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Le conflit d’après serait-il déjà là ? L’anxiété des Français sur l’avenir de leurs retraites s’est accrue en 2018
©Reuters

Bataille à venir

Selon l’enquête du Cercle de l’Epargne et d’Amphitéa pour l’année 2018, seuls 26 % des Français considèrent que leur pension est ou sera suffisante pour vivre correctement.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Le Gouvernement a décidé d’engager en 2018 et 2019 une réforme dite systémique des retraites avec comme objectif l’édification d’un régime unique. Emmanuel Macron s’est engagé dans le cadre de la campagne présidentielle à ce qu’un euro cotisé donné pour tous les mêmes droits à la retraite.

La possibilité de bénéficier de revenus réguliers durant sa retraite constitue un droit cher aux Français. Nul ne souhaite être au chômage, être malade mais nombreux ceux qui aspirent à pouvoir profiter d’une retraite heureuse et confortable. La retraite s’assimile pour beaucoup de Français comme une période de longues vacances sous réserve de n’être pas marquée par des invalidités. En matière de pensions des régimes obligatoires, les assurés sont condamnés à s’en remettre au bien vouloir de l’Etat ou des partenaires sociaux. Or, dans un pays marqué par un profond sentiment de défiance, surtout quand les réformes se succèdent, les Français ne peuvent être qu’anxieux face à l’évolution de leur système de retraite.

La retraite, un sujet angoissant

Selon l’enquête du Cercle de l’Epargne et d’Amphitéa, l’anxiété des Français en ce qui concerne l’avenir de leur retraite s’est accru en 2018. Elle se manifeste par la conviction que les pensions ne permettront pas de vivre correctement dans les prochaines années. En effet, en 2018, seulement 26 % des Français considèrent que leur pension est ou sera suffisante pour vivre correctement.

Pour mémoire, le montant moyen des pensions de droit direct était, en 2015, selon la DREES de 1728 euros pour un homme (en droit direct) et de 1050 euros pour les femmes. En intégrant les majorations pour enfants et la réversion, l’écart est moindre. Les montants moyens respectifs s’élevaient, toujours, en 2015, à1747 et 1309 euros.

L’état d’esprit des retraités vis-à-vis de leurs pensions a, ces dernières années, évolué négativement. En effet si en 2017, la moitié d’entre eux considéraient que leurs pensions étaient suffisantes pour vivre correctement, ils ne sont plus, en 2018, que 39 %. Cette baisse de 11 points est, sans nul doute, imputable à la hausse de la CSG de 1,7 point de CSG intervenue le 1er janvier. L’inquiétude est en forte hausse chez les retraités les plus aisés, ceux dont les revenus excèdent 3 000 euros (+17 points en un an).. La proportion des non-retraités à juger leurs futures pensions seront insuffisantes restent constante à 79 %.

Ces jugements témoignent d’une véritable crainte de baisse du niveau de vie des retraités dans les prochaines années. Ils ne sont pas obligatoirement en phase avec la situation réelle des retraités (voir l’article sur le niveau de vie des retraités).

Un regard sévère sur le système de retraite

75 % des sondés considèrent que le système de retraite est injuste et 80 % qu’il est inefficace pour fournir un niveau de pension correct. Ce jugement est sévère au regard du niveau de vie des retraités qui est aujourd’hui supérieur à la moyenne de la population. Mais les Français pensent à une grande majorité que ce n’est pas le cas. Au total, 71 % des Français jugent le système tout à la fois injuste et inefficace. Ce sentiment est partagé par 77 % des femmes (contre 64 % des hommes) dont le niveau de pension reste inférieur à celui des hommes (40 % en droit direct). Ce sont les personnes à faibles revenus qui sont les plus critiques (80 % des personnes gagnant moins de 2 000 euros par mois jugent le système injuste et inefficace). La question centrale en la matière reste donc le pouvoir d’achat.

Les retraités qui sont les bénéficiaires du système de retraite sont à peine moins critiques à son encontre. 76% le jugent inefficace contre 81 % pour les actifs. La question du pouvoir d’achat, une fois de plus, explique ce jugement sans nuance.

L’unification des régimes de retraite, une demande largement partagée

L’appréciation sévère du système de retraite contribue sans nul doute à une forte demande de changement. Seuls 13 % des sondés sont favorables au statu quo. 53 % se prononcent en faveur d’un régime unique avec une seule caisse de retraite quand 34 % préfèrent l’instauration d’un cadre unique mais conservant des spécificités selon les statuts professionnels. 72 % des fonctionnaires appellent de leurs vœux une réforme (46 % pour l’unification totale et 36 % pour le cadre commun avec maintien de spécificités). Les retraités qui ne sont pas concernés par la réforme sont à 64 % favorable à une unification totale. Les indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions libérales) sont également des partisans de l’unification. Les salariés du secteur public sont les plus réticents avec simplement 37 % qui adhèrent à l’idée de l’unification. 38 % préfèreraient une convergence des règles avec le maintien de certaines spécificités. 25 % sont pour le statu quo.

Le principe de la réforme est majoritaire au sein de toutes les catégories socio-professionnelles. Ce sont les retraités a priori pas concernés qui approuvent le plus massivement le passage à un régime unique. Ils considèrent peut être que cette unification constitue un gage de bonne gestion de la retraite.

La question du niveau de vie est le fil rouge de l’angoisse des Français face à la retraite. Auront-ils suffisamment pour vivre correctement, pour se soigner pour financer éventuellement des dépenses liées à la dépendance. Le sentiment de défiance est assez fort à l’encontre des pouvoirs publics. A chaque réforme, il leur est annoncé que le système est sauvé pour la nuit des temps ; or deux ou trois ans plus tard, il faut se remettre à l’ouvrage. Il en résulte tout à la fois une résignation et une amertume.

Pour autant, l’appréciation des Français est très sévère à l’encontre d’un système qui délivre des pensions à 15 millions de personnes. Il est d’autant plus sévère que la couverture retraite a permis d’éradiquer ou presque la pauvreté extrême au sein des plus de 65 ans. En effet, le taux de pauvreté est au sein de cette population de 7,9 % contre 13,9 % en 2016 pour l’ensemble de la population. Si l’unification des régimes de retraite est demandée, c’et au nom de l’égalité Ils espèrent qu’en corrigeant certaines injustices, cette réforme pourra améliorer leur sort.

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