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Excès d’eau : comment la surhydratation peut s'avérer dangereuse pour la santé
©DENIS CHARLET / AFP

Du bon usage de l'eau

La surhydratation est un risque moins connu mais qui peut s'avérer mortel. Que se passe-t-il dans notre corps lorsque nous ingérons une trop grande quantité d'eau ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : S'il est bien connu que s'hydrater pendant les périodes de forte chaleur est important, la surhydratation est un risque moins connu mais qui peut s'avérer mortel. Au cours des quatre dernières années, deux footballeurs lycéens en sont morts durant le mois d'août. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste une surhydratation ? Que se passe-t-il dans notre corps lorsque nous ingérons une trop grande quantité d'eau ?

Le principe de l'homéostasie et ses mises en défaut

Stéphane Gayet : L'homéostasie de notre corps (c'est son maintien dans un état permanent d'équilibre physiologique) est réalisée au prix d'importantes dépenses énergétiques. Ce qui signifie que rester en vie et en bonne santé nécessite un travail cellulaire et tissulaire de tous les instants. Cet équilibre est constamment menacé et les trillions de réactions biochimiques qui s'effectuent en permanence dans notre corps œuvrent en silence afin de le maintenir. Il arrive cependant que des circonstances trop violentes parviennent à mettre en défaut cette hémostasie. C'est ce qui se produit en cas d'intoxication sévère, de traumatisme grave, de maladie infectieuse généralisée… A chaque fois, il existe une possibilité au moins théorique d'évolution mortelle.
A propos des intoxications, tous les éléments qui sont indispensables à notre vie peuvent aussi nous tuer quand ils sont apportés en quantité massive. Chacun sait bien que l'eau, le glucose (sucre simple) et l'oxygène sont nécessaires à la vie des êtres aérobies que nous sommes. Or, leur excès peut se montrer mortel. Pour désigner l'excès de quelque chose en médecine, on a l'habitude d'employer le préfixe "hyper". On parle d'hypertension artérielle (pression excessive et dangereuse), d'hypersomnie (tendance à s'endormir dans la journée), d'hypercoagulabilité (le sang forme trop facilement des thromboses ou "caillots"), d'hyper-sensibilité (terme proche de celui d'allergie), d'hyperglycémie (trop de glucose dans le sang en cas de diabète déséquilibré), d'hyperoxie (excès d'oxygène, lors d'un accident de plongée sous-marine par exemple), ou encore d'hyperhydratation (excès d'eau dans le corps).

Dans quelles circonstances survient une hyperhydratation ?

En règle générale, une hyperhydratation ne survient pas spontanément. Elle est la résultante de plusieurs erreurs. Il peut arriver qu'elle soit iatrogénique (liée aux soins), chez un malade dans un état très grave et pour lequel des erreurs ont été commises lors de la réanimation hydroélectrolytique. Mais dans ce cas, il est habituel que l'on s'en rende compte à temps et que l'on parvienne à la corriger. En revanche, lorsqu'une hyperhydratation est consécutive à un excès d'ingestion d'eau, elle survient en dehors de tout milieu de soins et son évolution à court terme peut se montrer fatale. L'erreur en cas d'ingestion massive d'eau est double, liée pour partie à la composition de l'eau ingérée, pour partie au volume d'eau ingéré.

La composition de l'eau que nous buvons est déterminante

La composition de l'eau est l'aspect le plus important. Quand on parle d'eau de boisson, on utilise une formule abrégée. Car ce n'est pas seulement d'eau dont nous avons besoin, c'est d'eau et de sels minéraux : cela change tout. L'eau du réseau de distribution (eau appelée couramment "eau du robinet") est en France l'objet de traitements complexes. Car les eaux usées sont tellement polluées que leur traitement dans les stations d'épuration se doit d'être à un haut niveau de performance, étant donné les exigences élevées du décret portant sur les eaux destinées à la consommation humaine (eau dite "potable" : décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001, modifié par le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007). Fournir une eau dite "potable" est un peu devenu aujourd'hui la quadrature du cercle. Le résultat est qu'un grand nombre d'entre nous reçoit une eau chlorée (à cause des exigences microbiennes) et bien pauvre en sels minéraux. Si, comme cela est conseillé, nous mangeons beaucoup de légumes et de fruits, leur apport de sels minéraux compense la pauvreté de l'eau du réseau. Mais si nous buvons une grande quantité d'eau faiblement minéralisée et sans compléments en sels minéraux, nous pouvons nuire à notre santé, plus ou moins gravement.

Pourquoi avons-nous besoin de sels minéraux en plus d'eau ?

L'eau (H2O) est un fluide simple, un solvant neutre. Elle est partout dans notre corps et se déplace en permanence. Elle suit les mouvements des ions sodium (Na+). Nous perdons tous les jours de l'eau par notre urine, nos matières fécales, notre expiration ainsi que par notre transpiration. L'eau de notre urine sert à véhiculer les déchets, l'eau de nos matières fécales sert à leur éviter d'être trop dures et impossibles à éliminer, l'eau de notre expiration contribue à humidifier nos voies aériennes et celle de notre transpiration intervient dans la régulation thermique (l'évaporation de la sueur entraîne un refroidissement de la peau). Il faut donc compenser chaque jour cette perte d'eau qui s'accompagne obligatoirement d'une perte de sels minéraux et notamment de sodium (sel) qui est l'ion essentiel du métabolisme de l'eau avec l'ion chlorure (Cl-) et l'ion potassium (K+). Une personne qui ne boirait que de l'eau pure (H20 sans aucun sel minéral : eau distillée) et sans autre apport de sels minéraux deviendrait rapidement et gravement malade, jusqu'à en mourir.
En cas de forte chaleur, nous perdons par notre sudation de l'eau ainsi que des ions Na+ et Cl-, en plus d'autres sels minéraux. Il est donc indispensable de compenser à la fois la perte d'eau et celle de chlorure de sodium (Na+ Cl- ou NaCl ou sel ordinaire).

En quoi consiste une hyperhydratation ?

Une hyperhydratation est une intoxication par l'eau pure (H2O). Un apport massif d'eau pure ou en réalité très pauvre en chlorure de sodium entraîne une dilution du chlorure de sodium (sel indispensable à la vie) qui se trouve déjà dans le compartiment liquidien extracellulaire de l'organisme (le sang, la lymphe, les sérosités et les liquides interstitiels dans lesquels les cellules baignent). Cette dilution du chlorure de sodium dans le compartiment liquidien extra-cellulaire se traduit par une baisse de la concentration en ions sodium, notamment dans le sang ou plutôt le sérum (hyponatrémie). Nous savons que l'eau suit les ions sodium (Na+). Spontanément, au travers d'une membrane dite semi-perméable, comme la membrane des cellules (membrane plasmique), l'eau diffuse de façon à équilibrer les concentrations en Na+ de part et d'autre : elle diffuse du compartiment le moins concentré en sodium vers celui qui est le plus concentré en sodium. Une hyponatrémie provoque de ce fait un passage massif d'eau vers le compartiment hydrique intracellulaire et les cellules se trouvent donc inondées d'eau pure (H2O) : c'est une hyperhydratation intracellulaire, c'est elle qui fait toute la gravité de cet accident métabolique. Les cellules gonflées d'eau souffrent et finissent par mourir si elles sont fragiles (cellules cérébrales notamment).

Atlantico : Quels sont les signes avant-coureurs d'une surhydratation ? Comment l'anticiper ?

Les principaux signes et symptômes sont ceux d'une souffrance cérébrale par œdème des cellules nerveuses (gonflement des neurones) : nausées et parfois vomissements, troubles de l'équilibre, mal de tête (céphalées), ralentissement psychique, troubles mnésiques (de la mémoire), asthénie (fatigue), dégoût de l'eau, absence d'appétit et crampes musculaires.
A un stade de plus, apparaissent des convulsions et un coma (perte de connaissance).
Les reins, qui en principe assurent la régulation de la concentration en ions sodium et donc de la teneur en eau de l'organisme, voient leur capacité régulatrice dépassée lorsqu'il existe une ingestion massive d'eau sans sel. Ils ne suffisent pas à corriger le trouble métabolique.
Il est essentiel d'avoir à l'esprit le volume d'eau approximatif que l'on absorbe dans la demi-journée. Quand il est manifestement excessif (deux litres et plus dans une demi-journée) et que surviennent une fatigue anormale, des nausées, des céphalées, un ralentissement de la pensée, des troubles de l'équilibre et des crampes, il faut penser à une intoxication par l'eau. La mesure salvatrice consiste à absorber une grande quantité de chlorure de sodium (sel de cuisine) dilué dans très peu d'eau. C'est la mesure que l'on met en œuvre en réanimation, cependant par voie veineuse (on utilise du sérum salé hypertonique à 3 %). Mais surtout pas de diurétique qui aggrave le manque de sel. Il faut évidemment être préventif : boire de l'eau bien minéralisée, ainsi que des fruits et protéines (ces dernières se transforment en peptides qui, une fois dans le compartiment extracellulaire, limitent, grâce à leur pouvoir osmotique, le passage d'eau vers l'intérieur des cellules).

Atlantico : Dès lors, en période de forte chaleur et durant une pratique sportive, quelle attitude adopter ? Comment s'hydrater sans risque ?

Il est important de connaître le risque d'intoxication par l'eau. Cela se voit également dans certains troubles comportementaux (la potomanie qui consiste à boire énormément d'eau et la polydipsie psychiatrique, observée lors de certaines formes de schizophrénie).
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'ingestion d'eau sans sel est dangereuse. Il est utile de boire en cas de forte chaleur une eau riche en chlorure de sodium (comme les différentes eaux minérales de : Vals, Parot, Rozana, Saint-Diéry, Sainte-Marguerite, Arvie, Volvic, Cilaos…).
La peur de consommer trop de sel n'est pas fondée quand il faut chaud : au contraire, c'est une nécessité. Les Touaregs et les autres peuples du désert le savent bien : ils consomment suffisamment de sel (chlorure de sodium), car c'est indispensable pour pouvoir lutter contre la déshydratation ainsi qu'éviter l'hyperhydratation. Le sel permet de maintenir au maximum l'eau dans le compartiment extracellulaire.
Sauf exception, on ne meurt pas d'une poussée hypertensive (excès éventuel d'ingestion de sel), mais on peut mourir d'un manque de sel. Ainsi, lorsqu'il fait très chaud, il est préférable d'ingérer trop de sel que pas assez.
L'apport de chlorure de sodium peut également provenir des légumes et des fruits, ainsi que des produits carnés qui de plus apportent des protides contribuant à freiner le passage d'eau vers l'intérieur des cellules (pression osmotique du compartiment extracellulaire permettant d'y retenir l'eau).
Il faut également, c'est évident, rester raisonnable dans sa consommation d'eau : boire de l'eau en quantité suffisante pour un sportif ne signifie pas se gaver d'eau. Une sudation très importante survenant lors d'un effort physique sportif ne justifie pas de boire un litre et demi d'eau. La sueur perdue pendant un violent effort dépasse rarement un demi-litre et c'est déjà un volume important. On peut aussi se faire une idée de son besoin en eau en observant la concentration de son urine. Mais comme en toute chose, il faut rester raisonnable, c'est tout.

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