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"L’application actuelle de la légitime 
défense crée un déséquilibre 
entre le voyou et le policier"
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Police secours

Nicolas Sarkozy a annoncé ce jeudi la mise en place d'une mesure de présomption de légitime défense pour les policiers et les gendarmes. Cette annonce fait suite à la mise en examen pour "homicide volontaire" d'un policier ayant abattu un braqueur multirécidiviste. L'avis de Bruno Beschizza, le "Monsieur sécurité" de l'UMP.

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza est conseiller régional d'Île-de-France, élu en mars 2010 en Seine-Saint-Denis et Secrétaire National de l'UMP à l'emploi des forces de sécurité.

Avant 2010, il était commandant fonctionnel de Police, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers.

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Atlantico : En réaction à la mise en examen d’un policier pour homicide volontaire, Nicolas Sarkozy propose de mettre en place une présomption de légitime défense pour les policiers et les gendarmes. En quoi cela consisterait-il précisément ?

Bruno Beschizza : Le président n’est pas rentré dans les détails. Cette proposition est liée à un fait : samedi soir, un individu jette une grenade qui s’avère aujourd’hui factice mais qui, sur le moment, pouvait paraître particulièrement dangereuse. L’individu, à 28 ans, avait tout de même 11 condamnations pénales pour des crimes et délits. Le policier riposte en tirant plusieurs fois, en état de légitime défense. L’autopsie montre par la suite qu’il a reçu une balle dans le dos. Les journalistes en déduisent qu’il a été abattu dans le dos. Non : c’est l’enquête qui doit statuer comment tout cela s’est déroulé.

Traditionnellement, lorsqu’il y a mort d’homme, on invoque la légitime défense. Les policiers sont entendus et souvent mis en garde à vue voire mis en examen généralement pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intentionnalité ». Bizarrement, dans ce cas présent, on évoque un « homicide volontaire ». En choisissant cette qualification, le magistrat instructeur de Bobigny est dans un registre très particulier qui laisse apparaître une vraie présomption de culpabilité sur la tête des policiers. D’où un mouvement de colère de la part de ceux-ci.

Le tribunal de Bobigny, à l’origine de la mise en examen, a une réputation bien singulière. Il est connu pour appliquer systématiquement la présomption d’innocence, ce qui est normal, mais surtout la culture de l’excuse envers les voyous. Par contre, lorsque l’on est policier, c’est le contraire. Mercredi soir, les syndicats de police ont été reçus par le ministre de l’Intérieur.

Nicolas Sarkozy, en tant que candidat, a fait ces propositions au Raincy. Il rencontrera encore les policiers jeudi après-midi, cette fois en tant que chef de l’Etat. Il s’agit de constater qu’il y a, aujourd’hui, un problème dans l’application de la légitime défense qui crée un déséquilibre entre le voyou et le policier.

Cette mesure n’a rien de spectaculaire. Elle ne change rien aux modes d’emploi de la légitime défense : réaction à une menace immédiate envers soi ou envers autrui avec une réponse proportionnée à l’agression. Tout ce que l’on change, c’est que l’on considère le policier qui l’utilise comme étant à priori innocent. Ensuite il y a une enquête. C’est là que, le cas échéant, on statue sur le contraire. C’est l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui.

Pourquoi ne pas tout simplement laisser la justice faire son travail et se poser la question de la culpabilité possible de ce policier dans cette affaire ?

Personne ne remet en cause la garde à vue. Il n’y a jamais de manifestations pour des gardes à vue. Personne ne refuse qu’un policier ait à s’expliquer devant un juge d’instruction. La différence ici, c’est la mise en examen d’une part et, d’autre part, la qualification en « homicide volontaire ».

En tant qu’homme politique, d’autant plus dans un contexte d’élection, je me dois d’entendre mes concitoyens. Certains journalistes s’inquiètent en voyant dans cette proposition une attaque envers la justice. Mais quand on a 6 millions de Français qui votent Front national, quand on a des policiers en Seine-Saint-Denis qui sont blessés tous les jours parce qu’ils vont défendre des honnêtes gens, et bien je ne m’interdit pas de dire qu’il y a en Seine-Saint-Denis des juges rouges qui appliquent la justice à priori pour défendre les voyous et qui, dès qu’ils ont un flic entre les mains, s’accordent un petit plaisir personnel.

Une telle mesure changerait-elle quelque chose ? Est-ce de cela dont les policiers ont besoin pour mieux faire leur travail ?

Tirer sur quelqu’un, ce n’est jamais facile. Nous ne sommes pas sur du papier. C’est une mesure de droit qui doit protéger les policiers. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’enquête mais de ne pas stigmatiser le policier ayant fait usage de son arme comme l’affreux de service.

Je relie cette affaire au drame du 14 octobre 2011, lorsqu’une jeune gardienne de la paix s’est fait abattre à la préfecture de Bourges. Je reste convaincu, à titre purement personnel, qu’elle n’a pas osé sortir son arme face à l’individu armé d’un sacre qui l’a tuée. Il y a, chez beaucoup de policiers, un vrai traumatisme face à l’obligation de décrire l’action ensuite. Cette suspicion qui pèse sur eux est palpable.

Cette simple mesure de droit qui n’a rien de révolutionnaire, c'est un signal envoyé aux policiers pour leur signifier que nous leur faisons confiance à priori. Après, il y a aussi de vrais accidents et de vrais mauvais usages de la légitime défense. Dans ces cas, les policiers pourront être poursuivis voire condamnés. Mais le climat sera très différent.

Justement, cette mesure ne risque-t-elle pas d’avoir l’effet inverse ? Les policiers ne risquent-ils pas d’être tentés par un usage plus systématique et moins réfléchit de leurs armes ?

Il ne s’agit pas de donner un permis de tuer aux policiers ! C’est pour cela que les conditions de la mise en action de la légitime défense ne doit pas changer. J’assume parfaitement d’être réactionnaire mais j’éprouve une confiance à priori envers nos policiers.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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