Républicains, En Marche, ou PS... pourquoi les européennes seront des élections à haut risque pour tous les partis<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Républicains, En Marche, ou PS... pourquoi les européennes seront des élections à haut risque pour tous les partis
©FREDERICK FLORIN / AFP

Déjà décisif

Dans 9 mois, les Européens devront élire de nouveaux députés. Mais les problèmes pour les partis pourraient intervenir avant même d'avoir à mettre un bulletin dans l'urne...

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »

Atlantico : Les élections européennes se tiendront au mois de mai 2019. Si certain comme la France Insoumise (FI) et Europe Écologie Les Verts (EELV) ont déjà leurs listes, certains semblent avoir plus de mal à se décider. C'est le cas de Républicains (LR) et du Parti socialiste (PS) notamment. L'un doit avancer avec les propos relativement eurosceptique de son leader Laurent Wauquiez, l'autre peine à exister politiquement. Pourquoi les candidats aux Européennes ont-ils du mal à émerger dans ces partis ? 

Christophe Bouillaud : Dans les deux cas, pour ces deux partis de gouvernement, il y a deux problèmes à résoudre. 

Premièrement, aussi bien le PS que LR ont une ligne ambigüe sur les affaires européennes. Leurs dirigeants depuis les années 1990 sont en pratique des participants loyaux aux majorités politiques qui gèrent l’UE, mais leurs électorats respectifs restent divisés sur la question européenne. De fait, il existe du coup un espace pour des minorités de dirigeants dans chaque parti prêts à en profiter pour s’affirmer contre leurs pairs mieux placés, ou bien des partis proches par l’idéologie jouant cette critique de l’Europe pour concurrencer le bloc dirigeant du parti principal. LR doit ainsi ne pas oublier qu’il existe DLF, et le PS doit affronter sur ce terrain européen les Insoumis et aussi Génération(s) de B. Hamon.

L’euroscepticisme affiché de L. Wauquiez complique ce schéma classique, dans la mesure où cette fois-ci c’est le chef des LR lui-même qui prétend jouer le jeu habituel de la minorité et des concurrents. Cela revient à sortir de cette ambiguïté, et l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment quand on veut rassembler. Certes, en préemptant les thèmes des eurosceptiques de droite, il pense contrer leur concurrence. Mais il risque de perdre des électeurs au profit de LREM. De fait, toute une partie des Républicains ne veut surtout pas être limité à l’euroscepticisme de peur de perdre les électeurs centristes et libéraux. Symétriquement, la situation est la même au PS, où « l’Europe sociale » est le Godot qu’on attend vainement depuis les années 1970, et que les duettistes de la France insoumise et de Génération(s) proposent de nouveau aux électeurs de gauche sous une forme prétendument durcie (« plan B », etc.)

Deuxièmement, au-delà de la question de la ligne politique à adopter, il y a le rôle de l’élection européenne comme test de popularité pour celui qui la mène. Avec le retour de la circonscription nationale unique, la tête de liste sera très exposée, et elle sera rendue responsable du succès ou de l’échec du parti. Les deux leaders de LR et du PS sont installés de manière fragile à la direction de leurs partis respectifs. Ils ne peuvent donc pas se permettre un échec électoral qui rouvrirait le jeu. Il faut donc, par prudence, envoyer des seconds couteaux à la bataille, mais, là encore, le risque est que ces remplaçants se révèlent si nuls que leur nullité soit tout de même imputée à la direction. Le PS en particulier manque d’une tête de liste crédible, et certains chevaux de retour qui proposent actuellement leurs bons et loyaux services risquent d’emmener le PS par le fond. 

LREM, LR, PS, FI, RN… Chacun joue très gros sur ces élections. Qui a le plus à perdre aux Européennes 2019 ? Et qui a le plus à gagner ? 

Tous voient cette élection européenne comme importante, car elle déterminera largement leur rôle dans les années suivantes. Cela vaut bien au-delà de la liste des partis les plus importants. Les partis pour lesquels cette élection européenne reste la plus déterminante sont ceux qui n’ont pas ou peu d’implantation locale : le RN, DLF, EELV, FI, Génération(s) – des partis d’opposition au niveau national et sans beaucoup de fiefs locaux-, et LREM et le Modem – les deux partis au pouvoir au niveau national, sans disposer pourtant une implantation locale si importante que cela. Avoir des élus européens permet tout simplement de faire vivre des cadres politiques, et d’intervenir dans une arène politique parlementaire non dénuée d’importance. Inversement, le PS et LR bénéficient encore d’un extraordinaire patrimoine d’élus locaux et régionaux. Si, d’aventure, ils étaient défaits en 2019 aux européennes, ils pourraient encore se refaire aux municipales de 2020. Pour les autres partis, une défaite en 2019 augurerait mal de leur avenir municipal en 2020. 

Au-delà de cette considération valable pour tous les partis, il me semble que c’est surtout LREM et le Modem qui ont à gagner ou à perdre à cette élection européenne. Le vote des européennes de 2019 permettra de savoir si le centre pro-européen et libéral  qu’ils entendent incarner reste toujours aussi populaire qu’en 2017 dans l’électorat français. Or ils seront plutôt favorisés par un scrutin européen qui attire traditionnellement plutôt leur électorat pour ainsi dire habituel (électeurs aisés et éduqués des grandes métropoles pro-européennes) – une contre-performance, moins de 20% de l’électorat, serait donc vue comme un échec cuisant, pour ne parler d’un éventuel dépassement par LR ou RN, qui serait le début du naufrage du « macronisme ». 

Quels seront les principaux débats qui donneront le ton de ces élections ? 

Au-delà du jugement général sur les deux premières années de la Présidence Macron (état de l’économie, réformes faites, etc.), il est probable que les questions d’immigration, d’identité nationale et de souveraineté tiennent une grande place. Cela serait en effet bien étonnant que la France échappe à l’ambiance générale en Europe sur ce point. Cependant, tout événement majeur économique, social, ou environnemental, intervenant d’ici là peut donner sa tonalité aux débats du printemps prochain. Il est trop tôt pour en juger. Qui sait par exemple où nous aura mené d’ici là la politique de Donald Trump en matière de (dé-)régulation globale ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !