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Convention LR sur l’Europe : 5 petits conseils de lecture (immodestes mais précieux) à l’heure de se forger une nouvelle doctrine
©ERIC FEFERBERG / AFP

Inspiration

Alors que s'ouvre la convention des Républicains ce samedi 30 juin 2018, voici quelques pistes bien utiles pour Les Républicains.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Dani Rodrik

Dani Rodrik décrit de manière générale et originale le problème de la mondialisation en tentant d'observer les interactions existantes entre les phénomènes économiques et les dynamiques politiques. Sa thèse suppose que la globalisation est allée trop loin – à partir de la fin des années 2000 – Il l'illustre à l'aide de la représentation du triangle reprenant les points suivants : une intégration économique performante, une autonomie politique à échelle étatique ainsi que la mise en place d'institutions démocratiques. L'idée principale réside dans le fait que ces trois ensembles sont difficiles à faire fonctionner car le problème de  fond est le suivant : s'il y'a une trop forte intégration économique, alors celle-ci finira par imposer, par prendre la priorité sur des règles originellement prise à une échelle moindre, à échelle locale. Un exemple précis : si vous souhaitez mettre en œuvre de l'intégration économique cela doit se décider entre plusieurs pays, mais si par exemple vous accordez cette alliance entre les Etats-Unis et l'Europe un enjeu se pose : celui des normes de consommation (aux EU on consomme de la viande aux hormones et autres OGM, en Europe c'est interdit). Si nous souhaitons une intégration économique performante bilatérale, que les marchandises produites dans chaque territoire s'échangent facilement et librement, forcément, un des deux pays aura à modifier sa législation, ses normes et ses règles. Or le peuple ne souhaite pas modifier ces règles car celles-ci ne répondent pas toujours à des logiques économiques et abstraites, elles ont une conséquence directe sur les modes de consommations et surtout sur la vie des gens, parfois viscéralement attaché à certaines règles.
Pour le gouvernement, deux possibilités s'imposent : soit abandonner la démocratie et garder une forme d'autonomie gouvernementale qui ne répond plus de la souveraineté populaire mais de son propre libre arbitre ou alors il choisira la démocratie, et le seul moyen de la préserver c'est de renoncer à l'autonomie politique et de placer l'Instance démocratique à un niveau supranational.
Et de par ce triangle, précédemment évoqué, qui illustre la confrontation entre trois ensembles, Rodrik montre que l'Europe est prise dans ce "trilemme" car elle dispose des moyens pour améliorer son intégration économique même si plusieurs défis se posent à elle. Dans le même temps les gouvernements souhaitent disposer d'une dose d'autonomie et de pouvoir discrétionnaire. Les seuls issues démontrés par Rodrik pour résoudre les enjeux auxquels l'Europe se confronte sont la constitution d'un État européen démocratique dans lequel les volontés d'autonomie nationale seraient très restreintes ou alors il faudra forcément renoncer à une dose non négligeable d'intégration économique.
Cette contradiction est au cœur des problèmes européens modernes. 

Branko Milanovic

Branko Milanovic est un économiste spécialisé sur la question des inégalités. Il est célèbre pour avoir créé le graphique dit "de l'éléphant" qui montre, dans l'ère de la mondialisation, qui ont été les gagnants et les perdants. Ce qu'il constate ce sont deux grandes catégories de gagnants : les nouvelles classes moyennes des pays pauvres (la population chinoise, indonésienne, indienne qui sont passées d'un état de pauvreté abjecte à un niveau de revenu correspondant au niveau de revenu moyen mondial soit 10 mille dollars par an par habitant) ce qui est un progrès social énorme pour les pays pauvres qui se sont rapidement enrichis grâce à la mondialisation. Les autre gagnants sont les très riches, les détenteurs du capital mondialisé. Ce phénomène a amélioré la rémunération de leur capital. Les compétences rares ont pu bénéficier d'une prime importante de rémunération. Ceux n'ayant en revanche peu ou pas bénéficié de la mondialisation sont les classes moyennes des pays riches des années 80 (Europe, Etats-Unis) qui ont subi d'un côté la concurrence et la pression salariale des classes moyennes des pays pauvre. On a observé une pression à la baisse sur les salaires par le biais les délocalisations. De plus, l'évolution technologique a eu le même effet : les revenus des classes moyennes n'ont pas beaucoup augmenté : le résultat est que de dans cette situation, l'adhésion à la mondialisation des classes moyennes des pays riches a commencé à diminuer. On l'observe avec la réémergence des mouvances populistes en Europe sur la base d'un rejet profond de la mondialisation, de ses effets et à l'état des choses. Car les classes moyennes des pays riches ont le sentiment que les élites de leur pays se sont appuyés sur les classes moyennes et les habitants des pays pauvres contre eux, pour qu'au final, ces classes moyennes des pays riches en payent le prix.
Milanovic consacre son prochain livre traitant des inégalités à la manière dont on pourrait éventuellement essayer de conserver les bienfaits de la mondialisation par la constitution et l'enrichissement d'une classe moyenne et la réduction de la pauvreté au niveau mondial dans un accord qui soit soutenable et acceptable pour les classes moyennes des pays riches.

Rawi Abdelal

Rawi Abdelal est un auteur de faible notoriété en France. Il explique de manière très précise le processus d'invention de la mondialisation financière telle que nous la connaissons aujourd'hui et pose la question suivante: comment se fait-il que la mondialisation financière soit dans l'état dans lequel elle se retrouve aujourd'hui ? Pour l'expliquer, il a une première histoire qui est celle qui celle de la révolution Thatcher-Reagan qui imposa le libéralisme comme norme. Mais dans le domaine financier, les Etats-Unis et la Grande Bretagne détenaient déjà une place de premier rang, de fait ils n'avaient pas forcément besoin de plus d'intégration financière mondiale : Londres et New York étaient déjà les places fortes de la finance internationale.  
Ce qu'écrit Abdelal, c'est que ceux qui ont poussés à l'intégration financière internationale  - et cela peut paraître étonnant – ce sont les fonctionnaires français qui occupaient des postes au ministère des finances durant les réformes mitterrandiennes de 1983. Car dans ce contexte de renoncement de la France a une autonomie politique au bénéfice de la construction européenne, ces fonctionnaires n'avaient en tête la seule idée que la France ne pourrait continuer de rayonner et de peser sur la scène internationale qu'en s'intégrant à la mondialisation financière mondiale et à décider de ses modalités de manière tout autant mondiale. Ce faisant et par le vecteur du FMI et de l'unification européenne, ils ont créé un très haut degré d'ouverture financière en disant que quand le monde aura connu un bouleversement, il y aura de nouvelles règles pour lesquelles, d'un certain point de vue, nous nous retrouverons libérés de la pression exercés par les britanniques
Une autre contrainte se présentait : le financement du modèle social français. Ils estimaient que l'on ne pouvait plus se contenter du marché intérieur français, exigeant de fait une intégration au marché supranational. Dans leur esprit le seul moyen de combler les éventuels déficits publics dus au financement de ce modèle était le passage vers l'intégration financière.
Ce que montrera Rawi Abdelal, c'est que ces deux volontés de peser au niveau international en inscrivant dans nos constitutions des règles néo-libérales ainsi qu'en tentant de sauver notre traditionnel État Providence en ouvrant le "rachat" de la dette publique aux marchés internationaux, n'est pas le résultat d'un processus idéologique mais plutôt d'un phénomène politique.

Alesina et Glaeser

Alesina et Glaeser ont travaillé sur la question suivante : Quelles sont les raisons de la très faible présence d'un État Providence aux États Unis par rapport à sa forte présence dans les constructions sociétales européennes ?
L'explication du faible développement de l'état providence aux États Unis porte sur un certain nombre de facteurs : l'hétérogénéité du pays, sa diversité culturelle et la diversité des origines des habitants qui le composent auraient réduit, selon les auteurs, la légitimité et l'importance du système social. Dans leur esprit, lorsqu'un pays est divisé en différentes communautés, en différents groupe hétérogènes (la communauté italienne, la communauté asiatique, communauté est-européenne, la communauté WASP et la communauté afro américaine), un argument fortement repris qui obstruerait l'émergence d'un état providence est de dire que l'état providence VOUS prélève des impôts pour donner des prestations aux "Autres". Par là ils entendent les autres communautés : le discours est "on fait payer les blancs pour que cela bénéficie aux noirs" qui font très généralement parti des classes populaires par exemple. Mais encore, on va prélever des impôts auprès des irlandais pour soutenir les italiens plus pauvres. C'est le principal argument politique qui a limité la possibilité d'envisager un état providence puissant aux États Unis. Ils constatent de plus que dans les États américains les plus homogènes ethniquement et culturellement parlant, ce sont les États dans lesquels les prestations sociales sont les plus développées ce qui n'est pas le cas dans ceux qui sont le plus hétérogènes.
Leur idée, pour poursuivre, est de souligner le fait qu'en Europe les États qui se sont constitués sont très majoritairement homogènes dans leur population et par conséquent ce type d'argument ne pouvait avoir du crédit. Si on dit aux suédois qu'on leur prélève des impôts, ils auront comme réponse celle de la légitimité de ce système car il redistribue "à ma grand-mère" ou "à mon voisin".
Leur argument consiste à dire que dans le contexte de diversification croissant des sociétés européennes, le modèle communautaire et concurrentiel américain commence peu à peu à gagner en importance. La politique de l'État Providence perd en légitimité et en crédibilité. L'argument du "L'état providence c'est pour les autres" gagne de plus en plus de points

Martin Sandbu

Martin Sandbu et "l'orphelin de l'Europe". Cet ouvrage recense toute la crise récente européenne, reprenant de fait le déroulement de la crise grecque, l'opposition entre les pays du cœur de l'Europe et les pays périphériques. Le récit s'articule dans un premier temps entre le récit de la crise et de l'analyse de la compréhension de cette crise. Ce qui permet de saisir avec du recul les facteurs précurseurs de cette crise ainsi que la ré explication et la description de tous les arguments employés lors de la construction européenne notamment sur la réelle efficience du système monétaire européen dans son caractère optimal, sur la possibilité –nouvellement atteinte- de la création d'un budget harmonisé européen, ou encore sur la question du degré nécessaire d'intégration économique des États.
Il constate que la construction européenne est en réalité un mécanisme beaucoup plus flexible qu'on ne le pense. Quand on met en exergue le fait que l'on soit contraint par la rigidité des règles, d'autres règles démontrent le contraire. Quand Mario Draghi a sorti l'union européenne de la crise en interprétant les règles d'une certaine manière , on s'aperçoit que cette possibilité de flexibilité a toujours été présente. Il montre de plus que la crise européenne n'est pas seulement une crise structurelle - soit une crise liée au fonctionnement et à la structure de ses fondations - mais est avant tout une crise politique. Il pointe de plus toutes les erreurs politiques qui ont menés à la situation compliquée et contraignante dans laquelle l'union européenne se retrouve confrontée. Il finit toutefois par une lueur d'espoir en émettant la thèse qu'il existerait un agrégat de politiques qui pourrait être menées et nous permettraient de sortir par le haut de ce qui semble être aujourd'hui un carcan européen.

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