d'une rhétorique du nouveau monde, quels pourraient être les effets de ces résultats économiques sur les électeurs ? En quoi le narratif macroniste pourrait-il être particulièrement vulnérable à ce contexte ?

Le "narratif" présidentiel consiste à expliquer que les réformes mises en place prendront du temps à produire leurs effets. Mais nous ne sommes pas dans cette configuration, parce qu'un tel argument pourrait expliquer que la conjoncture ne connaît pas d’accélération, mais elle n'explique pas pourquoi les chiffres sont en chute libre, parce que c'est une véritable dégradation économique à laquelle nous assistons. De plus, on peut voir que l'Europe connaît un ralentissement dans son ensemble, mais cela n'explique pas pourquoi la France est en queue de peloton dans la zone euro, 18e sur 19 en termes de créations d'emplois sur la dernière année. Et ces résultats ne passeront pas non plus inaperçus à l'étranger ou l'image du "réformateur" risque d'en prendre un grand coup.
Nous passons d'une campagne électorale construite sur cette thématique de rupture pour en arriver à une conjoncture économique qui retombe dans la nasse que le pays connaît depuis une décennie, c’est-à-dire la sous-performance. La croissance de 2017 était de 2.3%, elle est aujourd’hui attendue à 1.7% par le gouvernement, mais même ce chiffres sera difficile à atteindre. Le gouvernement est donc pris à son propre jeu qui a consisté à tout baser sur la rupture économique. 
Dans de telles circonstances, la gauche pourrait compter une réforme sociétale pour apaiser son électorat, tout comme la droite pourrait s'appuyer sur des réformes concernant la sécurité, mais Emmanuel Macron n'existe pas réellement sur ces terrains. Il est donc particulièrement vulnérable à la conjoncture, ce qui se voit assez nettement dans les sondage.

Quels sont les risques de voir le gouvernement, comme cela a été reproché à Edouard Philippe dans sa présentation du budget 2019, contraint de se concentrer sur des ajustements d'urgence (comme le gel des retraites ou des aides sociales) correspondant plus à l'ancien monde qu'à cette promesse du nouveau monde ? Ne peut-on pas également voir au cours de ces derniers jours un glissement sémantique passant d'une promesse de nouveau monde à une lutte contre le "nationalisme" sur le terrain européen ?

Il y a peu de chances de voir l'équipe présidentielle douter du bien fondé de ses réformes, malgré les évidences. Par contre, ce vent contraire actuel peut commencer à effrayer le pouvoir en place concernant ses engagements, notamment en termes budgétaires. Lorsque l'on voit l'interview d'Edouard Philippe dans le JDD concernant les orientations budgétaires, on a pu constater que "le nouveau monde" revenait aux bonnes vieilles recettes du rabot. Ce qui change, c'est que le gouvernement passe sur un terrain défensif alors qu'il pensait pouvoir faire l'intégralité du quinquennat sur une tonalité offensive. Cela risque donc de se compliquer encore plus parce que le gouvernement va s'en doute y réfléchir à deux fois avant de formuler de grandes promesses.

Et évidemment, dans un tel contexte, la lutte contre le populisme devient une planche de salut inespérée pour Emmanuel Macron et pour le gouvernement, il est plus aisé de se présenter comme un recours contre les extrêmes ou le populisme que de prétendre incarner un nouveau monde de croissance et de plein emploi. Et nous retrouvons finalement les axes de campagne d'Emmanuel Macron, parce que ses électeurs du premier tour étaient des convaincus du macronisme économique qui s'additionnaient notamment à ceux à gauche qui voulaient éviter l'hypothèse d'un duel Fillon- Le Pen pour le second tour. Et pour le second tour, Emmanuel Macron a pu compter sur l'opposition à Marine Le Pen pour l'emporter. C'est donc sur ce thème qu'Emmanuel Macron est en train de basculer, fautes de résultats. 

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