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Pas le temps de faire du sport ? Inspirez-vous des méthodes de haut niveau pour faire moins mais mieux
©Reuters

Motivés, motivés

Inspirée par les sportifs de haut niveau, la méthode HIIT (High intensity intermittent training) repose sur des exercices intenses mais courts et fractionnés , tout aussi bénéfiques que des exercices d’intensité moindre et pratiqués sur un temps long.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Un article du Guardian établit un lien entre la manière de faire du sport, notamment en usant de la méthode HIIT (qui consiste à alterner exercices intenses et repos), et la longévité du corps. Quel est l'impact de cette pratique sur le corps humain ? Des travaux ont-ils démontré l'efficacité de cette méthode ? Quelles en sont les limites ?

Les publications qui mettent en évidence les bénéfices de l'exercice physique sur la santé à tous les âges de la vie sont aujourd'hui particulièrement nombreuses. Cette notion est à présent répandue dans les médias et connue d'une grande partie de la population. L'exercice physique est en effet bénéfique à l'appareil cardio-vasculaire (cœur, artères et veines), à l'appareil locomoteur (os, articulations et muscles), au cerveau et au métabolisme glucidique et lipidique (réduction de la quantité globale de la graisse corporelle dite de stockage, prévention du diabète de type 2).

L’activité physique est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme tout mouvement produit par les muscles squelettiques (les muscles rouges : membres, cou, épaules, dos, région lombaire, abdomen…) et responsable d’une augmentation de la dépense énergétique supérieure à celle de repos. L'activité physique est bénéfique à la santé : c'est devenu un lieu commun. Mais une simple augmentation de la dépense énergétique n'a qu'un faible intérêt. La chanson de Tom Novembre (1983) "Parcours santé" est une caricature de l'exercice physique léger (parcours santé sur les sentiers goudronnés, pour mémères en baskets…).

On considère aujourd'hui que les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer chaque semaine au moins : soit deux heures et demie (cinq fois une demi-heure) d’activité d’endurance d’intensité modérée ; soit une heure et quart d’activité d’endurance d’intensité soutenue ; soit une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue. Il faut préférer les exercices d’endurance (marche rapide, cyclisme, natation…) qui mobilisent environ 50 % de la réserve de fréquence cardiaque ou FC (soit la fréquence cardiaque maximale ou FCM moins la fréquence cardiaque de repos ou FCR). Pour une reprise d’activité physique, on recommande de commencer par une FC inférieure à 50 % de la réserve. Comme exemple d’activité physique modérée, citons la marche à plus de 4 km/h : elle entraîne une augmentation de la fréquence respiratoire ou FR, mais permet de parler sans gêne au cours de l’effort.

La FCR se mesure en prenant le pouls ou à l'aide d'un appareil d'auto mesure, en position de relâchement musculaire complet (soit de préférence allongée, soit assise confortablement dans un fauteuil) et effectif depuis au moins 15 à 20 minutes. La FCM peut être grossièrement estimée à l'aide de la formule d'Astrand : chez l'homme, FCM = 220 moins l'âge ; chez la femme, FCM = 226 moins l'âge. Mais cette formule n'est pas précise : un test de course est préférable. Pour le réaliser, il faut commencer par un échauffement d'un quart d'heure en course peu rapide ; après quoi, il faut accélérer graduellement toutes les 30 secondes, jusqu'au point où l'on a l'impression d'être à son maximum et de maintenir ce maximum pendant au minimum trois minutes : c'est à cet instant qu'il faut mesurer la fréquence cardiaque (le mieux est bien sûr d'être équipé d'un cardio fréquencemètre qui permet de mesurer la valeur avant l'interruption de l'effort).

Or, plusieurs études récentes ont montré que des exercices physiques de forte intensité, effectués sur de courtes périodes séparées par des périodes de récupération ("High intensity intermittent training" ou HIIT ; en français : entraînement séquentiel de forte intensité ou ESFI) avaient des effets tout aussi bénéfiques sur l’amélioration des capacités cardio-respiratoires, que des exercices physiques d’intensité moindre et poursuivis beaucoup plus longtemps. Ce peut être par exemple trois fois trois minutes d'effort de forte intensité avec trois minutes de pause entre deux séquences, ou bien 10 fois 30 secondes d’effort de forte intensité avec trente secondes de pause entre deux séquences. Il est clair que cette pratique variante permet une économie du temps consacré à l'activité physique.

Cette méthode HIIT ou ESFI vient du sport de haut niveau et son intérêt sur le plan de l'entraînement cardio-respiratoire est bien prouvé dans ce contexte. Or, plusieurs études ont porté sur son application à des personnes ayant des facteurs de risque tels qu'une hypertension artérielle ou un diabète. Chez celles-là, la méthode HIIT ou ESFI a été comparée à l'entraînement classique avec une intensité modérée. On a réussi à montrer que, dans le groupe HIIT ou ESFI, le débit d'oxygène maximal que les poumons pouvaient apporter au corps lors d'un effort intense (VO2 max) augmentait significativement et que la pression artérielle au repos diminuait également significativement. Le VO2 max reflète la puissance maximale que peut développer le corps humain, de la même façon que le débit de carburant maximal d'un moteur reflète – dans une certaine mesure - la puissance maximale qu'il peut développer. La baisse de la pression artérielle au repos est le plus souvent un signe de bonne santé cardio-vasculaire. De fait, il existe une corrélation entre une pression artérielle de repos basse et une longévité augmentée.

Les limites de la méthode HIIT ou ESFI sont les suivantes : il faut être en capacité de produire un effort physique de forte intensité. Une consultation chez un cardiologue ou un spécialiste de médecine du sport est recommandée : elle permet que vérifier que l'on n'a pas de contre-indication aux efforts physiques violents et en particulier que l'on n'est pas un sujet à risque de mort subite (la mort subite est liée à un trouble paroxystique du rythme ventriculaire conduisant à un arrêt du débit cardiaque).

L'article établit que cette manière du faire du sport permet également de limiter les conséquences de l'âge sur le cerveau. De quelle manière cela fonctionne-t-il ? Quelles sont leslimites à cela ? Peut-on espérer rester en bonne santé et vivre longtemps sans faire du sport régulièrement ?

Cette façon innovante de pratiquer une activité physique est comparable aux méthodes classiques d'activité physique. La différence porte sur le gain de temps, mais aussi sur le niveau des effets obtenus. En un mot, la méthode HIIT ou ESFI est plus efficiente que la méthode d'entraînement physique classique.

Le cerveau, comme tous les organes de notre corps, vieillit essentiellement par ses artères. Nous avons l'âge de nos artères, c'est un adage bien connu. Mais l'âge de nos artères, donc notre âge physiologique, peut différer de notre âge calendaire. En vieillissant, les artères se rétrécissent et durcissent. Il s'ensuit une baisse du débit sanguin artériel nutritif (oxygène, glucose…), une diminution de l'élasticité artérielle pourtant nécessaire à un bon fonctionnement du système cardiovasculaire, ainsi qu'une élévation de la pression artérielle de repos. Or, l'hérédité, l'alimentation et l'activité physique sont trois principaux déterminants du vieillissement artériel.

L'activité physique ralentit le vieillissement artériel en limitant la formation des plaques d'athérome, processus prépondérant de la sénescence artérielle. Le mode d'action de l'activité physique est complexe, mais il est largement démontré. Notons qu'il agit déjà indirectement en contribuant à réduire la masse grasse corporelle, facteur de vieillissement artériel et cardiaque. En fin de compte, tous les organes bénéficient du ralentissement du vieillissement artériel, mais plus spécialement ceux qui ont des gros besoins d'un apport sanguin nutritif, tout particulièrement le cerveau, le cœur (artères coronaires) et les reins. Le cerveau est un très gros consommateur de sang artériel nutritif, à tel point qu'il est immédiatement menacé dès que le débit artériel s'arrête dans un territoire cérébral (accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou par arrêt de l'apport sanguin). Des artères cérébrales jeunes, de calibre conservé et élastiques, permettent un bien meilleur fonctionnement du cerveau. De plus, l'activité physique augmente le débit cardiaque dans l'ensemble du corps et donc dans le cerveau.

L'activité physique est indispensable à la préservation de la santé. Il n'est pas possible de rester en bon état de santé sans activité physique. Celle-ci est un besoin physiologique : le corps humain est une machine qui s'use quand on ne s'en sert pas. C'est vrai de tous les êtres vivants : l'immobilité est synonyme de mort prochaine (les végétaux ne sont pas immobiles). Que l'activité physique soit modérée ou intense, elle est absolument indispensable au maintien de la vie et même à la prévention de nombreuses maladies. Mais bien sûr, elle peut dans certaines circonstances entraîner des accidents.

3. Le même article établit que la science pourra répondre à certaines conséquences de l'âge. L'arthrose pourra par exemple être résolue entre développant artificiellement du cartilage dans les articulations. Peut-on alors imaginer que dans l'optique d'une vie plus longue, la médecine remplace totalement le sport ? Dans quelle mesure la médecine peut-elle se substituer au sport ?

La science et les techniques médicales et biomédicales peuvent pallier certains aspects du vieillissement. Mais le corps s'use presque inéluctablement. On peut parfois ralentir ce vieillissement. Dans l'arthrose, c'est le cartilage articulaire qui s'altère anormalement jusqu'à un point où il est devenu très insuffisant : gêne et douleurs, au maximum blocage articulaire. On pourra probablement remplacer le cartilage articulaire détruit, du moins dans une certaine mesure. On remplace déjà des valvules cardiaques, on dilate des artères rétrécies, on revascularise des organes dont les artères sont obstruées, on fait des transplantations de cœur, de rein, de poumons, de foie, d'utérus… Mais ce ne sont là que des ersatz très imparfaits, faute de mieux.

Le mieux, c'est la prévention, c'est-à-dire l'hygiène au sens exact du terme (préservation de la santé, qui n'a pas de rapport avec la propreté). Tant que nous aurons un corps, tant que nous serons des êtres de chair, il faudra se servir de notre corps, l'utiliser, le mettre en mouvement. L'immobilité est, répétons-le, synonyme de mort à plus ou moins brève échéance. Le sport n'est qu'une activité physique intense, rien de plus. Dans la mesure où l'activité physique est bénéfique et même nécessaire à la bonne santé, le sport – tant qu'il reste raisonnable dans son intensité et sa fréquence – est bon pour notre corps. La médecine ne pourra pas se substituer à l'activité physique ni au sport pratiqué de façon raisonnable. En revanche, elle sera toujours nécessaire au traitement des accidents, complications et séquelles du sport pratiqué de façon excessive. C'est comme en toute chose une question de mesure : un esprit sain dans un corps sain ; or, l'esprit comme le corps ne peuvent être sains que s'ils sont actifs. Le sport raisonnable rend le corps plus fort, de la même façon que l'activité intellectuelle rend l'esprit plus fort. Si un jour nous n'avons plus besoin d'exercice, cela signifiera que nous sommes devenus des humanoïdes désincarnés et même d'une certaine façon décérébrés.

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