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Le mystère de la mort des baobabs
©GEORGES GOBET / AFP

Roi des arbres

La revue "Nature Plants" alerte dans sa dernière publication sur la disparition des baobabs millénaires au Zimbabwe. Un signal faible ? C'est en tout cas un sujet peu exploré de l'écologie sur lequel se penche aujourd'hui les scientifiques.

Pascal Danthu

Pascal Danthu

Pascal Danthu est écologue au CiRAD, spécialisé dans l’analyse de systèmes agroforestiers. Il a notamment beaucoup travaillé en Afrique de l’Ouest  et dans l’Océan Indien.

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Atlantico : Dans une étude publiée dans la revue Nature Plants, une équipe de chercheurs révèle que des baobabs millénaires ont disparu en Afrique au cours des 12 dernières années, dont le plus ancien, le Panke du Zimbabwe, vieux de 2 450 ans. Cette annonce surprend, car aucune alerte n'a été donnée auparavant. Comment expliquer que cette disparition n'a pas été prise en compte par les spécialistes de la biodiversité ?

Pascal Danthu : L'article d'Adrian Patrut porte sur une seule espèce, Adansonia digitata, qui est l'espèce africaine du baobab. L'équipe a travaillé depuis une dizaine, voire une douzaine d'années, sur la datation des plus vieux baobabs par une méthode de radio datation. Et pour ce faire, ils ont parcouru l'Afrique australe, il y a une douzaine d'années, en datant l'ensemble des plus gros et, à priori, des plus anciens baobabs. Ils sont donc retournés sur ce terrain pour observer ces vieux baobabs et ont constaté que 9 des 13 plus vieux arbres ont soit collapsés, soit sont en très mauvais état. 

Ce que je retiens de cet article, c'est qu'effectivement, on constate une mortalité importante des plus vieux baobabs. Mais est-on dans l'exceptionnel, ou dans quelque chose qui nous avait échappé mais relèverait du normal, du naturel ? Je ne le sais pas. D'ailleurs, les auteurs des travaux concluent à l'absence de champignons sur les baobabs, donc l'état des arbres serait le fait du changement climatique. Mais les chercheurs ne font pas de connexion directe entre cette disparition et le changement climatique. Je pense qu'il faut prendre cette publication pour ce qu'elle est : un constat.

On a effectivement une hécatombe, puisque le processus va très vite. Mais malgré tout, il faut bien prendre en compte que ce travail porte sur un petit nombre d'échantillons, sur un échantillonage très particulier, celui des très vieux baobabs d'Afrique australe. La question est de savoir si ces arbres très vieux, qui étaient déjà fragilisés, sont collapsés du fait d'un évènement extérieur assez drastique et assez rapide durant les 10-12 dernières années. Il faudrait alors voir si la zone couverte par ces baobabs a subi des phénomènes climatiques de grande ampleur et de grande amplitude, comme une température en hausse ou une très forte sécheresse.

Quelles sont les conséquences de la disparition de cette espèce dans l'écosystème ? 

L'espèce ne disparaît pas : rien n'est dit, dans ces travaux, sur l'ensemble des baobabs ayant moins de 1 500 ans, et ils sont très nombreux. Cela veut donc dire qu'aujourd'hui, il y a quelques baobabs parmi les plus emblématiques, parmi les plus gros, qui ont disparu. Mais la population de baobabs compte des milliers d'individus. Donc, l'espèce Adansonia digitata ne disparaît pas des écosystèmes dans lesquels elle a été observée et dans lesquels a été faite cette étude. 

Pour ce qui est des quelques grands baobabs dont le déclin est observé, je ne pense pas que cela puisse avoir un impact sur les écosystèmes. Je pense que d'un point de vue écologique, si la disparition ne se limite qu'à ces quelques individus, c'est effectivement regrettable du point de vue du patrimoine, mais ça n'a pas de conséquences directes sur l'écosystème et sur la faune et la flore qui sont liées aux baobabs.

Quels processus climatiques peuvent avoir causé le déclin des baobabs étudiés ? 

J'ai toujours constaté que les baobabs étaient des espèces résilientes, qui présentaient une certaine adaptabilité. À Madagascar, le terrain que je connais le mieux, les baobabs subissent souvent des feux courants, subissent la défriche sur brûlis - puisque les paysans malgaches défrichent des zones forestières pour cultiver et, généralement, laissent les baobabs dans ces zones -. Sortis de la forêt, ces baobabs subissent donc un choc assez violent et pourtant, sont encore vivants, et à priori en bonne santé. 

Ce dont on s'aperçoit, c'est que très certainement, leurs processus physiologiques, comme la pollinisation, la fructification, sont perturbés. Et que peut-être, ils ont alors une moins bonne capacité à assurer leur descendance. 

On peut donc considérer les travaux effectués sur ces arbres comme une alerte, puisque l'étude porte sur les individus les plus anciens, et donc les plus fragiles.

Comment peut-on protéger cette frange menacée de l'espèce des baobabs ? Il y a-t-il un moyen de prévenir la disparition de ces arbres ?

Je pense que ces arbres étaient connus, protégés, visités comme des éléments de patrimoines nationaux. Donc ils n'étaient pas livrés à toutes les agressions possibles. La manière de les protéger peut donc être de les inclure dans des zones protégées, des parcs nationaux, des réserves. Même si je pense que, pour la plupart des arbres en déclin, c'était le cas. 

Pour un spécialiste de ces arbres, la disparition de certains d'entre eux est-elle inquiétante pour le reste de la population de baobabs ?

Disons que c'est un petit voyant qui s'allume. C'est un constat qui peut ouvrir des portes à des recherches complémentaires. Par exemple, il faudra voir si ce constat, fait sur les très très vieux arbres, se retrouve sur des arbres plus jeunes. Si c'est le cas, il faudra effectivement s'inquiéter. Je pense qu'à partir de ce constat, on peut imaginer des suivis plus précis et aller à la recherche des causes effectives de la disparition de ces baobabs.

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