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Ces risques que prendrait Emmanuel Macron s’il n’arrivait pas à convaincre les parlementaires lors de son discours à Versailles
©REGIS DUVIGNAU / POOL / AFP

Tirs croisés

Emmanuel Macron se présente devant le Congrès ce 9 juillet. Quels sont les principaux enjeux institutionnels de ce discours à la veille de la présentation du projet de loi constitutionnelle devant l'Assemblée ?

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : Alors qu'Emmanuel Macron s'apprête à se présenter devant le Congrès ce 9 juillet, et après avoir repoussé l'annonce de son plan pauvreté, initialement évoqué, quels seront les enjeux institutionnels de ce discours à la veille de la présentation du projet de loi constitutionnelle devant l'Assemblée ? 

Didier Maus : Le 3 juillet 2017, au tout début de son mandat, juste après l’élection d’une Assemblée nationale largement acquise à sa cause, Emmanuel Macron s’est exprimé devant le Congrès du Parlement à Versailles pour présenter les lignes de force de la politique qu’il avait l’intention d’impulser avec l’aide du gouvernement d’Édouard Philipe. Il avait clairement indiqué qu’il avait l’intention de revenir tous les ans, à peu près à la même époque, devant les députés et les sénateurs pour faire le point de l’année écoulée et, évidemment, évoquer les mois à venir. 
Cette possibilité, permise depuis la modification en 2008 de l’article 18 de la Constitution, constitue une véritable innovation dans la vie politique française. Pour autant, elle n’est que la confirmation du rôle dominant du Président de la République et, par conséquent, de la position subordonnée du Gouvernement. Certes l’article 20 de la Constitution dispsoe toujours que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », mais, en période de présidentialisme majoritaire, il faut admettre, comme l’ont énoncé d’une part le général de Gaulle, d’autre part François Mitterrand, que le Premier ministre et les ministres ont d’abord pour tâche de mettre en œuvre les choix politiques retenus par les Françaises et les Français au moment de l’élection présidentielle. Certains peuvent regretter cette situation, mais elle s’impose comme une évidence politique et constitutionnelle.
Concrètement, le discours du président Macron à Versailles  se présente d’abord comme la suite de l’engagement qu’il avait pris l’an dernier. Il devra nécessairement présenter un bilan de « un an de politique ». Il y a déjà de quoi parler un bon moment. Ensuite il devra présenter les principales réformes à effecteur d’ici l’été 2019. Au vu d’un certain désenchantement de l’opinion publique c’est là l’enjeu le plus important. Un discours à Versailles n’est pas équivalent à une émission télévisée, mais le bilan médiatique des interventions du printemps (le 12 avril sur TFI, 15 avril sur BFM) n’a pas rempli toutes les attentes. La formule « discours à Versailles » est bien balisée et contrôlée. Néanmoins, elle peut s’avérer négative si son contenu est trop banal ou prudent. Le risque est réel.
Par rapport à la réforme de la Constitution en cours d’examen par le Parlement, le Président de la République peut soit indiquer qu’il fait confiance au débat parlementaire, lequel d’ouvre le lendemain à l’Assemblée nationale, pour trouver un consensus, soit insister sur ses priorités et élever quelque peu la voix face à l’attitude plus que réservée de la majorité sénatoriale. Pour M. Macron, il s’agit d’un enjeu stratégique. Les syndicats n’ont pas réussi à bloquer les réformes du code du travail ou des chemins de fer, mais la réforme des institutions est d’une autre nature. L’article 89 de la Constitution donne au Sénat la possibilité de faire échouer le volet constitutionnel du projet et, probablement par voie de conséquence, les aspects organiques et législatifs, dont la réduction du nombre des parlementaires. Un succès des ces réformes ne garantit pas un regain de popularité pour le Président, un échec ne peut que contribuer à affaiblir sérieusement M. Macron à un an des élections européennes. Ici, la « nouvelle politique » passe par des procédures et des comportements qui, aux yeux de certains membres de la majorité, relèvent de la « politique d’hier », mais il ne faut jamais top s’éloigner des contraintes de l’arithmétique parlementaire.

En quoi ces "avancées" institutionnelles sont elles en mesure de répondre aux attentes des Français ? 

Il n’est nullement prouvé qu’il existe une véritable attente des Françaises et Français au regard des propositions institutionnelles  en discussion. Certes, le processus de réforme pourrait aller plus vite, mais depuis un an le Parlement (Assemblée nationale et Sénat réunis) n’a jamais constitué un obstacle de taille pour l’adoption des projets de réforme du Gouvernement. Les exemples du code du travail et des chemins de fer montrent même qu’il a été possible de trouver un accord entre les majorités de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il ne faut pas généraliser (par exemple il n’y a pas eu d’accord sur la loi relative à la maitrise de l’immigration), mais les procédures législatives ont parfaitement fonctionné. Ceux qui se plaignent d’un nombre trop important d’amendements oublient trop rapidement qu’ils seront, peut-être un jour, dans l’opposition. Prendre le temps de débattre fait partie de l’ADN de la démocratie.

Quel est le risque que cette réforme constitutionnelle devienne plus une réforme institutionnelle et donc purement technocratique?  Si cet écueil se confirme, le gouvernement n'enterre-t-il pas l'idée d'un renouveau démocratique tant promis ?

Le renouveau démocratique est une notion très difficile à définir. Il doit concilier la tradition avec les possibilités des nouvelles technologies, en particulier celles de l’économie numérique. Il n’existe pas d’alternative à la formation de la loi, c’est-à-dire à la création d’une norme juridique collective et obligatoire, par la confrontation des opinions, le respect de la diversité politique et le vote par les parlementaires au terme d’un débat public, sincère et équitable. Le contraire s’appelle la dictature et, sous sa forme modérée, le despotisme éclairé. À partir de cette constante, d’innombrables modifications et améliorations sont possibles. D’ores et déjà, le recours aux merveilleuses innovations de l’internet permet à tout à chacun de prendre connaissance des projets et propositions de loi, de suivre quasiment en direct les étapes de la procédure parlementaire et de donner son avis. Les groupes de pression, quels que soient les intérêts qu’ils expriment, ont parfaitement  compris comment ils peuvent utiliser ces immenses possibilités. Il serait paradoxal que les citoyens demeurent en retrait.
Ouvrir de plus larges espaces de dialogue, recueillir de multiples avis, confronter des points de vue opposés ne peut qu’améliorer le résultat final. Il n’en demeure pas moins que seule une décision prise par la majorité issue des urnes dans le respect des règles constitutionnelles est compatible avec la démocratie, l’État de droit et les libertés fondamentales

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