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"Dîner en ville" : Christine Angot, sans filtre, mais pour le meilleur
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Culture

On aime ou on n'aime pas du tout Christine Angot, mais là il faut reconnaître qu'avec sa pièce "Dîner en ville",elle se livre avec une telle authenticité qu'elle en devient émouvante dans ses interrogations et ses blessures.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THEATRE
DINER EN VILLE 
 DE CHRISTINE ANGOT 
 MISE EN SCÈNE: RICHARD BRUNEL 
 AVEC EMMANUELLE BERCOT, JEAN-PIERRE MALO, DJIBRIL PAVADÉ, ETC …
INFORMATIONS
THEATRE NATIONAL DE LA COLLINE
15 RUE MALTE BRUN
75020-PARIS
Réservations : 0144625252
                        www.colline.fr
Jusqu’au 1er avril.
RECOMMANDATION :  EXCELLENT
THEME
 Parce qu’elle est cash, Christine Angot annonce toujours la couleur ! Comme son titre l’indique, sa pièce va donc mettre en scène un diner. Mais parce qu’il est précisé que ce diner se déroulera « en ville », on subodore qu’il sera « mondain », donc, in fine, « politique » et que ses participants seront contraints d’y faire assaut d’élégance, vestimentaire et… verbale. On s’attend à ce que ça saigne…
Marie, professeur de médecine réputé, invite Cécile, actrice célèbre, à diner chez elle. Mais pour la raison qu’un de ses amis intimes convié à sa sauterie depuis longtemps, ne supporte pas la comédienne, elle annule son invitation. Le hasard fait que ces deux femmes vont se retrouver à un autre diner « en ville » organisé par un producteur de films, homosexuel et snobissime, qui travaille aussi dans la mode. Y sont présents également une directrice d’un théâtre subventionné et le petit ami martiniquais de Cécile, ingénieur du son au chômage.
Passés les faux semblants de la  mondanité et de la  convivialité superficielle  imposée par les circonstances, chacun des convives va faire sauter les verrous des convenances sociales, tenter d’imposer sa voix, défendre sa classe, cela, pour essayer de prendre le « pouvoir ». Cécile, dont le métier est pourtant de « jouer à faire semblant », va refuser d’entrer dans cette surenchère de mauvaise foi et de mensonges. Le ton va monter… Jusqu’au clash…
POINTS FORTS
- Le moins qu’on puisse dire c’est que, lorsque Christine Angot passe à table, elle n’y va pas par quatre chemins pour « balancer » et envoyer valdinguer les codes ! Dans ce « diner en ville », elle prend un malin plaisir à dénoncer ce que l’ « entre-soi » a d’insupportable, vitupérer l’ostracisme des snobs, s’insurger contre la société des apparences et hurler son dégoût de ce mépris social qui a faussé les rapports humains, jusqu’à rendre « invisible » une partie de la population.
Ce qu’il y a d’épatant dans son texte, c’est qu’en plus d’être vivant, il est d’une drôlerie impayable. Vacharde, Angot, mais d’un humour qui fait jubiler la salle. Ses dialogues sont ciselés, aiguisés. Témoin, cette réplique: « La mode c’est comme la vie. C’est éphémère, c’est dangereux et c’est injuste ».
- Les cinq comédiens chargés d’incarner les convives de ce diner, sont tous épatants. Il faut dire qu’ils ont été dirigés très finement, avec une précision chirurgicale, par le metteur en scène Richard Brunel. Ils ne perdent pas une miette des intentions du texte.
La scénographie est formidable, qui joue sur la transparence de panneaux coulissants. Ici, on joue  «  à découvert ». Idéal pour un texte qui accule ses personnages à se débarrasser de leur posture sociale.
POINTS FAIBLES
C’est du Christine Angot, tel qu’en elle même. Que ceux qui n’aiment pas son style, très oral, passent leur chemin…
EN DEUX MOTS
Il y a une chose qu’on ne peut pas enlever à Christine Angot, c’est son cran. Que cela plaise ou non, elle y va ! Dans ce « Diner en ville », elle balance, sans filtre, quelques vérités bien senties contre les bobos, les faux-culs et les faux semblants en tous genres.
Elle peut énerver Angot, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas être authentique. D’ailleurs, elle s’est mise toute entière dans le personnage de Cécile (interprété avec un naturel confondant par Emmanuelle Bercot), elle, Christine, dans toute son émotivité, ses débordement, son incapacité à être quelqu’un d’autre qu’elle même, sa recherche obsessionnelle du mot juste aussi, qui fait que parfois, elle donne l’impression de bégayer… Tout ça  la rend émouvante, oui émouvante, cette femme qui n’a pas trouvé d’autre moyen que l’écriture pour se libérer de ses blessures et de ses indignations. 
UN EXTRAIT
« Qu’est-ce que la bourgeoisie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Est-ce que je suis bourgeoise, est-ce que je suis heureuse ? Y a-t-il des critères ? Est-ce que je les connais ? Comment je les connais ? Qui me les a enseignés ? Et moi, quelles sont mes racines sociales ?... Quel est mon rapport à la bourgeoisie ? A quel degré j’en viens ? » (Christine Angot, La Place du Singe, 2005).
L’AUTEUR
Même si elle en rejette le terme avec la véhémence dont elle peut être capable, Christine Angot est aujourd’hui l’une des figures les plus connues de l’autofiction. Elle est aussi l’ « écrivaine » qui suscite, en France, le plus de controverses, pas tant d’ailleurs pour ses romans ou pièces de théâtre que pour ses articles et interventions télévisuelles… Avec Christine Angot, c’est simple, en général, pas de demi-mesure. Soit on l’adore, soit elle horripile.
Née le 7 février 1959 à Châteauroux, elle commence  par faire des études en droit et en langues, mais elle  décide très vite de se consacrer exclusivement à l’écriture. Et tant pis si elle doit manger de la vache enragée ! En 1990, après plusieurs refus, elle voit enfin un de ses manuscrits acceptés chez Gallimard. Il s’agit de Vu du ciel. Il sera suivi de Not to be et de Leonore toujours. En 1994, elle essuie un nouveau revers. Gallimard refuse son quatrième roman Interview. Ce dernier sera finalement publié par Fayard, comme, ensuite, Les Autres, L’Usage de la vie et Sujet Angot. Mais l’Inceste, qui fera couler beaucoup d’encre sera publié par Stock, à l’instar de Pourquoi le Brésil (2002 ) et Les Désaxés 2004 .
En 2006, nouveau changement d’éditeur. La romancière rejoint Flammarion, où elle publie plusieurs titres dont, le dernier, en 2015, Un Amour Impossible, qu’elle adapte pour la scène.
Car entre tous ses livres, cette « écrivaine » si singulière n’a jamais cessé d’écrire pour le théâtre.
Ses textes donnent souvent lieu à des lectures publiques qu’elle assure elle même, seule en scène.

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