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Contre l'évasion fiscale à la française, quelles solutions ?
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Sus aux fraudeurs

Le Sénat, qui vient de créer une commission d’enquête sur la fraude fiscale, recevait mardi deux spécialistes : le journaliste Antoine Peillon et le magistrat Charles Prats. Aperçu de leurs propositions.

Selon le dernier rapport du Conseil du prélèvement obligatoire, la fraude fiscale atteint en France 25 milliards d’euros par an. La dernière évaluation de Bercy estime la fraude à la TVA à une dizaine de milliards d’euros. Le mois dernier, le journaliste Antoine Peillon publiait dans la quasi-indifférence générale Ces 600 milliards qui manquent à la France, une enquête documentée sur l’évasion fiscale à la française.  

L’auteur y accuse la filiale française de la banque mondiale UBS d’être la "Rolls" de l’évasion fiscale :"Des commerciaux suisses d'UBS sont invités sur le territoire français à l'occasion d'événements mondains, et sont mis en contact, via leurs collègues d'UBS France, avec des clients très fortunés". Leurs rencontres informelles aboutiraient à une ouverture de comptes non déclarés en Suisse. Cette méthode est doublement illégale : outre l'évasion fiscale, il est interdit à un agent suisse d'exercer en France. 

Mais quelles seraient les solutions ? Selon le chercheur Gabriel Zucman, l'évasion fiscale est avant tout trop simple. Elle s'effectue aujourd'hui par un simple virement électronique. La création d'une société écran n'est même plus nécessaire dans tous les cas :  "Il est fréquent [...] que des employés de multinationales reçoivent leur salaire directement sur un compte à Chypre", précise le chercheur, "parce que [ces entreprises, ndlr] réalisent une grande partie de leur bénéfice dans des paradis fiscaux". 

Pour Antoine Peillon, une chose est claire : certaines solutions sont mauvaises. Dans son collimateur,les accords Rubik, passés par la Suisse avec l’Allemagne et l’Angleterre. Censés améliorer la situation, ces accords seraient en réalité contre-productifs.

Les paradis fiscaux tels que la Suisse et le Luxembourg invoquent généralement le secret bancaire pour protéger les comptes hébergés sur leur territoire. Ces accords prévoient que les rendements des capitaux déposés en Suisse seront soumis à un impôt qui sera reversé au fisc de leur pays d’origine. Les États d’origine renoncent alors à connaître l’identité de leurs ressortissants possédant des comptes à l'étranger. En échange d’une taxe, la France ferme les yeux sur l’opacité du secret bancaire, et les paradis fiscaux sont exemptés de leur devoir d’information.Le journaliste regrette que "la France ne propose rien pour sortir de cette impasse".

Pourtant, la haute assemblée du Sénat vient de créer une commission d’enquête sur l’évasion fiscale hors de France. Dans le cadre de ses auditions, la commission recevait mardi Charles Prats, magistrat et ancien inspecteur des douanes dans les services d'enquête nationaux. Lors de son audition, celui-ci a proposé une série de mesures précises. Concernant la détection des comptes bancaires à l’étranger, il propose de s’appuyer sur la législation douanière.

En effet, toute détention de compte à l’étranger est censée être déclarée à l’administration fiscale conformément au code monétaire et financier. En cas d’infraction, différentes amendes sont prévues. "Le code des douanes permet ainsi d’aller plus loin dans la répression" a expliqué le magistrat, car il permet aussi d’appréhender cette infraction de non déclaration. Ce code prévoit une batterie de sanctions : une peine de 5 ans d’emprisonnement, une amende, la confiscation de la somme non déclarée, et la saisie des biens et avoirs qui proviennent de l’infraction.

Contre les escroqueries à la TVA, Charles Prats recommande la prévention. En judiciarisant dès le départ les opérations d’incrimination. "Il faut raisonner en la matière comme on raisonne en matière de terrorisme. Le principe est d’interpeller le terroriste avant que la bombe n’éclate. Il faudrait alors changer de paradigme pour faire en sorte qu’en matière de fraude à la TVA, il soit possible d’interpeler le fraudeur avant que la fraude ne soit commise".

Il suffirait ensuite d’utiliser les textes de loi existants, comme par exemple "l’infraction d’association de malfaiteurs, et de la combiner avec celle d’escroquerie en bande organisée à la TVA.", "Il ne serait de ce fait pas nécessaire d’attendre le dépôt de plainte préalable de l’administration fiscale. Le procureur de la République pourrait immédiatement enclencher une enquête pénale. Il y aurait une plénitude pour pouvoir utiliser les techniques spéciales d’investigation comme l’infiltration, les sonorisations, les écoutes téléphoniques…".

Diverses rectifications législatives peuvent également être envisagées. Entre autres, l’obligation de déclaration du compte bancaire pourrait être étendue : elle concerne pour l‘instant uniquement les personnes physiques. Elle pourrait être appliquée aux personnes morales ainsi qu’aux comptes détenus directement et indirectement, afin de détecter les personnes qui utiliseraient des prête-noms ou des sociétés-écrans.

Il serait également utile de créer un délit de fraude fiscale en bande organisée : "Nos amis américains le font bien. Si nous ne le faisons pas, nous serons condamnés à ne pouvoir attraper que les petits ou les moyens poissons".

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