Sarkozy Wauquiez : pourquoi les ingrédients d’un clash sont d’ores et déjà réunis<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sarkozy Wauquiez : pourquoi les ingrédients d’un clash sont d’ores et déjà réunis
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Chronique d’une guerre annoncée

Nicolas Sarkozy a reçu Laurent Wauquiez, quelques semaines après les "fuites" dans lesquelles le président de LR avait clairement attaqué l'ancien président.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

Atlantico : Si l'humeur affichée était à la réconciliation, est-il possible que le feu couve sous ces cendres affichées ? En se positionnant sur sa ligne actuelle, Laurent Wauquiez ne tente-t-il pas de barrer la route à un Sarkozy qui apparait de plus en plus sur la scène publique et commente librement l'actualité politique ? Ou l'ombre toujours grande du maître inquiète-t-elle l'élève ?

Edouard Husson : Laurent Wauquiez, s’il garde une quelconque ambition, ne peut pas se permettre d’être en opposition à Nicolas Sarkozy. Or, les propos enregistrés à son insu contenaient au moins un dérapage absolument incontrôlé, la diatribe contre l’ancien président de la République, accusé d’avoir mis sur écoute ses ministres. On a souvent traité Wauquiez de « bébé Sarko » comme d’autres, en leur temps avaient été des « bébé Chirac ». Wauquiez a surtout gardé du sarkozysme une forme, assez brutale, qui n’est pas le meilleur de l’ancien président de la République. Sur le fond, il est totalement insaisissable voire inconsistant: il a été lancé par le centriste Barrot; il a fait de sérieuses embardées à droite. Il a souvent affiché des intentions protectionnistes, ce qu’on ne trouve jamais chez Sarkozy. Par ailleurs, beaucoup sépare le pur produit des grandes écoles qu’est Wauquiez de Nicolas Sarkozy qui a toujours eu le dessein de modifier en profondeur le recrutement des élites françaises.  Lorsque Wauquiez était ministre de l’Enseignement Supérieur de Nicolas Sarkozy, il défendait souvent la position du statut quo (« Touche pas à ma grande école ») en décalage complet avec la position du gouvernement - et avec l’action de son prédécesseur, Valérie Pécresse (la détestation affichée par Wauquiez envers Valérie Pécresse n’est pas seulement personnelle; elle porte sur le fond d’une réforme des universités et des grandes écoles qu’il a dû appliquer mais n’aimait pas). Par bien des aspects, Wauquiez est un centralisateur défenseur du statu quo, quand Nicolas Sarkozy a eu un quinquennat réformateur et visant à la déconcentration de l’Etat pour l’adapter aux besoins de l’époque. Beaucoup sépare les deux hommes, donc, sur le fond.

On a souvent comparé Laurent Wauquiez à Nicolas Sarkozy. Idéologiquement, qu'est-ce qui oppose les deux hommes ?

Sarkozy a tâché de concilier un retour aux fonctions régaliennes avec l’insertion dans l’Union Européenne. Il a voulu être à la fois très à droite en matière de sécurité intérieure et bon élève de la zone euro. Le grand écart n’a pas résisté à la crise: vous ne pouvez pas vouloir réaffirmer la grandeur de l’Etat et devoir, pacte de stabilité oblige, rogner la plupart des budgets. Wauquiez, vingt ans plus jeune, sent bien qu’il va devoir se débrouiller avec un malaise croissant des peuples confrontés à l’Union Européenne. Il a proposé de revenir aux origines du Marché Commun (un petit nombre de pays à intégrer)et de mettre en place un protectionnisme européen.  Mais c’est très timoré par rapport aux enjeux du moment: soit la refondation de l’Union Européenne soit sa disparition.  D’autre part Wauquiez aura le plus grand mal - quand bien même il le voudrait - à maintenir une synthèse entre la droite et le centre. Ce que Sarkozy avait fait avec l’UMP. Et qu’il refait, avec aisance, ces derniers jours, en rencontrant Valérie Pécresse ou en se montrant avec Gérald Darmanin. On peut dire que Wauquiez essaie d’occuper le créneau de Sarkozy mais 20 ans trop tard et sans avoir l’élan réformateur qu’avait l’ancien président. Il sera pris en étau entre Macron et Marine Le Pen.

En cas de "clash", quels sont les atouts de l'un et de l'autre pour l'emporter ?

La séquence de ces derniers jours est cruelle pour Wauquiez. Il dévisse dans les sondages, doit aller à Canossa...rkozy et cherche fébrilement à ne pas trop apparaître sur la défensive; tandis que l’ancien président a retrouvé sa mobilité, son aura médiatique et son maniement virtuose de la « diagonale du fou »: il n’est jamais là où on l’attend; un jour il avertit Macron sur les risques d’une réforme constitutionnelle, le lendemain il fait l’éloge de Darmanin; il reçoit Valérie Pécresse après avoir vu Wauquiez. Croyez-vous vraiment, pour autant, que Sarkozy puisse se relancer dans la bataille? Giscard n’a jamais réussi à redevenir présidentiable après 1981, malgré les années 1988-1991, où il a pu donner cette impression. Sarkozy a perdu la bataille des primaires  en 2017. On imagine difficilement qu’il puisse revenir malgré le désarroi de la droite. En revanche, il peut empêcher Wauquiez d’affirmer son emprise sur les Républicains; et plus largement sur la droite. Imaginons que Wauquiez franchisse la frontière qui sépare les Républicains du Front National, on imagine Sarkozy le rappeler à l’ordre. En fait, on imagine mal Wauquiez gagner, lui aussi. La droite a besoin d’un gaullisme rénové. Et il en est très éloigné, d’abord pour des questions de style - il n’a pas retenu la leçon du dévissage de Sarkozy dans les sondages, une fois élu, lorsque ce dernier a été incapable d’entrer dans la dignité de la fonction présidentielle et a fait fuir l’électorat âgé qui avait largement contribué à sa victoire; ensuite parce que Wauquiez n’a pas de vision de la France ni de son histoire; enfin parce qu’il ne donne pas l’impression de comprendre le monde de la révolution NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, cognition).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !