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L’étude qui montre pourquoi il ne vaut mieux pas se lancer dans la réalisation de quelle que tâche que ce soit avant un rendez-vous important
©Pixabay

Productivité

Plus rapide, plus lent... Notre rapport au temps diffère selon les situations, notre humeur et la tâche que l'on accomplit. En témoigne une étude publiée dans le Journal of Consumer Research.

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad est docteur en sociologie, chercheur au Ceaq-La Sorbonne, enseignant et responsable pédagogique au Cnam, et gérant d'une société industrielle (Ermatel).

Ses réflexions et ses recherches portent principalement sur les valeurs et les structures d’organisation de la société, avec une focalisation sur l’entreprise, à l’aune de la postmodernité.

Il a publié Le rire dans l’entreprise, chez l’Harmattan, en 2010.

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Atlantico : Une étude publiée dans le Journal of Consumer Research a montré que lorsque les gens savent qu'ils n'ont qu'un temps limité pour accomplir une tâche avant de devoir accomplir une autre tâche, ils y consacrent en réalité moins de temps que prévu. Est-ce quelque chose d'avéré ? À quoi cela peut-il être dû ? Que disent ces travaux de notre rapport au temps ? 

Il peut paraître en effet paradoxal de se consacrer moins à une tâche alors qu'une autre tâche ou un autre engagement nous attend tout de suite après. On pourrait se dire qu'au contraire, on va terminer proprement et promptement la première tâche pour pouvoir s'engager dans la suivante. Or, en général, il n'en est rien. Simplement parce que l'esprit est toujours dans l'anticipation, et notre attention est déjà en partie accaparée par la tâche à suivre. Tout le monde a pu faire l'expérience que quand nous avons un rendez-vous important, nous avons du mal à nous concentrer sur ce que nous faisons et donc nous nous y consacrons moins, une partie du temps et de l'énergie étant déjà orientée vers ce qui va suivre. Et ceci est d'autant plus marqué que la tâche qui nous attend est importante pour nous. Si c'est une tâche routinière, sans engagement ni émotionnel ni intellectuel, elle n'aura aucun impact sur ce que je suis en train de faire. Si par exemple, je dois classer des documents pendant une heure, et qu'ensuite saisir des données dans un processus maîtrisé, je n'aurai aucun mal à consacrer à chaque tâche le temps qui lui est imparti. Si par contre, je sais que j'ai une réunion importante dans l'après-midi avec mon manager pour une réunion risquée, ou avec un client pour un contrat vital, les tâches que je pourrais faire le matin seront forcément impactées, et en définitive les seules tâches où je pourrais être efficace seraient celles en rapport direct avec mes préoccupations de l'après-midi. Et le mot-clé est justement celui de "préoccupé" : l'esprit est déjà pré-occupé. Et cette pré-occupation peut aller jusqu'à m'accaparer en totalité et empêcher toute action. Ainsi, je ne ferai qu'attendre auprès de mon téléphone un appel important que j'attends, sans rien pouvoir faire d'autre, et c'est typiquement le futur papa qui fait les cent pas en attendant l'accouchement.

Et cela est dû à notre rapport au temps. Comme vous le savez, le temps est une question complexe qui traverse toute la philosophie depuis Aristote jusqu'à Heidegger en passant par Kant et Bergson. Toute la question est finalement d'être dans le présent, alors qu'on n'arrive pas à oublier le passé et qu'on est incapable de ne pas se projeter dans l'avenir. Et ceci d'autant plus qu'il y a une charge émotionnelle forte.

Le constat dressé par ces travaux peut-il être mis en relation avec la procrastination, ou même à d'autres phénomènes liés à la gestion du temps ?

La procrastination peut avoir plusieurs causes, notamment la gestion du stress ou les stratégies d'évitement, et plus généralement, je relierai la procrastination plutôt avec le théorème de Parkinson "plus on a le temps pour réaliser une tâche, plus cette tâche prend du temps", et donc souvent avec l'idée qu'on a encore le temps, et donc on reporte à plus tard. Là ce qui est en jeu quand je suis préoccupé par un événement à venir, c'est plutôt de ne plus être dans le temps linéaire, et où le futur s'impose au présent. Et aussi avec la durée bergsonienne, tous les instants ne se ressemblent pas et les moments vécus sont tous différents, et n'ont pas la même durée. Nous pensons en fonction de l'action, et notre intelligence est d'ordre pratique, en fonction de l'action à réaliser. Le monde est en désordre permanent et nous nous efforçons perpétuellement de lui donner un sens, en mobilisant la causalité et l'anticipation. Ma réunion de l'après-midi aura une durée infiniment plus importante que la matinée même si elle n'aura pris que 10 minutes. Dès lors on est en dehors du temps linéaire, qui est celui de notre modernité et celui de l'entreprise, et donc en dehors de la productivité.

L'auteure de ces travaux suggère que programmer des tâches les unes à la suite des autres augmente la productivité. Il serait également plus efficace de fractionner les tâches conséquentes en de plus petites. Quelles autres méthodes permettent d'augmenter sa productivité ?

Il s'agit moins de fractionner les tâches, que les structurer, les séquencer. C'est pour cela que les techniques de gestion du temps insistent sur la programmation des tâches et sur la tenue d'un agenda. Une technique de base, pour ne pas se sentir débordé quand nous avons l'impression que les tâches s'accumulent, est de les lister et de s'y atteler les unes après les autres. En se rappelant Montaigne : "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors. Rien de plus simple. Et quand je me promène seul dans un beau verger, il peut arriver que, pendant un certain temps, mes pensées soient accaparées par des sujets étrangers à ce qui m'entoure, mais le reste du temps, je fais en sorte de les ramener à la promenade, au verger, au plaisir d'y goûter la solitude, à moi-même."

Le fractionnement des tâches est une méthode qui a montré son efficacité avec le taylorisme, mais aussi ses limites. Pour augmenter la productivité, l'équation a deux variables principales : la compétence et la motivation. Il est illusoire de vouloir être productif si l'on ne dispose pas des ressources techniques, matérielles et autres ; et l'autre pilier est la motivation, dont l'élément fondamental est l'enrichissement des tâches et la considération.

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