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Le macronisme : "un libéralisme par l'Etat qui voudrait passer en force"
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Bonnes feuilles

Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a rebattu les cartes et changé la donne sur l'échiquier politique. Extrait du livre "Le Paradoxe du macronisme" de Luc Rouban, publié aux Presses de Sciences Po (2/2).

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Le macronisme a été étiqueté de plusieurs manières mais toujours en désaccord avec ce qu’il était ou produisait vraiment dans la vie politique. Le macronisme associe le retour de l’autorité à l’Élysée à la volonté de réinterpréter la Ve République dans le sens d’une recherche de l’efficacité et du résultat. Ce n’est cependant pas du gaullisme, car il est trop pro-européen et libéral et dépourvu du sens de la tragédie historique qui est aujourd’hui l’apanage, bien que dans des sens très différents, de la France insoumise et du FN. Mais ce n’est pas non plus du centrisme, car son électorat du premier tour est spécifique. Les sociaux-libéraux se situent à gauche de l’échelle gauche-droite et pas au centre. Ils ne s’identifient pas à l’électorat du MoDem qui se trouve être moins libéral tant sur le plan économique que sur le plan culturel. Et ce n’est pas de la technocratie à l’ancienne du simple fait qu’Emmanuel Macron est issu de l’inspection générale des Finances car la haute fonction publique n’a pas pris les commandes à la place des élus et n’a investi ni LREM ni les rangs de l’Assemblée nationale ni même ceux des entourages du pouvoir exécutif. Le macronisme, c’est l’idéologie managériale étendue au politique. C’est le rêve de tous les hauts fonctionnaires réformistes étant passés par le secteur privé après s’être épuisés à produire des rapports dont personne ne tenait compte : mettre en avant les décisions prises en petit comité et les exécuter sans trop tenir compte des débats parlementaires ni des réactions syndicales. C’est un libéralisme par l’État qui voudrait passer en force. Au demeurant, le projet de révision constitutionnelle de 2018 a bien pour objet de réduire la fonction tribunicienne du Parlement. C’est une nouvelle interprétation économiste de la Ve République qui la présidentialise encore un peu plus alors même que les élections de 2017 ont montré l’intensité des demandes pour une démocratie horizontale et participative.

À bien des égards, le macronisme, qui se présente comme une opération de rattrapage du temps que la France aurait perdu dans la quête d’une normalité européenne et libérale, arrive donc à contretemps et en décalage. Sa base sociale est étroite car il s’adresse non pas à la France des riches mais à la France des gagnants. Il ne permet nullement l’intégration des couches populaires dans le débat démocratique dont elles se séparent toujours un peu plus. Il ne résout pas la fracture sociale béante qui nourrit les populismes et ne fait pas disparaître le clivage gauche-droite. En voulant faire populiste, il a finalement fait élitiste.
Puiser dans la société civile et dans la véritable vie de l’économie l’a conduit à fermer comme jamais le recrutement social du personnel politique. Mais le macronisme constitue cependant le moment historique d’une confrontation sous-jacente à la vie politique française et qui ne se réduit pas à celle de deux visions de la démocratie ou à celle de la mondialisation et du souverainisme. Cette confrontation oppose deux anthropologies du pouvoir, deux systèmes de référence dans la construction de la légitimité. Ces deux anthropologies viennent organiser autant la question constitutionnelle que celle de la décentralisation ou des services publics. L’une est celle d’un pouvoir abstrait, désincarné, lointain, celui des chiffres et de l’économie, du raisonnement fut-il philosophique, l’autre celle du vécu et de la proximité physique, des pratiques professionnelles et des histoires locales, des affects et du ressenti. C’est en cela que le macronisme est un puissant révélateur politique.
Extrait du livre "Le Paradoxe du macronisme" de Luc Rouban, publié aux Presses de Sciences Po

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