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Mais pourquoi le PS est-il descendu dans la rue aux côtés des grévistes après avoir mené la même politique en substance - si ce n’est en degré - qu’Emmanuel Macron depuis 1983 ?
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Fiasco

Olivier Faure, qui sera bientôt intronisé secrétaire du Parti socialiste, a manifesté jeudi, à Paris. Chahuté, il a été obligé de quitter le cortège.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Alors que le nouveau premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a été obligé de quitter le cortège de la mobilisation de ce 22 mars, ce que l'Obs a qualifié de "fiasco", en quoi ce fait peut-il révéler une forme de mort intellectuelle d'un parti incapable de se différencier, auprès des manifestants, de la politique d'Emmanuel Macron, eu égard au "virage libéral" de 83, mais surtout du quinquennat de François Hollande ? 

Éric Verhaeghe : Il faut reconnaître que la première sortie médiatique d'Olivier Faure à la tête du parti socialiste n'est pas une grande réussite. Il aurait définitivement voulu illustrer le divorce entre le parti socialiste et le monde ouvrier (au sens symbolique du terme), il ne s'y serait pas pris autrement. On a pu vérifier que la reconstruction du lien entre les socialistes et les héritiers du prolétariat serait très longue. En l'espèce, il y avait une hypocrisie à participer à une manifestation qui proteste contre une mesure initialement prise par un gouvernement porté par le parti socialiste. C'est en effet la majorité de François Hollande qui a décidé de transposer en droit français l'obligation européenne d'ouvrir le transport ferroviaire de voyageurs. Cette décision est à l'image de nombreuses autres mesures prises ou portées par le parti socialiste depuis une trentaine d'années. Elle est à rebours du protectionnisme de la "France profonde". Pour le Parti socialiste, ce sera une véritable gageure que d'échapper à cette ornière. 

Le PS peut-il aujourd’hui prétendre incarner autre chose qu'un parti social-libéral tout en se voulant se voir et se vivre comme l'héritier de Jaurès ou de Rosa Luxembourg ? 

​Je ne suis pas sûr que l'héritage de Rosa Luxembourg soit encore revendiqué par le parti socialiste. Celui de Jaurès l'est, mais comme un Nicolas Sarkozy pouvait lui-même le revendiquer. Il s'agit plus d'un héritage moral et symbolique que d'un héritage idéologique. Le Parti Socialiste s'est en effet constitué depuis une trentaine d'années comme un parti de notables portant les valeurs des notables et des élites. Son ancrage est profondément du côté de l'Union Européenne, de l'espérance attachée à un marché unique, mais aussi du côté des grandes entreprises et de leurs intérêts. C'est plus un parti de domination sociale qu'un parti social libéral, avec la conviction que les plaies du capitalisme doivent être soignées à coup de politiques sociales qui renforcent l'emprise de l'Etat sur la société. D'un côté, dispositions favorisant l'émergence d'une économie du grand capital, de l'autre pression fiscale pour en financer les inconvénients. Telle est la vision du parti socialiste depuis 30 ans, et c'est cette vision qui en constitue l'identité politique.

En quoi ce changement d'orientation politique initiée en 1983 a-til pu produire une modification structurelle de l'électorat du parti, de la perte des classes populaires, et de l'attrait qu'il a pu représenter pour des classes supérieures ? En quoi ce changement peut-il empêcher un retour du parti sur ses bases, et expliquer le rejet d'Olivier Faure ? 

​Le tournant de 1983 fut largement porté par Jacques Delors, plus sur le principe de la fameuse désinflation compétitive que de la rigueur. Jacques Delors voulait rompre le cycle de l'augmentation des salaires qui nourrissait une inflation élevée et favorisait donc l'Allemagne, dont les prix à la production évoluaient peu, et qui gagnait ainsi en compétitivité. L'idée était qu'il fallait rapprocher, faire converger les conditions de compétitivité de la France et de l'Allemagne. D'où des mesures difficiles de modération salariale qui ont fait entrer la crise économique dans la vie des Français. Ce fut la grande rupture entre le "prolétariat" et les élites. A cette époque, les ouvriers français n'avaient pas encore clairement compris ce qui les attendait. Les productions manufacturières ont en effet entamé une lente mais inexorable phase de délocalisation, du fait de l'ouverture des frontières et de la constitution d'un marché unique. La France a ouvert ses frontières à ses voisins, a supprimé ses barrières douanières, et a mis en concurrence directe des usines avec celles des pays à plus bas coûts ou à qualité difficile à contester. Les ravages furent terribles, notamment dans le secteur textile, puis dans la métallurgie. Ce sont ces choix stratégiques, d'une ouverture des frontières couplée à une dégradation des termes de la compétitivité due à une amélioration constante des protections dont bénéficient les salariés, qui ont condamné les classes populaires à une précarité. 

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