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Hydrogène vert : Le Floch "m’a tuer?"
©FRED TANNEAU / AFP

Energie

Le Floch Prigent a tué l’hydrogène il y a 30 ans, son spectre récidive.

Joël Ruet

Joël Ruet

Joël Ruet est économiste, chercheur CNRS au Centre de Recherche en Gestion de l’Ecole Polytechnique. Il a enseigné à l'École des Mines de Paris, à HEC-Paris, à l’université Jawaharlal Nehru (New Delhi, Inde). Joël Ruet a fondé le think tank, The Bridge Tank membre du Think20 du G20 et contribue à ses travaux sur le changement climatique et la finance verte. Spécialiste de l’émergence notamment en Inde, en Chine et en Afrique, ses travaux portent sur la recomposition industrielle et l’économie politique du capitalisme.

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Le Floch Prigent a tué l’hydrogène il y a 30 ans, son spectre récidive. Critiquant le plan Hulot, il mystifie le sujet. Il ne s’agit pas comme il le suggère d’enjeu de luxueuse dépollution d’air urbain pour bobos ignorants de l’économie, mais de révolution techno-écologique, d’une rentabilisation maximale des énergies renouvelables déjà commissionnées et à venir; et aussi de la fin du pétrole. Gênant?
Atlantico vient de publier une tribune libre au raisonnement fallacieux -ou orienté survie pétrole- de Le Floch Prigent. L’auteur y oublie tout simplement le grand enjeu multi-générationnel de la décarbonation, pour ne parler que de coûts et d’impossibilité de rendements techniques. Argument spécieux sur les deux plans.
Il part d’un système figé: impossible hydrogène « vert » à système énergétique actuel. Or le système CHANGE DÉJÀ avec l’essor massif et programmé des renouvelables. L’hydrogène sera vert car l’électricité le sera ... on n’est pas obligé d’imaginer du carbone dans les atomes d’hydrogène!
Autre argument, l’hydrogène surtout vert ne serait pas rentable par les vertus des rendements thermo-dynamiques. Faux ! les électricités renouvelables se multiplient et l’on ne sait pas stocker leur excédent de production qui est donc « perdu », du moins sous exploité à investissement donné. Produire de l’hydrogène sur cette base pour le ré-utiliser quand la demande est forte offre un service, a donc une valeur, argument connu. Il a même ainsi un coût négatif pour le réseau électrique, est en outre déjà rentable pour plusieurs secteurs. L’automobile, secteur invoqué par l’expert pétrolier n’est pas le seul usage, ni le principal. Ne plaquons pas les schémas cognitifs du pétrole. 
Le Floch Prigent manipule en effet la complexité réelle des choix technologiques automobiles aval (type de batteries, complémentarité des systèmes et pas antagonisme comme il le suggère, car l’hydrogène produit son électricité dans le véhicule et ensuite relaie via un moteur électrique) pour masquer l’urgence des choix technologies énergétiques amont ; hors automobile passager pour lequel il faudra attendre un peu seulement, l’hydrogène est déjà rentable dans le stockage, le chauffage voire les transports longue distance.
M Le Floch Prigent voit le monde par le prisme des années 70. Ou par le tout-pétrole. C’est son droit comme c’est celui des autres générations d’agir pour la possibilité d’un futur. 
Mais lorsqu’il invoque l’épouvantail du prix ou du rendement c’est faux, lorsqu’il suggère que l’automobile ne s’hydrogénera pas immédiatement c’est totalement réducteur par rapport aux multiples avancées sectorielles et à la sortie d’un modèle techno-énergétique unique de Détroit à Libreville: l’avenir des énergies est l’électrification; au sein de son cycle un gaz est porteur d’avenir : l’hydrogène. 
Enfin lorsqu’il invoque l’épouvantail de régimes « autoritaires » on sourit : faut-il se plaindre que la Chine ait démocratisé le coût des renouvelables? On peut à titre d’Européen regretter que l’Europe ne l’ait pas fait avant auquel cas les collègues d’alors et suiveurs de M Le Floch Prigent en sont les responsables; on peut aussi à titre d’habitat de la planète se rassurer que des pays planificateurs se soient engagés ; car la technologie est planifiée ou pas mais la technologie autoritaire personne ne connaît. Ou alors quand on empêche autoritairement l’avènement d’une nouvelle technologie. Bref, que la France ici essaie de revenir à sa tradition colbertiste est à saluer.
Un dernier mot pour que l’arbre des combats d’arrière garde ne cache pas la forêt des ambitions d’avant garde. Sur le fond, on aurait aimé un plan beaucoup plus ambitieux, pas au compte gouttes, pas saupoudré. On aurait aimé une concertation amont plus forte, un engagement de tous plus net ; mais la réalité était que la France de l’hydrogène -surtout vert- était en retard sur d’autres - Japon, Chine, Allemagne, pays nordiques, dans une certaine mesure Californie mais dont la filière hydrogène, pas assez verte, est attaquée par le lobby tout-électrique. 
La France se remet un peu dans la course - un peu seulement car même avec de bonnes technologies ses positions à l’international ne seront acquises que si elle a son territoire des succès démontrés. 
Bref, ne boudons pas notre plaisir, peu est mieux que rien et il faut saluer les efforts actuels; à cette aune, l’intervention de l’ancien PDG d’Elf outre qu’elle fait un peu désordre alors que Total est l’un des fondateurs du conseil mondial de l’hydrogène, est certes malveillante, pour l’avenir mais elle est surtout anachronique.

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