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Ponts et viaducs de mai : les Français sont-ils vraiment une exception mondiale en matière d’addiction aux jours fériés ?
©ALAIN JOCARD / AFP

Le joli mois de mai

1er mai, 8 mai, jeudi de l'Ascension... ce mois de mai 2018 est particulièrement propice aux ponts et autres "viaducs". Mais existe-t-il une exception française en termes d'addiction aux jours fériés ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que ce mois de mai 2018 est parsemé de ponts et autres "viaducs" en raison de nombreux jours fériés, faut-il y voir une exception française en termes d'addiction aux jours fériés ? Derrière les RTT, les jours fériés, les jours de congés maladie qui n'appellent pas toujours de justification, et au regard du nombre d'heures travaillées annuellement, les Français sont-ils aussi "paresseux" qu'ils en ont l'air ? 

Philippe Crevel : Le mois de mai 2018 ne comptera que 19 jours travaillés. La France n’est pas le pays comptant le plus de jours fériés. En effet, avec 11 jours fériés, notre pays est dépassé par la Colombie (18 jours), la Malaisie (16), le Japon (15), l’Espagne et le Portugal (14).. En revanche, nous sommes mieux lotis que le Mexique (7), la Roumanie et les Pays-Bas (8 jours fériés). En France comme dans de nombreux autres pays, les jours fériés peuvent être travaillés et payés selon les secteurs et les conventions collectives.

La France se situe néanmoins parmi les pays comptant le plus de jours chômés mais n'arrive qu'en 34e position pour les jours fériés. Parmi les habitants bénéficiant le plus de jours de congés figurent les Autrichiens et les Maltais (38 jours de congés et féries). Suivent les Grecs, les Polonais et les Boliviens avec 37 jours. Les Français cumulent 36 jours, aux côtés des Britanniques, des Boliviens, des Espagnols et des Suédois. En revanche, les Allemands n’en comptent que de 29 jours.

La France en nombre d’heures travaillées et malgré les 35 heures n’est pas au dernier rang de l’OCDE. Les Allemands, les Danois et les Néerlandais travaillent moins. Néanmoins, ce classement doit être relativisé car ces trois pays se caractérisent par un fort recours au travail partiel ce qui abaisse le temps de travail par actif.

Que peut-on apprendre de ces pays qui travaillent le plus et de ceux qui travaillent le moins ? Entre productivité élevée et trop faible nombre d'heures travaillées, comment estimer un tel chiffre vis à vis des autres pays ?

Le temps de travail n’est pas un juge de paix intangible. Ainsi, les Grecs ont un temps de travail très élevé ce qui ne les empêche pas d’avoir connu quelques problèmes économiques. Il faut également prendre en compte la productivité, l’efficience eau travail et aussi le coût global de ce dernier.

En matière de productivité, la France se situe en haut du classement. Elle n’est dépassée en Europe que par les Belges et les Néerlandais. Elle devance l’Allemagne. Pour compenser le faible temps de travail et son coût élevé, il est nécessaire d’être productif. L’Allemagne peut se permettre d’avoir un faible nombre d’heures de travail car son industrie est très productive. Il faut également relativiser la notion de productivité qui valorise les coûts élevés de travail.

Au-delà du nombre d’heures de travail, de la productivité, la France a un problème de compétitivité comme en témoigne son déficit commercial structurellement déficiaire. Depuis plus de 15 ans, la France enregistre un déficit extérieur qui s’accroît dès que la croissance repart. Le déficit commercial a ainsi atteint 62,8 milliards d’euros en 2018 en hausse de 29 % par rapport à 2017.

Au regard de la productivité de la population et du nombre d'heures travaillées, "l'équilibre" français est-il "compétitif" ? Faut-il réellement travailler plus alors que les chiffres allemands sont plus faibles que ceux de la France ?

Du fait de l’enchainement des jours fériés en mai, la croissance devrait être amputé de 0,2 point au cours du 2e trimestre auquel il faudra ajouter les conséquences des conflits sociaux.

Certes, ce mois de mai atypique permet de solder les congés non pris. Des entreprises imposent des congés obligatoires. Elles peuvent également instituer des journées de RTT obligatoires. Si les jours fériés sont synonymes de vacances, ils peuvent générer un surcroît d’activité dans le secteur du tourisme et des loisirs. Mais, il est certain que les secteurs à forte productivité sont plutôt à l’arrêt.

Le fait que la France se paie le luxe d’avoir un deuxième mois d’août en mai ne serait pas sans incidence si son économie était productive. Or, elle est souvent positionnée sur des créneaux de gamme moyenne et non sur des créneaux de haut de gamme comme l’Allemagne. La France est en compétition avec des pays comme l’Espagne, le Portugal, la Turquie ou les pays émergents. De ce fait, nos surcoûts et notre faible temps de travail sont de réels handicaps. Les Allemands sont « price maker » car ils sont la référence en matière de production industrielle. Ils peuvent imposer leur prix. Ils ont également joué avec excellence la logique de la division internationale du travail en important des pays émergents en particulier ceux d’Europe orientale des biens intermédiaires.

Les jours fériés, les congés, les 35 heures seront des boulets pour l’économie française tant qu’elle ne sera pas positionnée dans le haut de gamme, ce qui suppose une évolution de la formation initiale et continue, un effort d’investissement important et une volonté des pouvoirs publics d’améliorer les infrastructures tout en améliorant la situation des finances publiques.

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