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Petite histoire prévisible de l’Europe après la dernière rencontre Macron /Merkel
©Kay Nietfeld / POOL / AFP

Boule de cristal

Lors de leur rencontre, ce jeudi 19 avril, le président français a évoqué son projet de refondation de l'Europe. Mais les réponses de la chancelière allemande restent très réservées.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Fabien Laurençon

Fabien Laurençon

Fabien Laurencon est agrégé d'allemand, diplômé de Sciences Po Paris. Il a enseigné l'histoire et la civilisation allemandes à l'université Sorbonne nouvelle Paris III et à Paris X. 

 

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Emmanuel Macron se rendait ce 19 avril à Berlin, deux jours après son discours devant le Parlement européen, qui a pu révéler les tensions existantes entre les propositions faites par le président français et les réserves, notamment émises par l'Allemagne. Au regard de cette rencontre entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, comment peut-on écrire l'histoire à venir de l'Europe, à court (élections européennes de 2019), moyen, et long terme ? Comment imaginer le futur de l'Union ? 

Cyrille Bret : En matière de prospective, il est toujours délicat de tracer la démarcation entre la prévision réaliste (qui infère le futur du passé) et la prophétie enthousiaste (qui conçoit l’avenir en rupture avec le passé. Surtout quand il s’agit de construction européenne : celle-ci est en effet la somme de projets (la réconciliation franco-allemande), de craintes (l’invasion soviétique), de fantasmes (le déferlement d’autres cultures et la disparition de l’identité européenne). S’essayer à prédire l’avenir de l’Europe à court, moyen et long termes est impossible sans adopter un point de vue philosophique. L’Europe est une réalité spirituelle, une entité idéelle : en un mot un concept. C’est la thèse principale de Julien Benda dans Discours à la nation européenne écrit en 1933, année sombre pour le continent et le monde. Ses contours physiques et géographiques sont arbitraires (la ligne Oder Neisse? l’Oural? Le Bosphore? Le Danube? Ses institutions sont hautement évolutives, de la CECA à l’Acte unique et au-delà. Son identité est composite entre Europe du Nord protestante, Europe du Sud latine, Europe de l'est orthodoxe, etc.

S’essayer à la prospective, c’est nécessairement errer. Mais il y a plusieurs façons de faire des erreurs. Voici celle que je trouve la plus stimulante et la plus conforme aux aléas multiples de la construction européenne, progression lente sans Age d’Or mais sans Moyen-Age depuis 1945.

A court terme, contrairement aux prophéties relatives aux populistes, les élections européennes marqueront le grand retour des européistes et des fédéralistes au Parlement européens : forts du Brexit qui ôte à l’Union une contrainte institutionnelle constantes, nourris d’une réaction contre les mouvements souverainistes à l’est comme à l’ouest, portés par une croissance désormais installée partout sur le continent, les candidats des partis pro-européens (CDU-CSU en Allemagne, PP, etc.) ne feront face qu’à une forte minorité d’eurosceptiques en perte de vitesse en raison des outrances de leaders comme Viktor Orban, le PiS ou encore l’aile la plus souverainiste de 5 Stelle. Cette majorité, épaulée par le couple Merkel-Macron, aiguillera la Commission pour adopter les politiques fédérales attendues par tous : constitution d’un véritable gouvernement de la zone euro et de l’Union, renforcement des capacités de protection des frontières, utilisation d’un corps expéditionnaire intégré notamment pour résoudre la crise syrienne, etc.

A moyen terme, face à l’augmentation des frictions géopolitiques avec la Russie et avec le Moyen-Orient, face à la nécessité de promouvoir un modèle socio-économique plus respectueux de l’environnement et face à l’essor des projets chinois pour l’est de l’Europe, le sentiment de solidarité entre Européens s’accroîtra encore. Ils pourront ainsi mettre en commun véritablement les fonctions étatiques essentielles pour leur sécurité, leur prospérité et leur rayonnement : un instrument diplomatique intégré, des forces armées à la hauteur de leurs défis, une politique d’intégration des Balkans, etc.

Qui sait? Peut-être qu’à long terme, bénéficiant de cet élan, les Européens pourront se réconcilier avec eux-mêmes, enfin s’unifier et acquérir le poids politique qu’ils méritent au regard de leur puissance économique. Ainsi, véritable puissance d’attraction, l’Union pourra conclure une série de partenariats stratégiques avec les plus puissants de ses voisins : la Russie engagée dans un processus d’ouverture après avoir sacrifié au culte de la grandeur nationale, la Turquie engagée dans un mouvement de balancier occidentalisant après avoir touché les limites du rêve néo-ottoman, le Maghreb réconcilié avec ses liens européens après avoir tâtonné entre dictatures et tentations islamistes.

Pour en revenir à mon propos liminaire : il est malaisé de faire de la prospective en matière de construction européenne tant les aléas sont nombreux et les options philosophiques diverses. Ma vision du futur de l’Europe manque peut-être de réalisme. Mais elle ne manque pas d’enthousiasme. Après tout, l’ambition ne concerne plus le passé, s’accommode imparfaitement du passé mais a le champ libre pour l’avenir. L’Europe est une idée d’avenir.

Mathieu Mucherie : Tout d’abord, je crois et j’espère que le futur de l’Europe n’a pas trop de lien avec le futur incertain de l’Union, avec le futur pathétique de la zone euro, et encore moins avec une rencontre entre Merkel et son lieutenant. L’Europe ce n’est pas le « couple franco-allemand », c’est aussi la Suisse, la Suède, le Royaume-Uni, la Pologne, la Hongrie, la Norvège, le Danemark, les Balkans. Ce sont aussi des cathédrales, des universités, un patrimoine ; on technicise beaucoup trop les sujets européens, à mon avis. Je ne suis tout de même pas le seul à m’apercevoir que la crise européenne, avant d’être économique ou migratoire ou géopolitique, est spirituelle (« A l’Europe nous pouvons demander : où est ta vigueur ? Où est ton esprit d’entreprise et de curiosité ? Où est ta soif de vérité ? », François, pape, novembre 2014). Il nous faudrait relire le texte de Soljenitsyne de 1978 sur le déclin du courage, plutôt que les brouets d’eau tiède des eurocrates, tout ce bla-bla lénifiant sur le fédéralisme budgétaire (quand on voit comment on a traité la Grèce !), sur le rôle protecteur de l’euro (quelle blague !), etc.

Mais regardons tout de même les aspects techniques. Là les succès européens sont rares, je n’en vois que trois, Erasmus, Airbus, Ariane ; et encore, on est en train de perdre le 3e à force de divisions, de lâcheté, et aussi par manque de chance (arrivée fracassante de SpaceX). Quand on en perd du terrain en si peu de temps de façon aussi saisissante, cela ne provoque aucune réaction, nos officiels regardent ailleurs ou dissertent sur un « Google européen » ou sur une « taxe Tobin » : preuve que l’Europe de nos institutions actuelles est une idéologie. On la fait pour la faire. Parce que c’est « le sens de l’Histoire », ou pour ne pas perdre la face, ou pour doubler la mise, ou pour contourner l’échelon national sans aller complètement vers le monde, et de plus en plus par habitude ; comme des somnambules. Quand on va s’apercevoir que le roi est nu, le réveil va être rude ("Quand tu dors et que tu rêves que tu dors, tu dois te réveiller deux fois pour te lever", Jean-Claude Van Damme).

A court terme, rien ne va se passer, c’est la politique du chien crevé au fil de l’eau, et l’Allemagne ne veut pas entendre parler des gadgets de nos diplômés de sciences-po sur un gouvernement plus économique de l’euro (pourquoi changer un système qui avantage incalculablement Francfort ?). Les élections de 2019 ne serviront à rien, comme les précédentes, comme les suivantes aussi très probablement. Cette année-là, on va encore faire tout un numéro sur la transparence et la compétence et la solidarité, tout en laissant Weidmann prendre la BCE ; comprenne qui pourra.

A moyen terme, c’est plus compliqué. Laissez-moi extrapoler un peu. Il n’y aura pas de réponse fédéraliste convaincante à nos problèmes, car il faudrait pour la rendre soutenable une citoyenneté européenne qui n’arrivera jamais : un ado de Paris aujourd’hui peut être plus proche d’un ado de Chicago ou de Tokyo que d’un ado de Berlin ou d’Athènes. L’Europe n’est pas un échelon très pertinent économiquement, et ne fait pas vraiment rêver quand on l’envisage sous l’angle d’un processus. C’est la Cacanie de Robert Musil, “qui périt d’être inexprimable”, la créativité viennoise en moins. Si tout se passe bien, nous allons connaître la voie japonisante sur laquelle nous sommes déjà engagés et qui correspond assez bien à notre goût continental pour les pentes faciles, à nos caractéristiques démographiques et à notre banque centrale déflationniste. Si tout se passe mal, nous serons menacés par la Russie (le résultat de notre attitude munichoise et anti-américaine), ou submergés par l’Afrique, et de toute façon complètement largués dans un monde imaginé et géré du côté des rives du Pacifique.

Edouard Husson : Avec l’Allemagne, tout est question de négociation. Emmanuel Macron a clairement tracé les contours d’une position offensive sur des avancées européennes. Ce que nous ne savons pas du tout, c’est dans quelle mesure: 1. Il a défini la limite de ce qu’il peut accepter de faire comme concession à l’Allemagne. 2. En cas de blocage des discussions, il est prêt à pratiquer la politique de la chaise vide. Je crains que ce ne soit pas le cas. Le président français a eu, durant pratiquement un an, le champ libre. Il aurait dû en profiter pour prendre position à des endroits stratégiques. A. Imprimer un cours politique et non technocratique aux négociations du Brexit, en quelque sorte devenir l’intermédiaire obligé de la négociation entre l’UE et la Grande-Bretagne. B. Reprendre sous une autre forme le projet d’Union pour la Méditerranée en se donnant les moyens de mettre fin à la crise migratoire. C. Utiliser, loin de l’idéologie, une occasion historique de détacher l’Europe centrale de sa relation de quasi-exclusivité avec l’Allemagne. D. Sortir pragmatiquement de la guerre froide avec la Russie. E. Entamer un dialogue avec les sociétés européennes, non seulement pour susciter un mouvement « ‘En Marche » à l’échelle de l’UE mais surtout pour aller à la rencontre de l’Europe qui souffre du monétarisme franco-allemand, en particulier au Sud. La semi-défaite de Madame Merkel était prévisible et le président français n’a absolument rien fait pour profiter des six mois de laborieuse reconstitution d’une Grande Coalition. C’est pourquoi je crains que les mois et les années à venir soient décevants. En matière de négociation, les Allemands sont « euclidiens »: la ligne droite est le plus court chemin entre deux partenaires de négociation, dans tous les cas. Je ne suis pas sûr qu’Emmanuel Macron soit prêt à être aussi direct sur le mode: « Mon projet est la seule manière pour l’Europe de s’en sortir. Madame la Chancelière, vous prenez vos responsabilités! J’ai un plan B. » En a-t-il seulement un?  S’il ne fait pas cela, où sera la différence avec Hollande, à part le style? Les élections européennes de 2019 tourneront à la victoire des conservateurs et des populistes. Les milieux dirigeants européens, par réaction, se réfugieront toujours plus dans l »idéologie. Angela Merkel deviendra définitivement « Frau Nein ». Et l’UE périclitera - avec d’énormes dégâts.

Fabien LaurençonSur le fond, par-delà la conviction partagée que sans l'axe franco-allemand, rien ne peut se construire au sein d'une UE fissurée par les forces centrifuges eurosceptiques voire illibérales (Pologne, Hongrie, Italie, république tchèque...), Angela Merkel partage les mêmes objectifs long terme que son partenaire français à savoir la nécessité d'une Europe plus forte, en interne comme en externe, déclinée à travers à dire une politique migratoire et d'asile européenne commune, le renforcement de l'union économique et monétaire et une politique de défense commune.

Mais les divergences apparaissent à la fois sur les priorités respectives de part et d'autre du Rhin et sur les instruments à mettre en oeuvre. Si la refonte de la politique migratoire et d'asile est une priorité pour l'Allemagne, pour des raisons politiques internes depuis 2015, l'axe économique et monétaire est en revanche considéré comme moins urgent. 

Sur ce second volet, la position de la chancelière entretient l'ambiguïté vis-à-vis tant du projet de création d'un ministre de finances européen que d'un d'budget pour l'eurozone, sur lequel une partie de l'Union (CDU-CSU) est largement réservée, voire franchement hostile, surtout à la veille de scrutins régionaux majeurs pour les deux partis (Bavière, Hessen).

La transformation du mécanisme européen de stabilité en fonds monétaire européen est partagée par la chancelière, et une partie du parti de l'Union. Côté FDP, Christian Lindner y est favorable également, mais sous réserve une modification des traités européens et un renforcement des prérogatives des parlements.

Enfin, sur l'Europe de la défense, l'Allemagne, qu'il s'agisse de la chancelière ou de son ministre de la défense, peine à sortir de son silence et à articuler une réponse claire aux propositions du président Macron d'une force d'intervention commune, d'un budget de défense commun et d'une doctrine partagée.

La visite du président français est surtout un révélateur des ambiguïtés et des fractures internes de la classe politique allemande sur l'Europe, qui étaient masquées jusqu'à présent par l'état de stase politique depuis les élections de septembre 2017.

La CDU-CSU, comme la montré le document publié en début de semaine, ainsi que les prises de position du secrétaire général du parti, Alexander Dobrindt, s'enracine dans une position défensive et conservatrice en matière de réforme de l'union économique et monétaire.  

La SPD également s'est également éloigné des prises de positions de Martin Schulz lors de la campagne de 2017. Les rares prises de position du ministre des finances, Olaf Scholz, s'inscrivent pour le moment dans la continuité de son prédécesseur. A ce stade, il est difficile de dessiner la feuille de route du parti social-démocrate sur l'Europe. Les objectifs d'Andrea Nahles, qui dirige le parti, restent extrêmement flous. 

Les marges de manœuvre de la chancelière sont certes limitées. La courte majorité de son parti (44 voix) au Bundestag l'oblige à composer avec les forces euro-conservatrices au sein de son parti, et sa branche bavaroise, face à la surenchère du parti libéral et l'AfD sur ces sujets.

Mais, plus profondément, les réactions - ou l'absence de réaction dans le cas de la défense - aux avancées proposées par Emmanuel Macron traduisent une  incapacité des deux grands partis politiques (comme des autres partis) à définir leur vision de l'avenir de l'Europe, et à dépasser une approche prudente voire prudentielle de la construction européenne, pour proposer un autre récit européen que le discours budgétaire et financier défensif, animé par cette crainte de voir le contribuable allemand in fine assumer l'essentiel des projets de réforme prônées par la France, qui traverse tous les partis politiques allemands, au sein de la grande coalition et surtout l'AfD et la FDP. 

Compte tenu des forces de résistance, voire de blocage internes (fragilité de l'équilibre politique actuel de la coalition, absence de discours européen chez les sociaux-démocrates allemands jusqu'à présent, fragilité de la chancelière, dont la question de la succession se pose d'ores et déjà, poids de la culture du compromis), il est peu probable que l'Allemagne puisse apporter des réponses à la hauteur des attentes de son partenaire d'ici le terme du mandat d'Angela Merkel en 2021, et puisse sortir du "weiter so"  dans le champ européen. Sans mésestimer le poids des avancées qui se construiront nécessairement pas à pas à moyen terme dans ces trois champs de réforme de l'Europe, il faudra probablement attendre l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération politique outre-Rhin pour réinventer une vision - politique - de l'avenir de l'Europe et de sa souveraineté.

Florent Parmentier : Berlin a été, pendant la campagne, un lieu d’engouement pour le candidat Macron, de « Macronmania » très fort. Face aux autres candidats, Emmanuel Macron incarnait la France dont les élites allemandes rêvaient – une France moins tournée vers elle-même quand il s’agissait d’Europe et plus en phase avec ses voisins. Plus en prise avec les réalités économiques et moins sujettes aux velléités de puissance hors de propos au vu des performances financières affichées. Sa position était distinctement européenne au milieu des autres grands candidats de la campagne présidentielle.

Depuis quelques mois pourtant, les nuages s’amoncellent. Plus précisément, Emmanuel Macron semble reprendre certains vieux travers de la technostructure française. En particulier, son discours de la Sorbonne a pu montrer les ambitions présidentielles en matière européenne, digne d’un grand réformiste européen. Cependant, la manière ressemblait foncièrement à la gestation de l’Union pour la Méditerranée du temps de Nicolas Sarkozy : les bonnes idées viennent de Paris, en attendant de convaincre le reste de l’Europe. Dans une certaine mesure, la logique de la co-construction de politiques publiques avec nos partenaires européens échappe encore au logiciel de nos élites administratives.

Dans le même temps, après l’élection d’Emmanuel Macron, l’Allemagne a connu plusieurs mois d’incertitudes ; le leadership allemand commençait à s’émousser face à l’entrain français. Pour autant, les intérêts et les représentations des deux Etats divergent quant aux politiques à adopter pour résoudre les difficultés européennes, le néo-jacobinisme s’opposant à l’ordo-libéralisme allemand en matière de finances publiques européenne. Même le SPD, plus acquis à une remise en cause de l’austérité, ne montre pas un enthousiasme débordant pour les propositions du Président français.

Dès lors, à quoi peuvent ressembler les prochains mois de la présidence Macron en matière européenne ? Les élections européennes seront un vrai test pour sa popularité : à mi-mandat, ses différentes oppositions peuvent reprendre du poil de la bête. Autrement dit, l’impulsion européenne du Président Macron pourrait être ralentie par l’inertie de ses partisans de 2017, qui pourraient bouder les urnes. Si tel était le cas, la volonté de faire naître un groupe central au Parlement européen pourrait s’en trouver contrecarrée.

Néanmoins, le système présidentiel français garantit au Président en exercice de nombreux pouvoirs ; même dépourvu de relais au sein du Parlement européen, Emmanuel Macron pourrait chercher à faire de nouvelles alliances en Europe, au Sud, afin de faire contrepoids à l’Allemagne, qui s’appuyait souvent sur le poids britannique. Ceci dit, le centre de gravité de l’Europe ne se résume pas à un duopole franco-allemand : selon les sujets, de nombreuses coalitions peuvent émerger, selon que l’on parle de politique migratoire, agricole, financière, etc. A l’avenir, les relations franco-allemandes sont toutefois utiles pour définir un cap : va-t-on se limiter au marché unique, se concentrer autour d’un petit nombre de pays formant un noyau dur ou s’inscrire dans la continuité actuelle ? Le futur est encore largement ouvert : à la volonté d’approfondissement du Président français s’opposent de nombreuses réticences des partenaires. Les élections de 2019 donneront une indication du rapport de forces entre ces aspirations contradictoires.

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