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Non l’Allemagne n’a pas beaucoup moins de travailleurs pauvres que la France. Mais voilà pourquoi s’en préoccuper fait passer à côté du sujet
©Pixabay

Sortir de l'exclusion

Une partie importante de la population potentiellement active est exclue du marché du travail. Peut-on la réinsérer ou faut-il se contenter de lui venir en aide via des prestations sociales ? Un choix de société.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Alors que l'OCDE indique que le taux de travailleurs pauvres est de 3.7% en Allemagne contre 7.1% en France, les statistiques publiées Eurostat voient un taux de 9.5% pour l'Allemagne (en hausse de 4 points en 10 ans) et de 8% pour la France. Une différence qui s'explique notamment par la prise en compte des ménages dans l'enquête de l'OCDE alors qu'Eurostat prend en compte les individus. Derrière cette querelle de chiffres, ne peut on pas voir une autre question qui reste posée, celle de savoir s'il est préférable, pour une économie, de compter plus de travailleurs pauvres que de personnes cantonnées à des revenus provenant uniquement de prestations sociales ? 

Avant prise en compte de la redistribution sociale, les inégalités sont supérieures en France qu’en Allemagne. Ce n’est que par le jeu des prestations sociales que les inégalités ont été contenues dans notre pays. La conséquence en est un niveau record de dépenses sociales, plus du tiers du PIB. L’autre conséquence, c’est le renchérissement du coût du travail et un niveau historique des prélèvements obligatoires. Du fait de son coût élevé du travail, le travail est difficile d’accès pour les personnes sans qualification ou disposant de qualifications inadaptées. La France a fait un choix implicite, celui de la lutte contre la pauvreté par l’assistance. Sur la durée, cette politique est évidemment extrêmement perverse en créant deux sociétés en une, celle dépendant des prestations sociales et l’autre devant les financer. Le revenu universel vanté par des libéraux et par des socialistes old school est la forme ultime de ce dualisme. C’est la reconnaissance de l’inemployabilité d’une partie de la population. Evidemment, le risque, c’est que les riches, ceux qui disposent de compétences suffisantes, fuient et laissent le fardeau aux classes moyennes, aux actifs qui du fait de leur travail, de leurs attaches familiales ne sont pas mobiles.

Dans un système ou l'économie serait en situation optimale, comment pourrait on estimer la proportion de la population qui resterait dans une situation hors système, qui peine à s'intégrer aussi bien économiquement que socialement, et ce , pour des raisons diverses? Quelles sont ces causes ? 

La question en cours en France est d’évaluer le taux de chômage structurel. Il pourrait se situer entre 7 et 8,5 %. C’est-à-dire qu’environ 2 millions de personnes ne seraient plus insérables dans le monde du travail. Figurent parmi eux une partie non négligeable des chômeurs de longue durée. En ajoutant, les personnes sorties des statistiques du chômage, la France compterait 2,5 à 3 millions de personnes hors système professionnel.

La France n’est pas le seul pays concerné par la sortie définitive ou presque d’une partie de la population. Aux Pays-Bas, près de 2 % de la population d’âge actif est concerné et n'est plus comptabilisé en tant que chômeurs.

Les mutations économiques de ces trente dernières années ont contribué à l’exclusion de certains travailleurs. Le système social est plus à même à délivrer des prestations qu’à réinsérer, en témoignent les échecs du RMI et du RSA. Le déclin de notre système de formation est également en cause. La France a reculé dans tous les classements. La faiblesse de l’apprentissage et de la formation continue est également souvent, à juste titre, avancé. Les demandeurs d’emploi, aussi étranges que cela puisse paraître, ne sont pas les premiers bénéficiaires de la formation professionnelle.

Dès lors, quels sont les efforts qui restent à faire pour parvenir à une situation optimale, et à quel moment ces efforts peuvent paraître vains ? 

L’objectif numéro est de conduire une politique de spécialisation de la production vers le haut de gamme ce qui suppose de remettre à plat l’ensemble du système de cotisations sociales qui joue actuellement le rôle d’une chappe de plomb. Il faut oser admettre que les mécanismes d’exonération de charge sociale sur les bas salaires sont anti-économiques. Menée depuis un quart de siècle, cette politique tire notre économie vers le bas sans pour autant résoudre le problème du chômage des non qualifiés. Elle freine la montée en gamme, en compétences des salariés et pèse sur les salaires. Les employeurs sont dissuadés d’augmenter leurs salariés de peur de perdre les exonérations. Il y a une incitation à privilégier les emplois à faible qualification.

En France, le système éducatif et le système professionnel organisent ainsi un nivellement par le bas. Au niveau des charges sociales, il faut distinguer ce qui relève de l’assistance qui doit relever exclusivement de l’impôt, de l’assurance qui doit être financé par les cotisations sociales. Ces dernières ne doivent pas générer d’effets de seuil. A cette fin, pour aider néanmoins l’emploi des moins qualifiés pourrait être un système d’abattement de cotisations qui s’appliquerait à tous les salariés. Les 800 premiers euros de salaire pourraient être exonérés de charges ce qui avantagerait les emplois à faible qualification mais sans effet de seuil, tous les salariés bénéficiant de l’exonération. Cela reviendrait à instituer un peu de progressivité dans les cotisations sociales.

Pour réduire l’inemployabilité, des efforts importants devraient être réalisés pour améliorer le niveau des qualifications avec la mise en place de programme surmesure. L’instauration d’un système généralisé d’apprentissage au niveau de chaque branche constitue également une urgence. Le Gouvernement actuel a décidé de réformer à la formation. Il faut espérer qu’il réussira mieux que ses prédécesseurs.

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