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Et en même temps… le projet de loi asile et immigration porté par Gérard Collomb pourrait bien ne pas changer grand chose
©Reuters

Humanité et fermeté

Le projet de loi asile et immigration porté par Gérard Colomb est clairement construit dans une logique de fermeté. Très critiqué par les associations, il fait même des vagues jusque dans la majorité. Il est pourtant défendu par le ministre de l'Intérieur comme un texte « équilibré » qui « s'aligne sur le droit européen ». Mais les évolutions législatives ne jouent qu'un rôle mineur concernant le choix de la destination des migrants.

Jacques Barou

Jacques Barou

Jacques Barou est docteur en anthropologie et chargé de recherche au CNRS. Il enseigne les politiques d’immigration et d’intégration en Europe à l'université de Grenoble. Son dernier ouvrage s'intitule La Planète des migrants : Circulations migratoires et constitution de diasporas à l’aube du XXIe siècle (éditions PUG).

 

 

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Atlantico : Le « projet vise notamment à réduire les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. Est-ce que cette loi, plus dure sur certains aspects et souple sur d'autres, va réellement permettre de solutionner quoi que ce soit ?

Jacques Barou : Cette loi n'est pas très différente des précédentes. Elle répond plutôt à une situation conjoncturelle qui s'est déjà produite dans le passé. Chaque fois que le nombre de demandeurs d'asile augmente significativement, le gouvernement promulgue des lois pour accélérer la procédure de traitement afin de désengorger les lieux d'accueil et s'efforce aussi de trouver des moyens pour faciliter l'expulsion des déboutés, sachant qu'ils représentent toujours entre les deux tiers et les 80% des demandes examinées. La réduction du temps de traitement est critiquée par les défenseurs des demandeurs d'asile car cela réduit le temps nécessaire à la construction d'un argumentaire pour démontrer le bien fondé de la demande d'asile. Il est objectivement très difficile de juger de ce bien fondé et au niveau de l'instruction des dossiers par les agents de l'OFPRA on s'en tient souvent à des critères relativement simples : pays en guerre et pays sûrs, avec dans ce dernier cas une attention portée à des faits susceptibles d'avoir créé une situation d'insécurité pour des personnes bien définies dans des zones bien définies. Elle ne va pas changer grand chose sinon faciliter les expulsions des gens venant de pays qui ne sont pas en guerre, à condition de connaître la provenance réelle des requérants, ce qui n'est pas facile pour certaines zones comme l'Afrique subsaharienne où l'état civil est souvent lacunaire et où les mêmes groupes ethnolinguistiques se retrouvent aussi bien dans des pays en guerre que dans des pays sûrs. La loi comporte des aspects positifs pour les demandeurs d'asile qui seront pris en charge comme tels : l'autorisation de travailler au bout de six mois de présence en France sans attendre l'obtention du statut comme c'est le cas aujourd'hui. Une aide plus marquée à l'apprentissage du français devrait faciliter l'insertion des gens qui bénéficieront d'une prise en charge dans un centre d'accueil. Pour ceux qui n'en bénéficieront pas, les choses resteront plus difficiles. En dehors de ça, le nombre de déboutés a des chances de rester élevé et de continuer à nourrir la population en situation irrégulière car les expulsions sont toujours difficiles à mettre en place et souvent coûteuses.. 

Jusqu'à quel point les évolutions législatives peuvent-elles jouer un rôle concernant le choix de la destination pour les migrants ?

Les évolutions législatives sont complexes et peu connues des candidats à la demande d'asile. Ils en retiennent toutefois quelques points forts. Le droit de travailler rapidement est un des facteurs qui détermine leur orientation vers tel ou tel pays. Cela explique l'intérêt pour le Royaume Uni et les réticences à aller en France où on n'avait jusque là en principe pas le droit de travailler avant l'obtention d'un statut de réfugié ou d'une protection subsidiaire. L'article de la loi Chevènement de 1998 sur la possibilité d'obtenir un titre de séjour pour raisons de santé a déterminé l'intérêt pour la France d'un certain nombre de migrants. Soit ils essayent d'obtenir directement ce titre de séjour, soit ils espèrent qu'en cas de refus du statut de demandeurs d'asile, ils pourront se rabattre vers la demande de ce titre. 

Au-delà des lois, n'est-ce pas plutôt l'image que les pays d'accueil renvoient qui s'avère déterminante dans le choix des migrant de se rendre dans tel ou tel pays ?

L'image que le pays d'accueil renvoie peut jouer un rôle mais c'est avant tout l'expérience qu'en ont les compatriotes déjà installés qui joue dans les choix des nouveaux migrants. Les pays scandinaves sont attractifs pour beaucoup d'originaires du Proche et Moyen Orient parce qu'ils ont accueilli dès les années 1970 des minorités arabophones insécurisées par la guerre civile libanaise ou victimes de la dictature de Saddam Hussein en Irak. Ces groupes aujourd'hui bien installés constituent un milieu d'accueil et d'entraide pour ceux qui se lancent dans la migration. Il est probable toutefois que la forte médiation des évènements de 2015 et les paroles de Madame Merkel ont contribué à donner de l'Allemagne une image positive. Il n'est pas sûr que ce soit toujours le cas aujourd'hui. 

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