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Affaire Sarkozy : mais qui choisit l’arbitre ?
©Reuters

Hasard ?

Au lendemain de garde à vue de Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen a posé une question utile : comment se fait-il que ce soit toujours le même juge d’instruction qui est désigné pour enquêter sur les affaires de l’ancien Président de la République ?

Sophie Obadia

Sophie Obadia

Sophie Obadia est avocate au Barreau de Paris. Elle exerce en droit pénal (tribunaux correctionnels et cours d’assises) etintervient fréquemment dans les affaires de mœurs, de harcèlement sexuel et moral, de viols et de violences sexuelles. Sa compétence est reconnue dans le contentieux de la diffamation, des atteintes à la vie privée et autres délits de presse.

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Marine Le Pen a gardé de bons réflexes d’avocat.

Au lendemain de la spectaculaire garde à vue de Nicolas Sarkozy dans le cadre du financement de sa campagne à la présidentielle de 2007, elle pose une question utile : comment se fait-il que ce soit toujours le même juge d’instruction qui est désigné pour enquêter sur les affaires de l’ancien Président de la République ?

Est-ce un mauvais procès de plus fait à notre justice pénale ?

Petit rappel : ce n’est ni le Procureur ni le Doyen des juges d’instruction qui choisissent celui ou ceux qui auront la charge d’un dossier maisbel et bien le délégué du Président du Tribunal, saisi par un réquisitoire introductif daté et signé de la main du Procureur qui désigne de facto le juge en charge de la nouvelle instruction.

A Paris, au service général et au Pôle financier, là où s’instruisent les affaires de financement de campagnes électorales, il existe un tableau de roulement où chaque juge d’instruction est inscrit pour la semaine en cours. Ce système est censé assurer une désignation saine car aléatoire, en fonction des jours et non pas du juge ou de la personne qui lui sera présentée. Cette désignation neutre consacrée par le législateur en 1989 à travers les articles 83 et D27 et suivants du Code de procédure pénale est une garantie pour le justiciable et la démocratie.

Mais alors, tout un chacun et surtout l’avocat devrait pouvoir contrôler que ni le Procureur en choisissant la date de son réquisitoire écrit ni le délégué du Président n’on concouru à un choix discrétionnaire du juge d’instruction, en charge d’une enquête qui doit être équitable à égale distance de l’accusation et du mis en examen.

Y a-t-il vraiment un hasard ?

Dès 1990, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a terni l’ambition législative en jugeant que la désignation du juge d’instruction constitue un acte d’administration judicaire dont l’irrégularité procédurale n’entraine aucune sanction interdisant aux avocats de discuter du choix de cet arbitre, aux larges pouvoirs,qu’est le juge d’instruction.

Les avocats de la défense le savent bien et en souffrent parfois, le choix du juge d’instruction n’est pas discutable au nom du principe de l’administrationjudicairede laquelle l’avocat est exclu.

Que l’on se rassure cette inégalité des armes semble, à première vue, contrebalancée par la cosaisine devenue habituelle dans le cas des affaires complexes que sont, par exemple, les affaires de financement de campagne.

Hasard du calendrier, la réforme instaurant la codésignation de plusieurs juges d’instruction remonte au mois de mars 2007, alors que la campagne à la présidentielle devenue suspecte pour Nicolas Sarkozy battait son plein.

Je me souviens, tous les avocats pensaient que c’était le meilleur chemin procédural vers une juste manifestation de la vérité au nom du vieil adage « Juge unique, juge inique ».

Mais hélas au quotidien, et comme souvent, la pratique est dévoyée.

Si deux ou trois juges sont co-désignés, en réalité, c’est le premier qui prend le leadership et rapidement, les autres magistrats instructeurs, submergés par leurs propres dossiers, deviennent des figurants.

Il ne faut pas confondre co-saisine et collégialité.

A nouveau seul,faussement accompagné, le juge « chargé de l’instruction » peut prendre les grandes décisions du dossier comme la saisine d’un juge de la détention ou le refus d’une demande d’actes à l’exception, heureusement, du renvoi devant le tribunal.

Pour résumer, l’ancien président de la République,justiciable compulsif s’il en est, a toujours « bénéficié » du principe de la cosaisine.

Il  n’a pas eu systématiquement affaire au seul Juge Serge Tournaire et dans le dossier Bygmalion, un nouveau contentieux-inédit- vient de naître du fait que l’autre juge cosaisi a refusé de renvoyer Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel en ne signant pas l’ acte de renvoi.

Ajoutons que le dernier non-lieu le concernant a été prononcé par des juges qui – soulignons-le- n’appartiennent pas au Pôle financier de Paris (Bordeaux/ Bettencourt).

Et que Marine Le Pen et les autres mauvais esprits se rassurent, l’institution judiciaire a trouvé la parade grâce une ultime garantie :  les juges d’instruction financiers ne sont pas inamovibles.

Leur « tour de bête » ne dure que dix années …

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